L’utilisation des plastiques est un phénomène ancré dans les habitudes de la population nigérienne. Or, l’usage abusif des plastiques contribue à la destruction de notre cadre de vie, de la faune et de la flore. La capitale Niamey, à elle seule, rejette près de 320 000 tonnes de déchets solides par an, dont 16 000 tonnes de matières plastiques. Face à ce constat, les autorités ont adopté une stratégie nationale ‘’ambitieuse’’ de gestion des déchets avec notamment l’adoption d’une loi interdisant la production, l’importation, la commercialisation et l’utilisation des sachets plastiques souples à basse densité. Ainsi, certains entrepreneurs s’engagent à lutter contre ce fléau à travers le recyclage.
A l’échelle mondiale, seulement 9 % de déchets plastiques ont été recyclés en 2019 tandis que 22% ont été mal gérés ou rejetés dans l’environnement. Actuellement au Niger, des entreprises privées s’implantent pour introduire de nouvelles solutions et augmenter les capacités de recyclage des déchets plastiques. Ces investisseurs privés traitent et transforment les déchets, qui deviennent une matière première pour produire de nouveaux biens de consommation. Le centre de gestion et de valorisation des déchets GVD Afrique, implanté au Niger depuis 2005, traite plus de 100 000 tonnes de déchets par an. Ces derniers sont transformés suivant un processus de traitement pour fabriquer des tables bancs, des bureaux, des meubles, des bibliothèques, des piquets, des briques, des dalles pour les latrines, etc. Quant aux déchets organiques, ils sont transformés en charbon et en engrais.
Mais, depuis 2010 explique le responsable M. Moussa Dogo Ali, le centre a créé un bureau d’études, de formations et de recherches pour doter les gouvernements de documents législatifs, des outils et instruments de gestion des déchets plastiques. Les formations dispensées dans ce centre sont, dit-il, destinés aux cadres de l’Etat et aux responsables des ONG et associations. Dans le domaine de l’insertion professionnelle, le centre forme près de 3000 personnes par an. « Nous avons établi un grand centre de valorisation des déchets plastiques et de professionnalisation des communautés à Zinder. Ce centre accueille plusieurs pays africains qui viennent se former, apprendre les techniques de recyclage, les stratégies, les outils et les instruments qui vont leur permettre de gérer les déchets plastiques. C’est notre contribution majeure aux efforts de l’Etat. L’entreprise dispose de 43 unités de gestion dans les régions et les départements du Niger, mais aussi dans plusieurs pays de l’Afrique. Le potentiel de la filière recyclage de déchets plastiques au Niger avoisine au moins 7 000 emplois », a-t-il ajouté.
Toutefois, les emplois octroyés par ce secteur sont aujourd’hui menacés par la réticence de la population à intégrer dans leur habitude quotidienne ces produits et services. « Une attitude à fort impact qui nuit à la filière depuis une dizaine d’années », déplore-t-il. Et ceux malgré la ferme volonté des partenaires à créer des unités de recyclage de déchets plastiques, de système innovant de production d’emballage alternatif.
Une opportunité d’entreprenariat pour les jeunes
Derrière ce géant recycleur, se trouve au Niger d’autres petites initiatives de création d’entreprises conduites par des jeunes filles, qui font de la valorisation des déchets plastiques, une porte d’entrée dans le monde de l’entreprenariat. Une nouvelle façon d’entreprendre et d’exprimer leur créativité, à travers la mise sur le marché d’articles pour les usages quotidiens. Ahmed Akassa Ghaicha, promotrice de l’entreprise recygolden, est l’une de ces filles qui innove. Fascinée par les dessins et le bricolage dès son jeune âge, l’étudiante en troisième année en Informatique a su, au fil des années, aiguiser cette passion latente devenue aujourd’hui sa plus grande force. Ce qui lui permet de combiner, les études et le recyclage des déchets plastiques. En effet, à partir de bouteilles en plastique et de cartons, qu’elle récupère auprès des boutiquiers et dans son quartier, la jeune étudiante confectionne des sacs à mains, des bracelets, des boucles d’oreilles, des classeurs et d’autres articles sur mesures à la demande de sa clientèle. A travers, cette confection faite de manière traditionnelle, au-delà de sa participation en tant que citoyenne au recyclage des déchets plastiques, c’est la culture nigérienne qui est mise en lumière à travers ses créations.
A première vue, ces articles font référence à la région de Tillabéri du fait de l’utilisation du tissu ‘‘Téra Téra’’ comme ornement. Ce qui leur donne une touche typiquement nigérienne. L’objectif de Ahmed Akassa Ghaicha est de se faire connaitre sur le plan national et international. Passionnée par ce qu’elle fait, malgré les difficultés, être indépendante demeure sa principale motivation pour un jour atteindre son rêve d’être connue dans la filière recyclage des déchets plastiques, car convaincue du potentiel du secteur au Niger. Son choix d’utiliser les déchets plastiques comme matière première a été guidé par un désir d’apporter sa contribution dans la réduction des tas de déchets qui sont dans les quartiers à l’état sauvage. « Le recyclage m’a semblé être la meilleure façon d’apporter une plus-value dans la réduction de ces ordures et à la lutte contre le réchauffement climatique », a-t-elle exprimé.
De la décharge à l’usage du quotidien, la jeune entrepreneuse a dû faire preuve de ténacité, de patience et de détermination pour amener les gens à acheter ses créations. Par mois, c’est une dizaine de sacs que la jeune entrepreneure arrive à écouler, ce qui lui apporte des revenus lui permettent de subvenir à ses besoins. « Le manque de financement reste le plus grand défi auquel, je suis confrontée. J’en appelle, aux bonnes volontés de nous soutenir et aux jeunes de sortir de leur zone de confort pour oser entreprendre », a-t-elle conseillé.
La filière de gestion et de valorisation des déchets plastiques regorge d’importantes opportunités de création d’emplois et de transformation. La réussite de ce projet ambitieux pour la protection de l’environnement ne sera pas effective, sans une prise de conscience de la population sur les dangers de l’usage abusif du plastique et un accompagnement des autorités aux secteurs privés.
Hamissou Yahaya (ONEP)