La sécurité alimentaire du Niger a été mise à l’épreuve, suite aux sanctions inhumaines au lendemain des événements du 26 juillet 2023, notamment la fermeture des frontières, alors que la grande partie des produits alimentaires de base proviennent de l’extérieur. La population, dans les villes comme en campagne, a vécu à son corps défendant, les échecs des politiques agricoles mises en œuvre jusque-là. Pour les nouvelles autorités, la souveraineté est un défi impérieux. En effet, sur instructions du Président du CNSP, Chef de l’Etat, il a été lancé, il y’a un peu plus d’un mois, les travaux entrant dans le cadre du Programme de Grande Irrigation. Ce programme débute avec la réhabilitation de 230 ha de périmètre dans la vallée de la Komadougou (dans la région de Diffa). Dans cet entretien, le Directeur Général de l’Office National des aménagements hydro-agricoles (ONAHA), le Lieutenant-Colonel Bilaly Elhadj Gambobo explique les particularités de cet ambitieux programme.
Monsieur le Directeur Général, l’ONAHA est un outil clé dans le combat pour la souveraineté alimentaire, enclenché par le CNSP et le gouvernement de transition. Quelles sont aujourd’hui les principaux axes de vos actions en cours et celles à venir, conformément à la vision des autorités ?
Nous vivons une situation délicate liée à tout ce que vous connaissez comme événement, des sanctions qui nous ont été imposées. Cela a poussé les autorités actuelles, au premier rang desquelles, le Général de Brigade Abdourahamane Tiani, Président du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP), Chef de l’Etat, et le Premier ministre Ali Mahaman Lamine Zeine, à prendre des dispositions sérieuses visant à enclencher une véritable dynamique pour booster la production locale. Une nouvelle orientation a été donnée à l’ONAHA. Et une autre vision, toute nouvelle vision, y a été déclinée, celle de faire de l’ONAHA un outil pour accompagner l’Etat vers un objectif de 80% de l’autosuffisance alimentaire, d’ici 2027. Le Chef de l’Etat a donné des instructions claires, par rapport à l’approche basée sur des résultats.
Il nous a été donné comme mission, d’abord de faire l’état des lieux de tout ce qu’il y’a comme aménagements existants, voir ce qu’il faut réhabiliter. Il s’agit ensuite de faire le point des opportunités en vue de valoriser d’autres sites irrigables. Puis de concert avec les services techniques du Génie Rural, nous avons compilé, analysé et formulé des propositions concrètes. Nous avons présenté le document au Président du CNSP en présence des membres du gouvernement dont le ministre de l’Agriculture. C’est ainsi qu’a été approuvé le Programme de la Grande Irrigation.
Il faut aussi noter, qu’à l’issue de la tournée nationale entreprise dans le cadre de la préparation du Programme, des terrains sont acquis pour les travaux des nouveaux aménagements. Ce qui témoigne de l’adhésion des chefs coutumiers et des communautés.
Pour commencer, l’ONAHA a été conséquemment dotée de moyens matériel, financier et humain, après une réorganisation de l’organigramme de l’institution. Bref, on a revu tout ce qu’il faut revoir tant du point de vue juridique, institutionnel qu’en termes de moyens, pour permettre à l’Office de relever le défi. Et l’ONAHA est prêt aujourd’hui à assumer ses missions, dans la droite ligne des nouvelles orientations pour la souveraineté alimentaire.
L’aménagement et la réhabilitation des périmètres irrigués est une politique qui a longtemps été miroitée aux paysans, sans être jusque-là, à la hauteur des attentes. Quelles sont les particularités, des travaux portés par l’ONAHA d’aujourd’hui, face au défi de l’heure, celui de créer véritablement les conditions d’autosuffisance, à travers la mise en valeur des potentialités hydrogéologiques ?
Le Niger n’a que 18.500 ha de périmètres aménagés, dont 15.000 ha opérationnels. Cela de l’indépendance à nos jours. Or, nous avons un potentiel énorme de près de 11 millions d’hectares de terres irrigables. Et aujourd’hui, si on prend l’exemple du riz, la production de l’ensemble du pays tourne autour de 17 % de ce que nous consommons. Si vous regardez et essayez de voir qui a fait quoi, c’est tout simplement déplorable. Les faits sont là. C’est pourquoi les gens ne croient plus aux discours. Entre notre tournée à l’intérieur du pays et le démarrage des travaux à Diffa, il n’ya pas plus d’un mois. Nous voulons prêcher par l’exemple, laisser les actes posés concrètement faire échos. Quand on commence, on peut parler, parce qu’on sait que le délai court et les conditions sont réunies pour exécuter les travaux à temps. L’approche est donc tout à fait différente. Nous sommes là pour poser des actes, nous le faisons.
Il y’avait bien un contrat-plan entre l’Etat et l’ONAHA. Le contrat a été actualisé avec un contenu. Le document prend en charge 8.000 ha de nouvel aménagement et 3.500 à réhabiliter. Le but recherché est de parvenir à 42.000 ha dans quatre ans (2024-2027). La mission qui nous a été assignée actuellement, c’est d’aller de 17 % à 80 % d’autosuffisance en riz, sans compter les autres spéculations. Au total, cette année il est prévu de réaliser 10.200 ha et de réhabiliter 3.700 ha. Ce qui permettra de doubler presque les périmètres opérationnels existants.
Le Riz est l’un des aliments de base les plus consommés mais peu produits au Niger. Quelle est la place de la riziculture dans votre cahier de charge ?
Si vous regardez, 80 % des aménagements sont dans la région du fleuve et font essentiellement de la riziculture. L’idée, à travers le Programme de Grande Irrigation, c’est surtout de réveiller les citoyens, les paysans plus précisément, leur faire prendre conscience que la riziculture est possible un peu partout dans le pays, en période d’hivernage tout comme en saison sèche. Aujourd’hui, tout le paquetage, tout ce qu’on est en train de faire, c’est la méthode terrain, pratique. Et nous sommes convaincus que ça va aller, nous travaillons avec les coopératives. L’exploitation des périmètres se fera de manière plus rationnelle et transparente, afin que nous puissions produire ce dont le pays a besoin, en quantité suffisante. Les paysans vont retourner à la terre. Quand vous regardez, un peu partout aujourd’hui, vous pouvez sentir l’engouement en faveur de l’irrigation. Presque tous les aménagements sont rizicoles. Mais il n’ya pas que le riz. Chaque région aura sa spécificité. Pour le moment, l’impératif c’est de mettre cette céréale à la disposition des populations. Nous allons faire des aménagements partout.
Est-ce que l’ONAHA a aujourd’hui les moyens matériel et humain pour exécuter des tels travaux structurants ?
L’ONAHA, de par sa mission, de par sa définition, est l’outil de l’Etat, pour la réalisation et la gestion des aménagements hydro agricoles. Nous sommes dotés, tout récemment, de matériel neuf, et nous sommes en mesure de nous déployer parallèlement dans toutes régions, à l’heure actuelle. Nous sommes suffisamment outillés. Au besoin, en fonction du délai, s’il le faut, nous avons aussi les moyens de mobiliser et associer des privés nigériens qui sont capables de nous appuyer.
Où en êtes-vous, après le démarrage des travaux des sites de Diffa ?
Ça va, à Diffa, nous sommes tranquilles, en train de travailler, sans incident majeur. Les erroristes de Boko Haram ne peuvent pas défier l’aspiration, la volonté et la détermination des autorités et du peuple à recouvrer la paix et travailler pour la souveraineté. Personne ne peut, d’une manière ou d’une autre nous décourager. Les activités se poursuivent à là-bas et toutes les dispositions d’ordre sécuritaire sont prises pour y veiller. Dans une semaine l’ONAHA, va se déployer à Zinder, Maradi et Dosso, dans le même cadre d’activités de réalisation et réhabilitation des sites. Nous avons un agenda bien chargé dont le déroulé est vraiment en marche.
Réalisé par Ismaël Chékaré (ONEP)