
Dr Maïna Oumara, Médecin Spécialiste de l’Infertilité à l’Hôpital Général de Référence
Au Niger, dès qu’un couple n’arrive pas à concevoir, le doigt est pointé en premier lieu sur la femme. Stigmatisées, violentées, jugées et rejetées, les femmes infertiles sont considérées comme des personnes inutiles ou un fardeau tant dans le foyer qu’au sein de la société. Véritable problème de santé publique, cette pathologie est responsable de stress émotionnel, de dépression, d’anxiété, d’une faible estime de soi et dans les plus graves des cas, d’un divorce, d’un abandon familial et de solitude. Pourtant, l’homme n’est pas à l’abri de cette pathologie. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estime qu’entre 48 millions de couples et 186 millions de personnes sont touchés par l’infertilité dans le monde. Le continent Africain présente le taux le plus élevé d’infertilité qui varie entre 15 et 30%. Au Niger, 40% des problèmes d’infertilité sont liés à la femme, 30% à l’homme, 25% impliquent le couple et environ 5 à 10% sont injustifiés. À la maternité Issaka Gazobi, environ 5% des consultations concernent l’infertilité en 2022 contre 10% en 2010. Le diagnostic et les facteurs de risque
L’infertilité est la difficulté à concevoir un enfant au sein d’un couple après une année ou plus, en ayant des rapports sexuels réguliers et non protégés et, sans l’utilisation de contraception. Diagnostiquée grâce à la réalisation de différents examens médicaux, la femme est la première personne du couple à se faire consulter en cas d’absence de grossesse. En effet, selon Dr Maïna Oumara, Gynécologue Obstétricien, Enseignant Chercheur à la Faculté des Sciences de la Santé à l’Université Abdou Moumouni et, Médecin Spécialiste de l’Infertilité à l’Hôpital Général de Référence, les principaux examens réalisés chez la femme sont entre autres la courbe de température, le bilan hormonal, l’échographie pelvienne par voie endovaginale, le bilan des trompes, le bilan utérin, les sérologies et la cœlioscopie. Cependant, le spécialiste explique qu’il existe plusieurs facteurs qui concourent à la dégradation de la fertilité chez la femme. Il s’agit des facteurs liés à l’âge, l’excès de poids ou la maigreur excessive, certaines maladies génétiques, infectieuses, endocriniennes ou gynécologiques, les maladies sexuellement transmissibles (MST) non traitées, les avortements clandestins non sécurisés, certaines pratiques africaines traditionnelles, culturelles ou religieuses comme la mutilation génitale et la pratique de la ‘’sexualité à risque’’. À ce lot de facteurs multiples s’ajoutent les perturbateurs endocriniens (PE) présents dans les produits d’usage quotidien, la mauvaise alimentation, la consommation de certaines substances psychoactives comme le tabac, l’alcool ou la drogue, l’exposition prolongée à la chaleur ou aux ondes mobiles, le stress, les troubles du sommeil, l’exposition aux pesticides ou autres substances toxiques, etc.
Parlant des examens à faire chez l’homme, Dr Maina Oumara conseille d’abord de faire le spermogramme dans 99% des cas. Ensuite, en cas de détection d’une anomalie, on peut effectuer d’autres examens comme la biopsie testiculaire ou le traitement des infections sexuellement transmissibles.
Les causes de l’infertilité chez la femme et l’homme
Les différentes origines de l’infertilité chez la femme sont multiples et variées car, certaines femmes sont infertiles et d’autres stériles. Le gynécologue explique que ces deux notions n’ont aucun lien avec la sexualité d’une personne déterminée. « L’infertilité, c’est la difficulté de concevoir alors que la stérilité, c’est l’impossibilité de concevoir. Le sujet concerné peut avoir une vie sexuelle épanouie d’un côté et avoir des problèmes de conception d’autre part », explique le médecin. Les principales causes de cette pathologie sont d’origine environnementales, endocriniennes ou infectieuses. « Au Niger, les Infections Sexuellement Transmissibles (IST) sont les premières causes d’infertilité tant chez l’homme que la femme. Ces dernières détruisent dans 60% des cas les trompes de la femme et causent le fibrome utérin présent chez 2 femmes sur 3 en cas de problèmes de fertilité. En Afrique, 80% des cas d’infertilité sont liés aux infections et, 85% des cas d’infertilité chez la femme africaine sont dus à des infections non traitées contre 33% dans le monde », dit-il. En ce qui concerne les causes environnementales et endocriniennes, Dr Oumara souligne que l’utilisation des produits cosmétiques tels que les shampoings, les défrisants, le plastique des bouteilles, les emballages alimentaires, les désodorisants, les conservateurs alimentaires ou les produits éclaircissants, les détergents, la consommation des conserves, la pollution, le phénomène du changement climatique sont des facteurs qui peuvent altérer à long terme la fertilité. Une étude MIG (2022) présentée lors d’une conférence initiée le 1er mai 2023 par les médecins obstétriciens avec pour thème ‘’Infertilité : aujourd’hui et demain, Défis en Afrique au sud du Sahara’’, révèle des données alarmantes sur les causes de l’infertilité chez la femme nigérienne. En effet, sur 237 cas observés, 108 cas sont d’origine infectieuse, 76 d’origine hormonale et 53 d’origine anatomique représentant respectivement 45,45%, 32,18% et 22,38%. « L’origine de l’infertilité chez la femme est de 39,24% et chez l’homme, ce taux est de 29,54%. Pour un couple, il est de 19,83% et le cas d’infertilité inexpliquée est de 11,39% », souligne le médecin.
Quant aux causes de l’infertilité chez l’homme, le docteur indique que les infections sexuellement transmissibles sont aussi la première cause. Selon le gynécologue obstétricien, lorsqu’une infection sexuellement transmissible n’est pas traitée, elle peut atteindre et détruire le reste du système reproductif masculin. « En cas d’IST, le liquide, le sperme produit renferme dans 99% des cas un liquide qui n’a rien à voir avec les spermatozoïdes », a-t-il expliqué, ajoutant qu’un homme peut bel et bien avoir des rapports sexuels, éjaculer, mais éjaculer un liquide simple qui ne contient pas de spermatozoïdes et ce liquide n’est pas favorable à la conception d’une grossesse. « Dans ce liquide, il y a des cellules qui sont vivantes et ces cellules vivantes, elles se comptent en millions. L’objectif est d’avoir au moins la moitié qui bouge. Ce sont eux qui se déplacent après le rapport pour traverser tout le canal. Ces cellules vivantes ont leurs propres queues qui leur permettent de naviguer dans le milieu génital pour retrouver l’ovule pour le féconder. Tous ces paramètres doivent être étudiés dans le spermogramme qui est l’examen qu’on demande régulièrement aux hommes dans le cadre du bilan du couple infertile », explique Dr Maina Oumara.
Le spécialiste de l’infertilité a aussi indiqué que l’alcool, le tabagisme, mais surtout le port du slip servant ou un collant peut également causer des problèmes d’infertilité chez l’homme. « Si vous collez et vous plaquez vos testicules contre votre organisme, la chaleur naturelle du corps humain risque d’altérer la qualité des spermatozoïdes ». C’est l’exemple, d’après le médecin des chauffeurs ou des taximen.
La prise en charge des victimes, difficultés et les traitements à suivre
Pour la prise en charge des personnes atteintes par cette maladie, il existe selon le médecin un centre spécialisé à cet effet à l’Hôpital Général de Référence mais, ce dernier reste jusqu’à l’heure, non fonctionnel et certains matériels importants sont en ruine. « Ce centre a été mis en place depuis 2019 mais, il n’a jamais été fonctionnel. Pourtant, le matériel nécessaire est disponible sur les lieux mais, aucune suite favorable n’est observée depuis lors », déplore-t-il. Mais, il existe plusieurs traitements à faire et ces derniers ne sont pas gratuits car, le prix varie de 5.000 FCFA à plus par examen.
Malgré tous les moyens déployés afin d’aider les personnes vivant avec des problèmes de fertilité, la plus grande difficulté reste à ce jour, le non traitement des infections qui peuvent créer d’autres problèmes génitaux graves tant chez l’homme que la femme. En effet, le gynécologue explique que certaines personnes ne traitent jamais leurs maux et que certains hommes décident volontairement de ne pas suivre un traitement avec leurs conjointes car, ils se considèrent comme bien portants. « Certaines femmes n’ont aucun problème de santé lors des consultations et en cas d’infections, un traitement adapté est prescrit mais, leurs époux refusent catégoriquement de venir se faire consulter afin de déterminer la source du problème et trouver une solution efficace. Ces femmes vont suivre un traitement en vain car, le problème se trouve ailleurs », dit-il avant de rappeler qu’un problème de fertilité est une affaire du couple et non de la femme.

Néanmoins, le spécialiste indique qu’en cas d’infertilité du couple, plusieurs traitements sont administrés afin de permettre à ce dernier de concevoir un enfant. « Tout dépend des résultats obtenus après la réalisation des examens. On peut provoquer une ovulation en cas de trompes perméables en corrigeant le cycle de la femme. En cas de fibrome, de kyste ovarien ou de trompes bouchées, un traitement par strioscopie ou une ouverture de la cavité pour effectuer une opération afin de remédier aux problèmes et, dans certains cas, il faut une insémination afin de provoquer une grossesse in-vitro », explique-t-il. Pour l’homme, un traitement consistant au renforcement des spermatozoïdes ou un traitement des IST est conseillé afin de les rendre plus performants.
Les conseils et recommandations
De manière générale, un couple qui n’arrive pas à concevoir une grossesse après une année de vie commune doit s’interroger sur sa santé reproductive d’après le docteur. Aussi, lance-t-il un appel à l’endroit des autorités pour qu’elles puissent mettre en place des moyens afin de rendre opérationnel le centre dédié à la prise en charge des personnes en difficultés reproductives et réduire le calvaire quotidien des femmes, premières à être indexées en cas d’absence de grossesse. Il a souligné également que l’État doit mettre à la disposition du centre, de nouveaux matériels afin de remplacer ceux déjà défectueux et engager des médecins spécialisés dans le domaine pour renforcer la prise en charge.
À l’égard de la population en général et des femmes en particulier, le médecin attire leur attention sur les infections, les IST et le respect des traitements prescrits. Il sensibilise également la population à un changement de comportement vis-à-vis de la femme pour briser la stigmatisation autour de l’infertilité. Aux hommes, il appelle à un meilleur soutien et à une collaboration pour se faire consulter et traiter au même titre que la femme car, dit-il, pour traiter l’infertilité, il faut agir sur toute la chaîne. « C’est un problème de couple et non celui de la femme et l’homme est responsable au même titre que la femme », conclut le spécialiste de l’infertilité.
Massaouda Abdou Ibrahim (ONEP)