
Enfants réfugiés et enfants de la communauté hôte étudient ensemble dans des salles de classe construites par le HCR à Chadakori, dans la région de Maradi. © UNHCR/Claris Achu
Chaque année, le 20 juin est l’occasion de célébrer la Journée mondiale des réfugiés, c’est l’occasion de porter son attention à ce que sont les réfugiés, ce qu’ils représentent, ce qu’ils portent en eux, ce qu’ils sont : des civils, des hommes et des femmes, des enfants, filles ou garçons, des personnes âgées, victimes de conflits, de violence indiscriminées ou de persécutions qui les visent comme personnes ou comme communautés en raison de leur appartenance à un groupe particulier, du fait de leurs origines, nationales ou sociales, de leurs croyances ou encore de leurs opinions politiques.
Les réfugiés, les personnes déplacées internes également, sont comme vous et moi. Rien ne les distinguaient, jusqu’au jour où leurs vies se sont écroulées, en quelques minutes parfois, sans qu’ils n’aient eu le temps de se retourner, de prendre avec eux, ce qu’ils ont parfois de plus précieux, sinon leur famille, leurs proches, leur femme, leurs enfants, leurs parents, ceux qui autour d’eux ce sont tous mis en fuite alors que leur village, ce lieu paisible où ils avaient inscrit leur vie, de générations en générations, en un instant, se transformait en un champs de bataille, des corps gisants devant les maisons, alors que l’atmosphère se remplissait d’une fumée âcre, les tirs, les cris, et voilà la communauté du village, du moins ceux qui ont pu échapper aux tirs, à la violence et aux massacres, en fuite, dispersée en petits groupes, courant, fuyant, tachant de se frayer un chemin à travers les taillis compacts et les herbes hautes, les uns et les autres assommés par la peur, étreint par l’angoisse. Ils fuient, vers des zones plus sures, vers des zones qui leur offriront, ils en sont convaincus, un sanctuaire, un havre de paix, un lieu qui leur offrira l’asile.
Parfois, ses zones se trouvent dans le pays voisin. Voici donc que toutes ses personnes que rien ne distinguait de toutes autres personnes autour d’elles, de toutes les autres communautés qui les entouraient, voici que ces personnes sont devenues des réfugiés.
Et elles le resteront jusqu’au jour où elles pourront enfin refaire à l’envers ce chemin de fuite, ce chemin de peur et d’horreur, ce chemin au départ duquel leurs vies se sont écroulées, ont été anéanties et transformées en simple souvenir. En faisant ce chemin à l’envers, ces personnes espèrent qu’elles déferont ou effaceront l’épisode traumatique, ce mauvais souvenir, ce point d’impact qui, comme un coup de tonnerre, a bouleversé à jamais leur vie.
Un bon nombre des plus de 400.000 réfugiés qui ont trouvé asile au Niger ont une histoire secrète, une histoire douloureuse, dont ils ne parlent pas facilement et qui souvent ressemble un peu à celle a l’instant que j’ai tenté, très malhabilement, d’esquisser.
La Journée mondiale des réfugiés, ici au Niger, c’est l’occasion de saluer la foi, le courage, et la détermination des réfugiés ou des personnes déplacées à surmonter ce traumatisme qui est à l’origine de leur condition, à retrouver leur dignité, et à refaire leur vie, une vie qui puisse ressembler à celle de tous ceux qui les entourent et qui eux ne sont pas réfugiés.
Mais, c’est aussi l’occasion d’honorer les communautés d’accueil, celles qui par solidarité et par fraternité accueillent les réfugiés, leurs ouvrent les portes de leurs foyers, partagent le peu de ressources qu’ils ont, les accueillent au sein de leur communauté et les aident à retrouver dans l’exile cette paix et cette sérénité envolée, évanouie le jour où ils ont dû fuir.
Les communautés hôtes au Niger, à Ayourou, Ouallam, Abala, Tillia, Tassara, Tchinta, Madaoua, Chadakouri, Dandaji Makaou, Garin Kaka, Guida Roundji, Sayam Forage, Maine Soroa, Diffa, Chetimari, Nguigmi et Bosso, pour n’en nommer que quelques-unes, sont la principale source de protection et de bien être des réfugiés et personnes déplacées internes.
L’État du Niger, conduit par les autorités, est un des pays en Afrique, mais également bien au-delà, qui offre aux demandeurs d’asile et aux réfugiés un cadre juridique des plus généreux et des plus avancés. C’est donc aussi cette clairvoyance et cette bienveillance de la part des autorités du Niger à l’endroit des réfugiés qu’il faut relever et applaudir, cet effort remarquable d’inscrire au cœur des lois, les valeurs d’accueil et de partage si profondément ancrée au sein des communautés qui composent le Niger.
Le Niger lors du dernier Forum mondial sur les réfugiés en décembre dernier a pris trois engagements. Un premier, visant à augmenter le niveau de scolarisation, très bas, des jeunes réfugiés, filles et garçons ; un second, à intensifier les projets visant à faire reculer les effets du changement climatique dans les zones affectées par le déplacement forcé ; et un dernier, visant à développer et mettre en œuvre une politique de solutions à l’endroit des réfugiés et ce, à travers la mise en œuvre de projets d’autonomisation, et d’autosuffisance, les affranchissant de l’assistance indéfinie et qui, à terme, pourraient leur donner les moyens de reprendre le contrôle de leur vie et de leur destinée.
Pour remplir ces engagements qui s’inscrivent dans la droite ligne des principes fondamentaux du Pacte mondial sur les réfugiés, le Niger va avoir besoin d’aide ; les ressources de la communauté internationale devront être mise à disposition afin de pouvoir rendre possible les nombreux projets communautaires qui seront nécessaires pour réaliser les engagements et les cibles fixées lors du dernier Forum mondial pour les réfugiés tenu en décembre 2023.
Aucune action n’est trop petite. S’engager à aider à inclure les réfugiés dans les écoles du Niger, dans le système national de santé, les aider, ainsi que les populations hôtes, à avoir accès à un logement digne et durable, à l’eau potable et à l’assainissement, favoriser le développement pérenne d’activités génératrices de revenus, est la meilleure façon et la plus efficace d’aider les réfugiés et déplacés internes à reconstruire leurs vies, les populations hôtes à développer et faire prospérer la leur, et ce faisant à renforcer la cohésion sociale qui seule peut garantir la paix, la stabilité et le développement dans les zones affectées par le déplacement forcé.
Le chemin que les réfugiés ont emprunté lors de leur fuite, chacun d’entre eux rêvent un jour de pouvoir à nouveau l’emprunter, mais, cette fois, à l’envers, dans le sens du retour, dans le sens du progrès, dans le sens de l’espoir.
Ce chemin sera d’autant mieux parcouru, sa destination d’autant mieux atteinte et la réinsertion dans le terroir d’origine d’autant plus réussie que les réfugiés durant leur exile auront eu l’opportunité d’être des pleins membres de la communauté, d’avoir l’opportunité d’apprendre, de se développer, d’aller à l’école, de travailler, de recevoir les soins de santé dont ils ont besoin et de contribuer au développement des communes et communautés qui les ont accueillis.
Ici au Niger, c’est à tout cela auquel nous fait penser la Journée mondiale des réfugiés (JMR).
Joyeuse JMR aux réfugiés et à tous ceux qui sont solidaires et qui pensent que des solutions aux problèmes du déplacement sont possibles !
Emmanuel Gignac
Représentant résident du HCR au Niger