Depuis quelques années, le mil, pilier de l’alimentation et de la culture au Niger, est injustement sous-estimé, en particulier dans les zones urbaines. Alors que des céréales importées comme le maïs et le blé gagnent en popularité auprès des jeunes citadins, souvent peu familiers avec ses innombrables vertus, le mil, pourtant parfaitement adapté à nos conditions climatiques et enraciné dans notre histoire, est parfois perçu à tort comme moins moderne. Cette méconnaissance occulte ses nombreux atouts nutritionnels et agronomiques, pourtant pleinement reconnus par les populations rurales, pour qui il conserve une valeur souvent inestimable.
Un héritage ancestral et un avenir prometteur
Domestiqué il y a près de 4000 ans avant JC en Afrique, le mil a nourri nos ancêtres pendant des millénaires, continue à nourrir nos populations rurales et figure sur notre emblème national, symbole de son importance pour notre identité. Bien que l’Inde soit aujourd’hui le premier producteur mondial, cette céréale est originaire d’une aire géographique d’Afrique de l’Ouest, incluant le Niger. Affirmons donc sans hésitation que nous avons offert le mil à l’humanité entière.
Le mil possède une remarquable capacité d’adaptation. Résistant à la sécheresse et capable de pousser sur des sols pauvres, il assure une sécurité alimentaire et nutritionnelle pour les populations rurales, même là où d’autres céréales ne peuvent survivre. Toutefois, les rendements restent faibles, principalement en raison des précipitations faibles et irrégulières, tant dans le temps que dans l’espace.
Un super-aliment aux multiples bienfaits
Le mil est un véritable trésor nutritionnel, offrant une combinaison unique de glucides, de protéines de haute qualité, d’acides gras et de fibres, en plus d’être une source riche en antioxydants et autres micronutriments indispensable à notre santé. Parmi les 49 éléments nutritifs indispensables à notre métabolisme, il fournit tous les glucides, un taux élevé de protéines de qualité (contenant tous les acides aminés essentiels), ainsi que des acides gras, des macroéléments et une grande partie des microéléments. Sa faible teneur en gluten en fait également une alternative intéressante pour les personnes intolérantes.
Cette céréale est une véritable mine de nutriments bénéfiques pour notre santé. Elle contient des antioxydants qui protègent nos cellules, des fibres qui favorisent la digestion et des acides aminés pour construire nos muscles. De plus, certains composés présents dans le mil peuvent contribuer à réduire le stress et à améliorer le sommeil :
- Acides aminés : L’acide gamma-aminobutyrique (GABA) aide à réduire l’anxiété et favorise la relaxation. Le tryptophane, précurseur de la sérotonine, régule l’humeur et le sommeil. D’autres acides, comme le beta-aminoisobutyrate, jouent un rôle dans la gestion de l’énergie musculaire.
- Acides organiques : L’ascorbate (vitamine C) et le citramalate soutiennent le système immunitaire et peuvent avoir des propriétés métaboliques uniques.
- Composés apolaires : Les tocophérols (vitamine E) agissent comme antioxydants, protégeant les cellules des dommages. Le stigmasterol, moins commun dans d’autres céréales, favorise la santé cardiovasculaire.
- Composés anti-inflammatoires : Le vitexin, un flavonoïde présent dans le mil, a des effets anti-inflammatoires et pourrait protéger le cerveau.
- Sucres : Des sucres comme le glucose et le fructose fournissent de l’énergie, tandis que des composés rares comme le stachyose pourraient agir comme prébiotiques, favorisant la santé intestinale.
- Composés organiques phosphorylés : Ces métabolites aident à réguler les voies métaboliques et à gérer le stress oxydatif.
Dès 1973, des études ont déjà montré que les populations dont l’alimentation repose principalement sur le mil présentent un meilleur état nutritionnel que celles dont l’alimentation est basée sur d’autres céréales et tubercules.
Des pistes pour améliorer la production et la valorisation du mil
Le potentiel de rendement du mil est bien plus élevé qu’il ne l’est actuellement. Alors que les rendements au Niger en champs paysan tournent autour de 400 kg par hectare, des essais expérimentaux montrent qu’il est possible d’atteindre 1 à 3,5 tonnes par hectare, et jusqu’à plus de 4, 5 tonnes par hectare dans d’autres pays comme l’Inde. Pour exploiter pleinement le potentiel du mil, plusieurs pistes peuvent être envisagées, allant de l’amélioration des variétés à la valorisation des produits dérivés, en passant par la formation des agriculteurs et l’investissement dans la recherche. :
- Amélioration des variétés : Diffuser des variétés améliorées, plus productives et résistantes aux maladies.
- Pratiques culturales : Former les agriculteurs à des techniques appropriées pour augmenter les rendements.
- Irrigation : Mettre en place des systèmes d’irrigation pour compenser les effets de la sécheresse.
- Valorisation des produits dérivés : Transformer le mil en farine, en biscuits, bière ou d’autres produits alimentaires pour élargir les perspectives de commercialisation.
- Recherche et développement : Investir dans la recherche pour améliorer les variétés et développer de nouveaux produits à base de mil.
Par exemple, malgré les qualités nutritionnelles du mil, les connaissances sur la composition nutritionnelle des différentes variétés locales de mil restent très limitées. Des recherches sont nécessaires pour identifier les variétés locales les plus riches en certains nutriments comme le fer, et pour développer des produits à valeur ajoutée.
Un champion de la résilience face aux défis climatiques
Le mil excelle là où d’autres cultures échouent. Résistant à la sécheresse et peu exigeant en intrants chimiques, il prospère dans des conditions arides, ce qui en fait une culture parfaitement adaptée à un avenir plus durable. Alors que les enjeux environnementaux se multiplient, le mil s’affirme comme une solution résiliente et écologique.
L’intégrer à notre alimentation, c’est opter pour une meilleure santé et un mode de vie durable. Riche en nutriments et cultivé généralement sans produits chimiques, le mil incarne une alimentation naturelle, respectueuse de l’environnement. En le redécouvrant, nous renouons avec notre patrimoine, renforçons notre souveraineté alimentaire et assurons un avenir plus sain.
Choisir le mil aujourd’hui, c’est soutenir une agriculture durable, préserver nos ressources, et investir dans une alimentation saine et responsable.
Dr Naino Jika Abdel Kader
Enseignant-Chercheur au Département des Productions Végétales,
Coordinateur adjoint du CRESA (Centre Régional d’Enseignement Spécialisé en Agriculture), Faculté d’agronomie, Université Abdou Moumouni, Niamey, Niger.