Lecture de la note à la Banque mondiale : « les nouvelles configurations politico-économiques au Niger »
Article pour le moins commandité.
En encadré : un galimatias, mélange de ségrégation, de séparatisme, d’olympisme et de sophisme. Un essai d’isolement, de mise à part, de séparation du Niger de l’AES. Une singularisation du pays dans le monde, arguant du comportement des athlètes nigériens aux JO de Paris. L’auteur feint d’interroger quand il affirme gratuitement. La victimisation change de camp : la France apparaît comme la victime du Niger parce que « plus ciblée qu’ailleurs ».
En illustration : une image stalinienne des athlètes nigériens au garde-à-vous. Le ton du dénigrement est donné. L’occidentalocentrisme revient à la charge.
L’ultra-souverainisme anti français et anti occidental serait la marque distinctive du Niger. Ce pays a mis fin aux occupations militaires française, américaine et allemande, a rompu avec l’Union Européenne (UE), et sa vassale la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ; il ne souffre plus que les organisations internationales (majoritairement occidentales) lui imposent des manières de faire, des manières de penser et des conditionnalités humiliantes. Attitude surprenante pour un pays du pré carré. Tendance inquiétante pour le système politico-économique euraméricain dont l’hégémonie et l’influence déclinent dans un monde en mutation favorable à l’émergence de forces nouvelles.
En fallait-il plus pour que l’on tâche de comprendre pourquoi et comment ce pays malléable et corvéable à merci, que le PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement) a pris l’habitude de classer au dernier rang des pays qui forment le monde, est devenu la tête de proue du mouvement souverainiste ?
Que faire pour que les organisations internationales – et donc les pays qui les financent – autrefois omnipotents, ne perdent pas pied au Niger, et gardent ne serait-ce que quelques parcelles d’influence ?
Un analyste qui participe à la fois aux trois cultures : française, occidentale et nigérienne, serait tout indiqué. Sire Jean-Pierre Olivier de Sardan est incontestablement l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. Mais Sardan est anthropologue, il a eu comme objets d’études le peuple Wogho, puis les peuples Zarma-Songhay, et de proche en proche, il est devenu spécialiste du Niger. De surcroît, il dirige le Lasdel (Laboratoire d’études et de recherches sur les dynamiques sociales et le développement local), dont on peut se demander s’il n’a jamais réussi la dissection science politique.
Or, l’anthropologie était dès l’origine une science coloniale, et aucune science sociale n’est innocente. Si « La géographie sert à faire la guerre », si « l’histoire sert le pouvoir », l’anthropologie elle, est sœur de l’ethnologie et « fille de l’impérialisme », elle étudie les « sauvages », « les indigènes », « les autochtones », les peuplades non occidentales, en vue de les gérer, de les administrer, de les dominer. L’anthropologie comme le souligne fort justement J.-L. Amselle « est un rapport de forces néo-colonial, l’imposition d’un pouvoir visant à prélever un savoir permettant lui-même d’acquérir un pouvoir ailleurs (en général dans les métropoles) et, accessoirement, de l’argent ».
A ce point de vue, le texte de Sardan ne déroge point. Les analyses des donnes politique, sécuritaire, internationale et du développement, régionale et économique convergent vers cette conclusion explicite : « place pour les institutions de développement au Niger dans un contexte autoritaire et multipolaire ».
Place à côté de qui ? De la Chine premier partenaire économique de l’Afrique et acteur majeur au Niger, de la Russie, de la Turquie, de l’Iran, des pays du Golfe persique. « Tous ces nouveaux partenaires, écrit l’auteur, ont bien sûr chacun leur agenda et leurs intérêts dans la coopération avec le Niger », en passant sous silence l’agenda et les intérêts des organisations internationales et des pays auxquels la note est destinée. Nous ne sommes pas sortis de la logique du partage.
Et pour quoi faire ? Renoncer aux conditionnalités et autres actions humiliantes, user de nouvelles méthodes pour promouvoir ses intérêts et étendre son influence. Il s’agit somme toute, de déplacer la coopération de l’Etat nigérien vers la société civile et la société privée, de choisir les domaines (régaliens) comme l’agriculture, l’enseignement et la santé, de recruter des acteurs nigériens « experts contextuels » ou « améliorateurs » qui seront porte-étendards et propagateurs d’idées et d’influence occidentales.
Telle est la substance du texte de Sardan.
Mais relevons quelques détails qui tendent à prouver que Sardan n’est pas l’homme de terrain qu’il prétend être, que le politique supplante le savant ou comme le dit Amselle : « L’anthropologie, c’est le royaume de la mauvaise foi ».
A propos de la donne politique, fait un rapprochement entre le régime militaire actuel et celui de Kountché, puis il fait un distinguo : « Mais il y a une différence majeure : la dictature militaire de Kountché avait mis fin à un autre régime dictatorial, celui du parti unique PPN-RDA. Par contre, le récent coup d’état a mis fin à un régime démocratique. Or, ceci constitue paradoxalement non pas un handicap mais une source de légitimité populaire ». La différence majeure entre les coups d’Etats précédents y compris celui de Kountché ne se situe pas là où Sardan la place. La différence vraie est que contrairement aux coups d’Etats précédents, celui du 26 juillet n’a pas été fomenté par la France.
Dire que le régime renversé le 26 juillet 2023 était démocratique en sachant comment le candidat à la présidentielle a été imposé, et comment les élections se sont déroulées, c’est véritablement faire montre de mauvaise foi.
La légitimité populaire du coup d’Etat du 26 juillet n’est paradoxale que parce qu’elle est regardée avec les yeux de l’Occident. Le paradoxe, c’est ce qui est contraire à l’opinion commune. L’opinion commune occidentale ne fait pas loi au Niger. Ce qui est paradoxal dans cette opinion ne l’est pas nécessairement dans la nôtre. Croire que l’opinion commune occidentale est au-dessus de la nôtre est une forme de colonialisme larvée.
Bazoummania et catastrophisme
A en croire la note de Sardan, tous ou presque tous les problèmes du Niger viennent du renversement de Bazoum dont il égrène les qualités et mérites : démocrate, allié de la France et des Etats-Unis d’Amérique dans la lutte contre « l’insurrection djihadiste », initiateur d’une « approche originale dans la lutte contre l’insurrection djihadiste », négociateur hors pair, interlocuteur des djihadistes qu’il disait plus aguerris que les militaires nigériens, et pacificateur de la vie politique.
Après le règne de Bazoum, tout devient négatif au Niger, et même très négatif (Il y a là une volonté de superlativiser le négatif), et Sardan prévoit le pire pour le pays.
Au sécuritaire : « les conséquences du changement de régime au point de vue de la lutte contre l’insurrection djihadiste sont négatives sur le court terme, ce qui a entraîné une montée en puissance des attaques djihadistes. Mais elles le sont aussi sur le long-terme, car les FAN sont mal adaptées à une guerre asymétrique ».
Au niveau régional : « La rupture entre la CEDEAO et l’AES est un élément très négatif de la conjoncture politique et économique en Afrique de l’Ouest », « la création éventuelle d’une monnaie AES pourrait avoir des conséquences très négatives pour le Niger ». Sardan s’est lui-même déclaré incompétent sur la question monétaire et sur celle de la dette, mais cela ne l’empêche point d’avancer en terrain inconnu.
Dans le domaine économique enfin, Sardan note « le danger que le Niger soit victime de la malédiction des ressources naturelles ».
Dans le brouhaha des expressions défaitistes, des complexes de supériorité et des attitudes condescendantes, des réactions néocoloniales, des ripostes impérialistes, le Niger et l’AES poursuivent leur marche souveraine, irréversible et irrépressible.
Farmo M.