En ce début du mois béni du Ramadan, pas une phrase une rencontre, une causerie, ou même une salutation sans que le mot ‘’sucre’’ ne revienne au détour d’une phrase. Vous saluez un cousin, un ami, une connaissance, une fille, c’est l’occasion de vous réclamer son cadeau de sucre. Autant dire que le ‘’petit carreau blanc’’, tout en attisant les convoitises, exalte la légendaire solidarité africaine. Comme de coutume, ce produit est un ingrédient au rendez-vous de presque tous les menus durant tout le mois de jeûne. Quotidiennement, le précieux petit carreau blanc sera utilisé pour accompagner la bouillie, les jus, les thés, les tisanes et autres cocktails agrémentant la table du jeûneur, à l’heure de la rupture.
Tout ceci fait que, actuellement, le sucre passe pour être le produit le plus recherché, revendiqué, voire carrément…quémandé ! En effet, au nom d’une certaine pratique désormais largement répandue et fortement enracinée dans la vie des Nigériens, les plus fortunés se voient de fait en devoir de distribuer du sucre à ceux qui ne disposent pas du moyens de s’en procurer. Dans un élan de générosité volontaire (ou obligatoire), chacun tente d’honorer ses engagements, à la hauteur de ses moyens. Une situation qui, en toute évidence, met le précieux carreau à la douceur intense au centre d’une forte spéculation sur le marché local.
Dans ce mouvement de distribution de sucre à grande échelle, les cartons circulent dans tous les sens. Par unité ou par cargaison entière, ils vont du gendre à la belle famille, du fiancé aux parents de la bien-aimée, d’un ami à un autre, du patron aux fidèles collaborateurs, du service vers les agents, mais aussi du plus nanti vers les parents, amis et connaissances. La chaine de solidarité fonctionne à plein régime ! Et dans un cas, comme dans l’autre, le cadeau de sucre est un geste qui permet de consolider les acquis relationnels. Preuve d’amour, reconnaissance (ou récompense) de la fidélité, ou simple opération de charme ? Quoi qu’il soit, l’enjeu est de taille. Aussi, entre les filles, désireuses d’obtenir le geste tant attendu du bien-aimé, et les garçons, qui tentent à tout prix d’esquiver le coup (le coût !) du sucre, les manœuvres prennent souvent le ton du cruel jeu du chat et de la souris. Dans certains cas, le verdict est sans appel : envoyer le sucre à la belle famille ou disparaître à jamais !…
Assane Soumana(onep)
10/05/19