L’infertilité est aujourd’hui un véritable problème de santé publique et de société au Niger. D’origines multiples et variées, elle touche tant l’homme que la femme, causant ainsi une stigmatisation des victimes et un mal être profond pouvant conduire à une dépression profonde et chronique. Sujet tabou, mal compris ou mal interprété, cette pathologie continue d’affecter beaucoup de personnes. À cela s’ajoute des difficultés notoires dans la prise en charge effective des patients et les dépenses assignées aux traitements adaptés surtout avec l’extrême pauvreté de la population. Des personnes qui souffrent en silence, ayant requis l’anonymat ont volontairement accepté de partager avec nous leur calvaire quotidien au sein de la société et leur tourment psychologique.
Une jeune femme, âgée de 42 ans, ménagère et divorcée depuis plusieurs années évoque les injures qu’elle reçoit au quotidien suite à son infertilité. « Après mon mariage, je n’ai pas pu tomber enceinte malgré toutes mes tentatives. Ma belle-famille a exigé que mon ex-mari m’accorde le divorce car selon eux, j’étais un fardeau et une femme inutile. J’ai suivi plusieurs traitements et mon mari ne m’a jamais soutenue ou épaulée. Malgré tout, j’ai repris ma vie en mains depuis mon divorce mais je n’arrive pas à me remarier car, j’ai comme cette étiquette collée sur le front de la femme infertile qui arrive dans les oreilles de tous mes prétendants », confie-t-elle.
Les préjugés sociaux, la stigmatisation des femmes ou l’incompréhension de la cause véritable du problème accentuent fortement toutes les formes de violences à l’égard des femmes. Pourtant, elles ne sont pas les seules concernées. C’est le cas de M. S.M, 40 ans, marié, aucun enfant : « Je n’ai jamais su que je pouvais être infertile. J’ai une sexualité épanouie et je n’ai jamais effectué une consultation à ce sujet. Je me suis remarié il y a quelques années car, ma première femme n’arrivait pas à me donner un enfant. Au vu de la pression familiale et des préjugés, j’ai pris une deuxième femme en espérant que j’aurai un enfant, mais hélas. Deux années après, aucune évolution et j’ai cherché des renseignements sur internet puis, j’ai effectué une consultation médicale afin d’y voir plus clair et les résultats étaient évidents ». C’est vrai, ajoute-t-il, qu’un homme ne pourra jamais se remettre en cause car, on a le statut de la supériorité au sein de la société et de la famille mais, une maladie peut toucher n’importe qui, peu importe ton statut, ton âge, ton genre, etc.
A.M, entrepreneur, marié, explique comment il a pu prendre l’état de sa santé après plusieurs infections et plusieurs consultations. « Les infections répétitives ont été le signal d’alarme pour me pousser à consulter. J’ai suivi plusieurs traitements et mon épouse également afin de nous aider. Mes proches s’en moquaient et me donnaient des potions ou des traitements traditionnels à suivre. Ce qui a littéralement aggravé ma situation. Après plusieurs années, beaucoup de patience, j’ai pu avoir 1 enfant et ma femme est actuellement enceinte. Depuis, je fais attention à ma santé et j’ai appris à mieux soutenir ma femme dans toute situation », dit-il.
« Je n’ai jamais eu connaissance des problèmes d’infertilité et encore moins de l’impact social jusqu’à ce que je me retrouve dans cette situation. Je trouve qu’on ne parle pas assez dès le bas âge de la sexualité. J’ai très mal vécu cette situation surtout avec ma belle-famille, mais, mon mari a été compréhensif, patient et croyant. Il m’a aidée à chaque étape et on a suivi un traitement ensemble afin de trouver une solution favorable à notre problème. Aujourd’hui, on essaie encore et on espère que Dieu nous fera honneur de cette grâce », déclare cette dame de 39 ans, à la recherche d’emploi.
Masssaouda Abdou Ibrahim (ONEP)