Le département de Téra constitue l’un des principaux points d’interconnexion des échanges commerciaux entre les résidents de la ville et ceux venant d’ailleurs. Son économie repose en grande partie sur le commerce, en particulier sur le marché de Téra. Tous les jeudis, ce marché est le théâtre d’animation des habitants de Téra et ceux en provenance des villages et d’autres régions. Néanmoins, malgré son importance, l’économie de la région a été affectée par l’insécurité qui sévit dans le département de Téra. Trois jours avant la fête de Tabaski célébrée par la Oumah islamique, le jeudi 13 juin 2024, le marché de Téra était bondé de clients et de vendeurs d’animaux venant des villages environnants, et d’acteurs variés animant le marché. L’effervescence autour du marché de Téra a atteint des sommets, avec une affluence sans précédent, chaque client étant à la recherche des marchandises ou des affaires qu’il veut bien acheter.
À 10 heures du matin déjà, le marché de Téra grouille de monde. Au marché de bétail, connu sous le nom de «Gardja», on aperçoit beaucoup de petits et grands ruminants. Le marché est tellement rempli de monde que les gens se faufilent difficilement pour se frayer un chemin. Les habitants de Téra et d’ailleurs se précipitent en masse vers le marché, pendant que de nombreux véhicules déchargent le bétail et les marchandises. Les acheteurs viennent et repartent petit à petit avec un ou deux moutons tirés à la main par une corde pour certains, et pour d’autres avec des sachets et des friandises sur la tête. La joie se lit sur le visage de la quasi-totalité des visiteurs du marché.
M. Seydou Adamou, également connu sous le nom de Seydou Baaré, est un client important de ce marché. Il est à la fois acheteur pour la fête de la Tabaski et revendeur ; et il est également boucher et éleveur. Il affirme que le prix a considérablement augmenté cette année en raison de l’insécurité dans les villages qui ravitaillent le marché de Téra. Selon lui, les acheteurs sont contraints de s’approvisionner au marché de Téra, et lorsque tout le monde se tourne vers une seule ville pour s’approvisionner, les prix augmentent de manière significative.
« Les prix pratiqués par les vendeurs de moutons ont considérablement augmenté. Il est maintenant presque impossible de trouver un bon mouton de Tabaski à un prix inférieur à 50.000 F, alors qu’auparavant, il était possible d’en trouver un pour 20.000 F ou 25.000 F. Les moutons vendus à 20.000 F sont tellement maigres qu’on ne peut que les éviter. On a comme l’impression qu’ils ne sont pas en bonne santé. Bien qu’il y ait une offre abondante sur les marchés, les prix restent très élevés. Cette année, les habitants de Téra sont confrontés à la cherté sans précédent des moutons. Les bouchers eux-mêmes peinent à réaliser des bénéfices dans la vente de la viande », nous confie-t-il.
M. Seydou Adamou explique que le problème vient du fait que les gens se rendaient auparavant dans les villages pour se procurer des moutons et des chèvres, car c’est là que le bétail est moins cher. Il ajoute qu’auparavant, un mouton qui coûtait 55 000 Fcfa ou 75 000 Fcfa était apprécié de tous en raison de son embonpoint et sa masse. Mais aujourd’hui à Téra, les moutons qui coûtaient auparavant 60.000 Fcfa sont achetés à 125 000 Fcfa. « Les commerçants viennent des villages situés entre 10 et 15 kilomètres de Téra, et certains en provenance de Maradi, vers Dan Issa, de Zinder, pour commercialiser des moutons, des béliers et des chèvres. Le marché attire une foule indescriptible, mais plus il y a du monde, plus les prix augmentent. Je n’ai jamais vu autant d’engouement pour ce marché comme c’est le cas aujourd’hui», précise-t-il.
La question sécuritaire impacte le marché de Téra
M. Abdoul Karim Younoussi est un démarcheur de bétail originaire de Guénobon. En tant que démarcheur, il ne prend que les animaux des habitants de Téra par prudence et refuse catégoriquement de s’approvisionner auprès d’autres sources. Il explique que les animaux provenant des marchés de Téra sont généralement de Gounday, Doungouro, Bandjo, Diagourou et de plusieurs villages environnants. « Nous sommes souvent confrontés à des situations de litige où des animaux nous sont confiés, et des personnes viennent réclamer en disant qu’ils leur appartiennent. Récupérer des animaux de personnes inconnues vous expose aux risques de perte. Cette année, les difficultés causées par l’insécurité ont entraîné une augmentation des prix par rapport à l’année précédente », explique cet habitué du marché.
Dans leurs activités respectives, le percepteur, M. Hassan Souleymane, et le revendeur M. Adamou Ousseini constatent que les temps ont changé radicalement. Ils parcourent plusieurs marchés et notent que les vendeurs qui animent le marché de bétail de Téra viennent principalement de Maradi, du Burkina Faso, de Doungouro, des villages du Gorouol, de Bangaray, de Gothey, de Bandjo, de Gounday, de Taka, de Bakilaré et de nombreux autres villages environnants pour proposer des moutons et des chèvres. « A mon avis, le mouton est cher cette année bien avant les dix derniers jours de la fête de Tabaski. Le plus petit mouton autorisé par l’islam pour la Tabaski coûte aujourd’hui 50 000 F et le plus grand peut atteindre 250.000f au marché de Téra. Nous ne rencontrons pas des problèmes, ce qui nous dérange le plus, c’est l’insécurité, surtout sur la route qui va au Burkina. Nous n’avons pas l’esprit posé car nous sommes en permanence en danger, on a vraiment la peur au ventre lors de la traversée. Par ailleurs, les différents postes aussi font tout pour nous décourager car à chaque poste, du Burkina jusqu’au Niger, on nous demande de payer des taxes pour nous ou pour les animaux », explique-t-il.
De l’autre côté du marché des veaux, de nombreux vendeurs et acheteurs sont présents. Le bruit des négociations résonne de partout. Sambaré Seydou Younoussa, originaire de Téra, est un revendeur de bovins. Il est présent tous les jeudis sur ce marché pour acheter et revendre du bétail. Selon lui, les prix varient en fonction de la qualité du bétail, du moment et de l’âge. Le marché est fluctuant, il connait des moments de hausse et des moments de baisse. « Le prix du bétail varie entre 200.000 FCFA et 450.000 FCFA pour un Taureau et entre 125.000 FCFA et 150.000f pour un veau. Aujourd’hui, je suis venu pour acheter des vaches et des veaux au prix de 105.000 FCFA à 180.000 FCFA afin de les revendre à Niamey. Nous les avons déjà achetés et nous les chargeons pour Niamey. Des clients proposent de les acheter ici et d’autres à Niamey », dit-il.
Il affirme que le principal problème auquel il est confronté dans ce métier est lié à l’insécurité qui l’empêche d’aller en brousse pour acheter du bétail, car c’est encore moins cher dans les marchés des villages. Selon lui, certains de ses frères ont trouvé la mort dans cette activité, ce qui l’empêche d’aller dans la brousse pour se procurer du bétail. Mais il remercie le bon Dieu, car il parvient malgré tout à satisfaire ses besoins ; ses clients à Niamey sont très intéressés par le bétail qu’il leur livre.
Du côté Est de la clôture de ce marché de bétail, se trouve Ali Amadou, un autre revendeur très célèbre dans ce domaine. « Il y a une forte affluence d’acheteurs et de vendeurs. Cependant, les ventes ne sont pas fréquentes en raison de désaccords fréquents sur les prix. Les prix varient et chaque animal a sa propre valeur. Personnellement, je me suis spécialisé dans l’achat des vaches et des petits veaux. Les vaches peuvent être vendues entre 135.000 et 200.000 FCFA. Les achats de vaches sont fréquents, car les Arabes viennent souvent pour leurs besoins, en particulier pour la Tabaski et le partage de la viande en guise d’aumône aux nécessiteux. Parfois, je vends aux bouchers. Je transporte les animaux de cet endroit jusqu’à Niamey pour les revendre. Mes achats se limitent à Téra, et lorsque je n’ai pas assez, je me rends à Ayorou pour compléter, parfois même à Gothey », a-t-il dit.
Quant à Mahamadou Idrissa, son activité consiste à transporter des animaux d’un marché à un autre, notamment à Ayorou, Ballayara, Téra, et sa plus longue destination est Niamey, le plus souvent à Tourakou et à Garin Malan. Selon lui, chaque tête de bœuf est transportée de 3.000 à 3.500 FCFA. Son camion peut transporter de 30 à 40 bœufs sans aucun problème. Mais il semble se plaindre des faux frais qui leur sont imposés chaque fois sur les routes.
Des céréales disponibles mais très chères
Au cœur du vaste marché de Téra, se trouve une section dédiée à la vente de produits alimentaires. M. Souleymane Boubacar, installé devant sa spacieuse boutique, nous accueille à bras ouvert. Il se dit ouvertement disposé à répondre à toutes les questions qu’on souhaiterait lui poser dans son domaine d’activité. Il vend du sorgho, du mil, du son et du maïs. Le maïs provient du Burkina Faso, tandis que le sorgho et le mil viennent du Nigeria. Les habitants de Téra, ainsi que des villages environnants sont ses principaux clients. Dans son magasin, le sac de mil est vendu à 65 000 FCFA, le sac de maïs à 64 000 FCFA, et le sac de sorgho à 66 000 FCFA. Bien que ces produits suscitent de l’intérêt et qu’ils soient disponibles, les ventes sont limitées en raison des contraintes financières des clients.
En face de la boutique de M. Souleymane Boubacar se situe la boutique de M. Amadou Ali, également un commerçant du même secteur d’activité. Dans son magasin, il commercialise du sorgho ; du mil ; du maïs et du son qu’il vend respectivement à 66.000 Fcfa, 69.000 Fcfa, 65.000 et à 9.000 Fcfa le sac. Toutes ces denrées alimentaires de première nécessité lui proviennent du Nigeria et du Burkina Faso. « Cette année, les prix ont considérablement augmenté en raison de la situation actuelle au Niger. Malgré le coût élevé, les clients de Téra et d’autres villages viennent acheter en fonction de leurs moyens, car certains achètent un sac, d’autres jusqu’à 3 sacs. Malgré les risques, nous envoyons des employés dans certains villages pour vendre nos produits. Nos problèmes sont souvent liés à des désaccords avec certains clients qui trouvent les produits très chers ou avec nos fournisseurs qui les vendent à un prix élevé », dit-il.
Galerie vente des habits
M. Ousmane Oumarou, est un vendeur de vêtements de toute sorte pour enfants et adultes. Il est confortablement installé sous son hangar en train de négocier avec une cliente venue acheter des vêtements pour ses enfants. M. Ousmane Oumarou estime que les prix sont raisonnables même si, selon lui, les clients les trouvent chers. Dans son auvent, on peut voir des chemises, des pantalons, des robes, des serviettes provenant parfois du Togo, parfois de Niamey. Certains articles sont accrochés et d’autres méticuleusement pliés sur une natte, proposés à des prix variant de 1000 FCFA à 2500 FCFA. Il explique que c’est son unique activité et qu’il parvient à subvenir à ses besoins grâce à cela. Ses clients potentiels sont des femmes qui achètent pour leurs enfants, des hommes ayant un budget modeste et des villageois qui viennent le jour de marché. Sa cliente affirme que faire des achats devient de plus en plus compliquer car, elle n’a pas beaucoup d’argent et elle trouve les articles très chers.
Auprès de ce vendeur de prêt à porter se tient M. Abdoul Rachid Inoussa, un marchand de chaussures, qui vient chaque jeudi de Niamey pour vendre ses produits avant de reprendre la route le lendemain. « Les clients arrivent en nombre réduit, mais nous préférons quand ils achètent en grande quantité. Je vends des tongs, des baskets et heureusement, nous nous en sortons. Les prix des tongs varient de 3500 à 5000 FCFA et ceux des baskets de 5000 à 6000 FCFA. Ce matin, il n’y a pas assez de monde, mais parfois les clients mettent du temps avant de faire leurs achats », explique le commerçant ambulant.
En cette période de début de campagne agricole, on trouve aussi sur le marché des variétés de semences proposées aux producteurs et productrices. « Nous proposons à la vente des arachides pour la culture. La tasse est à 500 francs et les sachets à 100 francs. Notre clientèle vient de partout pour s’approvisionner. Le maïs destiné à la culture est à 100 francs le sachet. En plus, nous commercialisons du riz et du niébé ; la boîte de niébé rouge est à 600 francs et celle de niébé blanc est à 500 francs. Auparavant, les prix étaient plus abordables, mais récemment nous avons dû augmenter le prix du niébé en raison de circonstances particulières, car nous l’achetons un peu plus cher. Les clients viennent acheter mais ils trouvent les produits trop chers. C’est grâce à ce petit commerce que nous parvenons à subvenir à nos besoins », nous confient Mme Adama yayé et Mme Aminata, deux vendeuses de semences.
Assad Hamadou (ONEP)