Le département de Balleyara regorge beaucoup de potentialités économiques. Parmi ces potentialités, il y a le célèbre marché hebdomadaire de Tagazar. Ce marché est considéré comme un lieu de transaction par excellence, car il dispose d’un compartiment exclusivement réservé au bétail. En 2015, ce marché du bétail a été modernisé. Aujourd’hui, il constitue un carrefour et une référence pour les commerçants qui proviennent de plusieurs pays.
Situé à quelques encablures, à l’entrée de la ville de Balleyara, à partir de Niamey, ce marché moderne de bétail construit sur une dizaine d’hectares, est l’un des marchés de bétail les plus importants du Niger disposant d’un grand mur de clôture, d’un bloc administratif, un parc de vaccination pour les animaux, un couloir d’embarquement des animaux, des latrines, des enclos pour les gros et petits ruminants, des hangars, un château d’eau, et des abreuvoirs.
Il draine chaque dimanche un nombre important de bovins et d’ovins. Déjà, à la veille du jour du marché, c’est-à-dire ce jour là samedi 8 janvier, l’ambiance bat son plein. Le jour du marché est une occasion d’or pour les acteurs du marché, marchands d’animaux et opérateurs économiques de la localité, chacun essaye de tirer son épingle du jeu.
Selon M. Abdoul-Moumouni Boubé, doyen et superviseur des portiers avec une ancienneté de plus de 30 ans en tant que démarcheur, que nous avons rencontré sur les lieux le dimanche 9 janvier dernier, dans ce marché de bétail de Balleyara transitent tous les dimanches, environ 25.000 têtes de bétail (petits et gros ruminants). Il a précisé qu’à chacune des trois portes dudit marché, il y a un portier chargé de collecter les taxes de ‘’présentation des animaux’’. L’accès au marché est payant pour chaque animal. 200F CFA pour les gros ruminants et 100F CFA pour les petits ruminants. Les portiers vérifient également les sorties animaux. « L’ambiance règne dans ce marché dès la veille du jour du marché. A partir du samedi, nous sommes déjà sur place pour collecter les taxes de ‘’présentation des animaux’’. Le marché est bien structuré. Il est composé de deux quartiers, nous avons la partie des gros ruminants et celle des petits ruminants. Chaque vendeur a sa petite parcelle où il peut regrouper ses animaux et vendre en toute tranquillité. Ce sont les pasteurs provenant du Mali qui alimentent plus ce marché. Il y’a ceux qui occupent des espaces de 400m2 rien que pour leurs animaux. Avant c’était la zone de Banibangou qui alimentait ce marché plus que toutes les localités, mais maintenant avec l’insécurité, les commerçants de Banibangou se font vraiment rares », explique le doyen M. Abdoul-Moumouni Boubé.
Le transfert du marché de bétail du cœur de la ville vers la périphérie en vue de sa modernisation a été une bonne chose pour les commerçants, car il y a suffisamment d’espace et naturellement le nombre des visiteurs s’accroit. « Le marché est aéré et désencombré. La seule difficulté actuellement, c’est le manque de clientèle. La modernisation de ce marché a permis à notre marché d’être beaucoup plus célèbre. Surtout avec la proximité des grands axes. Même de passage, les gens peuvent s’arrêter pour visiter le marché. Il y a des gens à destination de Tahoua, Abala, etc. qui font des escales ici pour s’acheter des moutons et autres. Pendant la traite c’est-à-dire la période où nous avons beaucoup de clientèle, ce sont les commerçants des pays voisins, principalement, ceux du Nigeria, du Burkina Faso, du Bénin, de Côte d’Ivoire, du Ghana, du Togo qui envahissaient ce marché. Maintenant, ils ne viennent mais pas comme avant. Même aujourd’hui il y a un ghanéen qui a acheté une cinquantaine de vaches qu’il va exporter vers son pays », a témoigné Abdallahi Hassane Souley commerçant au marché de bétail de Balleyara.
M. Seydou Hamadou est natif de Falounfa, un petit village du Tagazar. Ancien délégué des vendeurs de petits ruminants, M. Seydou a une parfaite maitrise de toutes les activités du marché de bétail. « J’exerce ce métier bien avant l’arrivée du Général Seyni Kountché au pouvoir. Nous n’avons pas de difficulté particulière qui mérite d’être traitée. Les intermédiaires payent une taxe de 5000 F CFA. Avant la taxe était à 8.000FCFA, elle a augmenté jusqu’à 40.000F pour les 12 mois. Maintenant pour alléger les charges, la taxe vient avec deux licences pouvant servir deux intermédiaires », précise-t-il.
Ce jour du marché, le natif de Falounfa a vendu 35 moutons et 22 chèvres. Tout de même, il crie ‘’mévente’’ à qui veut l’entendre. « Aujourd’hui il n’y a pas eu assez de vente comme d’habitude. Néanmoins, nous avons vendu quelques têtes. Le marché varie en fonction des périodes. Sinon vraiment ces derniers temps, les choses ne se passent pas comme nous voulons. Les années passées, on peut vendre une centaine de moutons avant même la mi-journée. Aujourd’hui, le marché n’a pas enregistré beaucoup d’animaux et le peu de têtes que nous avons eues, à peine nous arrivons à les vendre », se lamente l’intermédiaire.
Les intermédiaires : Ces ‘’Dillans’’ véreux et leur micmac
Dans beaucoup de secteurs, les intermédiaires communément appelés ‘’Dillan’’ sont des démons qui freinent le bon fonctionnement de tout système. Ils ne favorisent pas du tout les échanges autant qu’ils le prétendent. Le marché de bétail de Balleyara ne fait pas exception à cette règle. Le système des ‘’Dillan voyou’’ fonctionne bien ici. Interviewé au sujet du fonctionnement du marché de Balleyara, le Préfet du département de Balleyara M. Hamidou Djibo a décrié ce comportement de certains intermédiaires qui traquent les commerçants étrangers. Selon lui, ce comportement handicape le bon fonctionnement du marché. « Rien que la semaine passée, nous avons identifié tous les intermédiaires, parce qu’il y a assez de problèmes avec ces derniers. Ce sont eux qui compliquent le marché. Si le marché marche bien, c’est à travers les intermédiaires. Quelqu’un peut amener son animal à vendre, il le confie à l’intermédiaire et il s’en va pour attendre. Maintenant, vous allez voir l’intermédiaire va augmenter une somme très importante sur le prix normal. C’est ça qui rend aujourd’hui les animaux très chers et le marché très difficile, ce qui fait que certaines personnes préfèrent acheter ailleurs que de venir à Balleyara. Par rapport toujours à ces intermédiaires, ce sont des gens à qui on n’a pas trop confiance. C’est pourquoi on les a officiellement identifies avec attribution des cartes professionnelles et de temps en temps, la police descend là-bas pour des contrôles. Nous pensons que dans cette période d’insécurité, parmi eux, il y en a qui amènent des animaux volés ou viennent chercher des renseignements sur la ville. Nous sommes regardant sur tout ça », a dit le préfet Hamidou Djibo.
Le jour du marché, beaucoup d’intermédiaires ont confirmé les propos du préfet. « Nous qui sommes ici, on voit beaucoup de pratiques malsaines qui se passent dans ce marché au vu et au su de tout le monde. A cause des comportements de certains intermédiaires, il y a des commerçants qui ne veulent pas venir dans notre marché. C’est bien normal que ce genre de choses arrive, car nous n’avons pas de cartes professionnelles et l’indentification des intermédiaires n’est pas facile. Les autorités en charge de la gestion du marché veulent faire des cartes pour tous les acteurs de ce marché. Ils ont fait juste les photos et depuis lors, on a rien vu encore. Nous demandons aux autorités administratives de prendre des mesures idoines afin de mettre un dispositif permettant de bien contrôler le marché. Cela va permettre aux autorités de tirer beaucoup profit et de réduire le risque d’escroquerie. Les vrais intermédiaires n’ont pas de moyen pour empêcher aux autres de tricher. Ce qu’on peut faire, c’est de dénoncer ces pratiques. Et chaque fois que l’occasion se présente notamment lors des réunions des délégués avec les autorités, nous attirons l’attention des uns et des autres pour que chacun joue sa partition afin de créer un climat de confiance dans notre marché », affirme M. Seydou Hamadou.
L’on constate que les acteurs sont en train de se ressaisir des enjeux liés à cette situation de mévente et de cherté. Ils ont tendance à revenir sur des meilleures attitudes. A la date de ce dimanche 9 janvier 2022, certains clients trouvent particulièrement abordables les prix des ovins, notamment les moutons qui constituent la majeure partie des petits ruminants sur ce marché. Ces prix des moutons varient de 20.000F CFA à 160000F CFA en fonction de la taille et du poids de l’animal. Tandis que pour les gros ruminants notamment les bœufs, leurs prix varient entre 120.000F FCA et 450.000F FCA. « Les animaux ne coûtent pas si chers ces derniers temps. J’ai acheté ces moutons à 164.000F CFA dont le plus grand à 82.000F CFA et le plus petit à 27.000F CFA », témoigne M. Ali Boubacar qui venait d’acheter trois (3) moutons ce jour du marché.
Par Abdoul-Aziz Ibrahim(onep), envoyé spécial