Monsieur le Ministre, notre pays célèbre le 03 Août 2020 la fête de l’indépendance ou Fête Nationale de l’Arbre FNA. Sachant que cette édition se présente dans un contexte de crispation inhérente à la crise sanitaire mondiale liée à la pandémie de la Covid-19, n’est-ce pas un défi que de réussir son organisation ?
Je voudrai tout d’abord commencer par rendre grâce au Tout puissant, le Clément, le Miséricordieux pour nous avoir permis de commémorer le 60ième anniversaire de l’Indépendance de notre pays, anniversaire consacré depuis 45 ans à la célébration de la Fête Nationale de l’Arbre.
Effectivement, l’édition 2020 de la FNA, se déroule dans un contexte où la Covid-19 a bouleversé les habitudes socio-économiques, professionnelles et culturelles des populations.
Mais au Niger comme vous pouvez le constater, du fait des mesures adéquates prises par le Gouvernement, des progrès significatifs vers un contrôle de la situation sont observés. Cependant, le virus étant toujours en circulation, organiser les festivités marquant la Fête Nationale de l’Arbre reste effectivement un défi.
C’est pourquoi, plusieurs dispositions sanitaires sont prises dans le cadre de l’organisation de cet évènement. Ainsi, pour prendre en compte cette situation sanitaire dans l’organisation de cette fête, une sous-commission santé a été mise en place au sein du Comité d’Organisation. De même, l’organisation veillera au respect de toutes les mesures édictées par le Gouvernement notamment, la distanciation, le lavage des mains, l’usage du gel hydro alcoolique et le port de bavettes au niveau des lieux où se dérouleront les évènements entrant dans la célébration de cette Fête.
La cérémonie officielle de plantation d’arbres se déroulera à Agadez. N’est-ce-pas là un autre défi de taille à relever en termes de mobilisation des moyens financiers, humains et matériels, dans un contexte particulier dominé par l’amenuisement des moyens inhérents à la pandémie de la Covid-19 ?
La pandémie de la Covid-19 a certes impacté nos capacités financières, mais vous conviendrez avec moi aussi que la célébration de la Fête Nationale de l’Arbre, surtout pour cette édition 2020 qui coïncide avec le 60ième anniversaire de l’Indépendance, revêt une grande importance pour le Gouvernement. Compte tenu du défi auquel vous faites allusion, le Comité National d’Organisation a procédé
à des adaptations nécessaires, ayant permis la réalisation de l’essentiel des activités entrant dans le cadre de cette fête. C’est le cas du changement d’approche observé dans l’organisation du Concours National de lutte contre la désertification qui a été organisé selon une procédure qui nous a permis de réduire les coûts, tout en étant dans le respect des standards de qualité et d’objectivité requis. De même, pour compléter les efforts propres de l’Etat, le comité d’organisation (au niveau national et régional) a sollicité le soutien de certains acteurs et a travaillé diligemment à la mobilisation de toute la population d’Agadez.
Effectivement, organiser la fête de l’arbre à Agadez est un défi que le gouvernement est en passe de relever ; mais en fait ce n’est que justice rendue à la région d’Agadez vu que cette fête n’a pu succéder à celle rotative du 18 décembre 2018 que la région a justement abrité.
Cette année le thème retenu pour la célébration de la Fête Nationale de l’Arbre est « Investir dans la restauration du patrimoine forestier, c’est investir dans l’avenir ». Qu’est-ce qui justifie le choix de ce thème ?
Vous n’êtes pas sans savoir que le patrimoine forestier national, constitué de forêts classées, de forêts protégées, des espaces verts et des parcs agroforestiers, est fortement dégradé pour des raisons d’ordre anthropique et climatique.
Ma conviction est que, pour que les générations présentes et futures puissent continuer à jouir pleinement de nombreux biens et services générés par les écosystèmes forestiers, il va falloir adopter des modes de productions et de consommations durables en investissant dans la restauration des forêts.
Appelées par certains «richesse verte», les forêts constituent une source vitale pour l’alimentation humaine et animale, la pharmacopée, la séquestration du carbone et la génération des revenus substantiels aux communautés locales. Investir dans le patrimoine forestier est donc une forme d’investissements multiformes pour la continuité de la richesse, à travers les biens et services ainsi générés. Les générations futures qui nous ont prêté cette richesse s’attendent à ce qu’elle leur soit remise en bonne et due forme. Investir aujourd’hui dans le potentiel forestier, c’est leur garantir la fourniture de biens et service dont elles auront besoin.
En outre, je dois rappeler que la 45ème édition se tient dans un contexte où l’Assemblée Générale de l’ONU a adopté la Décennie des Nations Unies pour la Restauration des Écosystèmes 2021-2030. Nous devons nous préparer à tenir nos engagements internationaux à travers un investissement massif dans la préservation et la restauration du patrimoine forestier.
Justement, Monsieur le ministre, comment investir dans la restauration du patrimoine forestier, et quels sont les principaux acteurs cibles d’une telle action ?
D’abord, investir dans la restauration du patrimoine forestier requiert un cadre politique, institutionnel et juridique approprié. A ce sujet, il faut se réjouir du fait que tous les documents cadres d’orientation en vigueur, notamment le Programme de Renaissance du Niger, Acte 2, le Plan d’Action de l’Initiative 3N, le document de la Contribution Déterminée au niveau National pour la mise en œuvre de l’Accord de Paris sur le Climat, la Politique Nationale en matière d’Environnement et de Développement Durable, tous ces documents dis-je, ont fait de la restauration et la préservation de l’environnement comme une de leurs priorités d’action. Au plan législatif, notre pays dispose d’un arsenal globalement sécurisant et incitatif en matière de restauration du patrimoine forestier. Donc, je peux dire que les conditions sont réunies pour investir dans la restauration du patrimoine forestier ; la question essentielle qui reste est bien évidemment celle liée aux moyens de mise en œuvre.
Je voudrais aussi dire que le travail de sensibilisation et de la conscientisation de la population est essentiel pour que l’investissement dans la restauration de l’environnement soit porteur, car, a-t-on coutume de le dire, le meilleur investissement, c’est l’homme. Il s’agit alors pour nous de continuer et intensifier le travail de sensibilisation de tous les acteurs concernés.
En ce qui concerne le deuxième volet de votre question, c’est-à-dire qui sont les acteurs de la restauration, je voudrais rappeler qu’investir dans le patrimoine forestier appelle à la mobilisation et aux efforts de tous, à savoir l’Etat, ses partenaires nationaux et internationaux, les collectivités décentralisées et les communautés. C’est une œuvre dans laquelle chacun peut et doit apporter sa contribution. Je voudrais particulièrement insister sur les rôles des communautés et des collectivités territoriales, eu égard au processus de la décentralisation et du transfert des compétences et des ressources en cours dans notre pays. Je voudrais à ce sujet profiter de cette opportunité pour rendre un hommage mérité à nos communautés qui s’investissent de plus en plus dans la pratique de le Régénération naturelle Assistée qui contribue aujourd’hui à faire connaitre notre pays à l’international, compte tenu des succès énormes enregistrés en la matière.
Quelles sont les potentialités dont renferme le patrimoine forestier nigérien et quelles sont les principales actions menées au niveau de votre département ministériel dans le cadre de la restauration de ce patrimoine ?
Comme je disais tantôt, le patrimoine forestier est essentiellement composé des forêts protégées, des forêts classées, des espaces verts et des parcs agro-forestiers. Ces écosystèmes forestiers, quoique dégradées renferment une diversité d’espèces végétales et animales souvent d’importance mondiale comme l’Addax (Addax nazomaculatus) dont le Niger est le seul pays au monde à disposer à l’état naturel d’une population viable; c’est aussi le cas de la dernière population de girafes (Giraffa camelopardalis peralta) de l’Afrique de l’Ouest dont notre pays est le seul à en abriter.
Les principales actions menées au niveau de mon département ministériel dans le cadre de la restauration de ce patrimoine vont de la communication pour un changement de comportement et une action concertée, à la conception et la mise en œuvre de vastes programmes d’aménagement et de restauration des terres et des forêts dégradées sur fonds propres de l’Etat et avec l’appui des partenaires.
Dans cette optique, mon département ministériel ambitionne de réhabiliter l’ensemble des forêts classées et c’est pourquoi, chaque année, il est prévu dans le programme « gestion durable des terres, des eaux et de la diversité biologique » de notre Projet Annuel de Performance, une activité relative à la restauration des terres forestières. Mais au regard de l’ampleur de la dégradation des forêts et de la modicité des ressources allouées pour leur réhabilitation, il va falloir mobiliser des ressources externes conséquentes. C’est pourquoi mon département ministériel a élaboré un document de projet à ce sujet, bien ambitieux et soumis aux partenaires.
Pour restaurer le patrimoine forestier, il faut non seulement préserver l’existant et planter d’autres arbres. D’où la nécessité d’entreprendre des opérations de grande envergure à cet effet. Qu’en sera-t-il ?
Vous avez parfaitement raison de rappeler la nécessité de mener des opérations de grande envergure au regard de l’ampleur de la dégradation des forêts. Fort heureusement, notre pays a une vieille tradition et des expériences solides dans ce domaine. On peut, entre autres, citer les opérations Sahel Vert et les plantations d’Engagement de Maradi. Toutes ces opérations ont donné des résultats positifs (encore visibles de nos jours pour certains sites).
C’est dans l’objectif de renouer avec les opérations de reboisement d’envergure que le gouvernement a lancé, depuis 2014 «le Programme un Village, un Bois ». C’est aussi pour amplifier les opérations de plantation que nous allons lancer le Programme «un Nigérien, un Arbre» qui revient à dire à planter et entretenir 22 millions d’arbres à l’occasion de la campagne de reboisement 2020.
Aussi, à côté de ces programmes de reboisement, nous poursuivons nos efforts d’appui conseil aux producteurs afin que ceux-ci adoptent encore plus massivement la pratique de la régénération naturelle assistée.
Monsieur le Ministre, le Programme de Renaissance du Niger, acte 2, prévoit la réalisation de 70 000 ha en matière de Régénération Naturelle Assistée (RNA) chaque année, ce qui place la pratique de la RNA au cœur des stratégies de lutte contre la désertification. Quelles sont les réalisations faites pour l’atteinte de cet objectif ?
La Régénération Naturelle Assistée (RNA) est une pratique ancrée dans les habitudes des paysans du fait de son caractère très pratique et du rôle que joue l’arbre dans le champ.
En effet, le Programme de Renaissance du Niger, acte 2, prévoit la réalisation de 70 000 ha en matière de Régénération Naturelle Assistée (RNA) chaque année, ce qui, à première vue parait énorme, mais réalisable en raison de l’engagement des populations rurales, de l’approche adoptée et de la place que l’opération occupe dans la plupart des programmes et projets exécutés. Pour preuve, de 2016 au 30 juin 2020, il a été réalisé 339 285 ha de RNA, soit un taux de réalisation d’environ 97% par rapport à la cible totale pour la même période.
Hélas, force est de constater que le patrimoine naturel, englobant les forêts et autres espaces verts, subit la rude pression des activités humaines. Quels sont les moyens et les mesures mis en œuvre par votre département ministériel dans le domaine de la restauration, de la préservation de l’Environnement ?
Les moyens et les mesures mis en œuvre par mon département ministériel dans le domaine de la restauration, de la préservation de l’Environnement portent sur la surveillance et le contrôle et sur les actions de sensibilisation et d’information, dans le cadre de la communication pour un changement de comportement.
En d’autres termes, nous œuvrons à faire comprendre à nos concitoyens la nécessité de travailler pour un environnement sain comme indiqué dans notre loi fondamentale, la constitution. Naturellement, ces actions de surveillance, de sensibilisation et d’information sont suivies par des actions concrètes de restauration à travers plusieurs projets et programmes financés par l’Etat et ses partenaires.
Monsieur le Ministre, quel serait l’appel que vous voudrez lancer à l’endroit des populations nigériennes en vue d’obtenir un engagement en faveur des actions de la restauration et la préservation de notre environnement ?
Merci bien ! Avant de lancer un appel, je voudrais rappeler que dans ses dispositions (article 2), la loi 2004-040 du 8 Juin 2004 portant régime forestier au Niger stipule que, «Les ressources forestières constituent les richesses naturelles et, à ce titre, sont partie intégrante du patrimoine commun de la Nation. Chacun est tenu de respecter ce patrimoine national et de contribuer à sa conservation et à sa régénération », fin de citation. Le respect du domaine forestier est de ce fait un devoir pour tous. C’est pour cela que je lance un appel à tous nos concitoyens, des villes comme des campagnes, jeunes et vieux au respect de ce principe et à s’investir davantage dans la restauration du patrimoine forestier, et contribuer ainsi au bien-être des générations futures.
Que Dieu nous gratifie d’un hivernage fécond pour que reverdissent nos champs et nos forêts. Je vous remercie.
Réalisée par Assane Soumana(onep)