Au marché de natron de la commune de Balleyara, situé juste à côté du poste de police de la sortie de la ville vers Filingué, des tas de barres et des sacs du natron frais et d’ancien stock sautent à l’œil de loin, ce 9 janvier 2022, un dimanche, jour du marché hebdomadaire de Balleyara. Prisé notamment, pour la cuisine, pour stimuler la croissance des bétails et dans la médecine humaine traditionnelle, le natron s’y vend en gros, en détail et même en petits morceaux. Mais beaucoup plus des vendeurs que d’acheteurs, absents quasiment aux environs de 15H. Le business tourne au ralenti. Le natron frais, resté longtemps sur le marché, tend à noircir. Dans les magasins les barres de natron se couvrent de toile d’araignée et de poussière.
Ce marché de natron était pourtant une référence réputée dans la zone. Il alimentait, à grande pompe, les villes et villages environnants et d’autres contrées lointaines. Des camions, des chameaux et des chariots obstruaient l’allée principale des lieux, qui pour l’axe Filingué, qui pour acheminer vers la capitale Niamey, Tahoua, dans le Zarmaganda, jusqu’au Mali et au Burkina Faso.
Aujourd’hui, nous ne trouvons qu’un seul demi-camion, appelé communément 5 tonnes. Il appartient à un certain Yaou Tondi. Le véhicule peine depuis quelques heures à faire le plein chargement pour la destination Niamey. Il est presque encore vide. Yaou est à la fois démarcheurs des revendeurs du marché Katako (Niamey). Ils lui passent leurs commandes ou lui disent auprès de qui prendre du natron à leur livrer. « Le transport du natron c’est mon travail, je pense que j’ai presque 35 ans dans ce métier et je l’ai hérité de mon défunt père. Le jour du marché, d’habitude je transporte jusqu’à 200 barres de natron ou plus, dont le prix de transport par unité est de150 FCFA. Si c’est des sacs, je chargeais 600 à 750, au prix de 500 FCFA l’unité », nous confie Yaou Tondi. Au bout du désespoir, il songe à faire un tour au marché de légumes pour éviter de rentrer à Niamey vide en fin de journée.
« Les grossistes ne sont plus intéressés par le natron, c’est les petits vendeurs qui en achètent un peu », témoigne le transporteur. Il confirme que le prix de natron a baissé drastiquement, faute de la demande. « Il y’a ceux qui ont stocké le natron depuis l’année passée pour vendre mais jusque-là, des vieux stocks sont là», déplore Yaou.
Le marché ne marche pas!
Demandant les propriétaires des barres de natron étalées, exposées au soleil, le long de la rue, Yaou nous amène dans un magasin de 16m2 en banco, où ils se retranchent, autour de leur doyen, Souley Hama. Le marché ici ? « Il y’en a pas. Il n’y a pas de clients. Ça ne va pas du tout. Le marché ne marche pas », grognent simultanément les voix avant de laisser le doyen nous expliquer la situation. Le regard perdu, désespéré, et la mime triste de celui qui a investi 22.500 FCFA par unité de grande barre, depuis trois ans, et qu’il n’arrive pas à revendre à 15.000 FCFA. « Nous attendons la volonté du Bon Dieu», dit à voix basse Saley Hama.
Selon les commerçants, le déclin du marché est lié en grande partie à l’avènement de l’insécurité grandissante. Les caravaniers qui venaient de l’ouest et du nord par dizaines, craignent aujourd’hui la menace terroriste. « Ceux qui partent vers les différents pays voisins, maintenant ils ne vont plus, que ça soit du côté du Mali, Burkina Faso, même à Zarmaganda et Tahoua », apprend-on.
Les détaillants du natron ne sont pas épargnés de cette situation de mévente. Ibrahim Fonda a devant lui du natron en morceaux qu’il vend de 500 FCFA à 1.000 FCFA. « C’est vraiment difficile ces temps-ci. Quand le marché était bien animé, avec des camions qui viennent, des chameliers et des piétons, je vendais jusqu’à pour 25.000 FCFA/jour. Mais aujourd’hui c’est seulement pour 1.000 FCFA que j’ai pu vendre », se lamente le détaillant dont le natron provient de Sirgay, selon ses propres dires.
Pour aujourd’hui, Yaou Tondi, est le seul transporteur pour la destination Katako, un dernier espoir des commerçants, il en a décidément pris peu. Mais, même lorsqu’il fait le plein, Yaou sait sans grand risque de se tromper, du haut de ses 35 ans d’expérience, comment s’y prendre pour ne pas confondre ou fondre entre les mains des dockers de Katako le natron des uns et des autres. « Je marque le natron par le nom et le numéro de lot, et je note dans mon cahier pour chaque commerçant. Une fois arrivé, il y’a des dockers qui s’en charge de décharger, devant moi », explique le transporteur du natron. A Niamey les camions de natron déchargent dans un coin du marché Katako, à côté des dames vendeuses de condiments.
Ismaël Chékaré(Onep), envoyé spécial
Script: Haoua Atta et Nafissa Yahaya