Le 18 juillet 2022, le Réseau Progrès et Développement Humanitaire du Niger (REPRODEVH-Niger) et de la Coalition Nigérienne contre la Peine de Mort avec le soutien de leurs partenaires ont célébré au Niger la journée mondiale des détenus sous le thème : ‘’Humanisation des maisons d’arrêts et lieux de détention : vers la reconstruction de la vie à travers la lecture en milieu carcéral’’. Au cours de cette journée, les acteurs ont organisé des activités culturelles et sportives à la Prison Civile de Niamey. En marge de cette journée internationale dédiée à Nelson Mandela, nous nous sommes entretenus avec M. Almoctar Garba Illou, président de la Coalition Nigérienne contre la peine de mort sur la situation carcérale dans notre pays et les actions que le Réseau Progrès et Développement Humanitaire du Niger (REPRODEVH-Niger) est entrain de mener pour l’abolition de la peine de mort et la torture et toutes infractions assimilées au Niger ainsi que les efforts accomplis par le Gouvernement.
Monsieur le président du Réseau Progrès et Développement Humanitaire du Niger (REPRODEVH-Niger) et de la Coalition Nigérienne contre la Peine de Mort, le 18 juillet 2022, à l’occasion de la Journée Internationale des détenus, votre réseau a organisé au camp des mineurs de la Maison d’Arrêt de Niamey des activités culturelles et sportives. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste cette journée et son objectif?
La communauté internationale a, comme chaque année, célébré la journée internationale dédiée à Nelson Mandela le 18 juillet. Nelson Mandela est né ce jour et c’est l’occasion de rendre hommage au combat de l’ancien Président de l’Afrique du Sud, qui a passé 27 années de sa vie derrière les barreaux durant l’Apartheid. Il s’agit au cours de cette journée de magnifier le travail du personnel pénitentiaire, et de rappeler que les personnes détenues font partie intégrante de la société, et doivent, en tant que telle, recevoir un traitement compatible avec la dignité humaine et les droits humains.
Au Niger, selon les dispositions du Chapitre II, du Décret n° 99-368/PCRN/MJ/DH du 03 septembre 1999, déterminant l’organisation et le régime intérieur des établissements pénitentiaires en son Art. 120– je cite : ‘’Les détenus peuvent s’adonner pendant leurs loisirs, à des activités récréatives ou culturelles propres à les maintenir dans les conditions mentales et morales satisfaisantes et à développer en même temps leurs facultés’’. D’où la motivation de notre organisation à aller vers l’humanisation des détenus selon les politiques du pays.
Pourquoi le choix est porté sur le camp des mineurs de la Maison d’Arrêt de Niamey ?
Permettez-moi de rappeler que depuis des années, le Niger, à travers le Ministère de la Justice, s’est engagé dans une profonde réforme de son système pénal et pénitentiaire. Les réformes du système pénal et pénitentiaire engagées, ont certes permis d’aboutir à des résultats probants, mais beaucoup reste à faire. Il me plait aussi de rappeler qu’une politique pénitentiaire et de réinsertion a été initiée par les autorités compétentes. Cette politique s’articule autour de trois (03) axes principaux à savoir ; la réforme de l’Administration Pénitentiaire et le Renforcement de la Gouvernance ; l’humanisation des conditions de détention et la Réinsertion et Productivité. Cette action salvatrice du Réseau Progrès et Développement Humanitaire du Niger (REPRODEVH-Niger) et ses partenaires œuvre pour le bien-être des populations carcérales du Niger.
Cependant, la promotion de la pratique sportive par les détenus femmes, hommes et mineurs d’une maison d’arrêt, déclenche le processus de socialisation globale. Le loisir, devenu un élément central de la vie sociale actuelle, doit aussi pénétrer la prison surtout les mineurs ayant la chance d’y évoluer. Le Sport, appliqué au régime pénitentiaire, prend la signification d’activités récréatives et culturelles afin de participer au bien-être physique et moral des détenus. L’activité de loisir rejoint l’activité éducative, fondement du régime pénitentiaire contemporain.
Cet évènement cadre parfaitement avec les politiques nationales des autorités nationales du Niger, dont en premier lieu SE. Mohamed Bazoum, Président de la République, Chef de l’Etat, dans son programme de renaissance acte III.
Les mineurs de la Maison d’Arrêt de Niamey sont dans une bonne posture pour être accompagnés, d’abord au vu de leur encadrement de très bon niveau par le responsable de cette maison et ses partenaires, ensuite la disponibilité des infrastructures, la question résolue de la sécurité très élevée à Niamey, la croissance rapide du taux très élevé de détenu (e) s mineurs en ce jour, au nombre de 89 en date du 18 juillet 2022 et la distance pour accueillir cette activité.
Justement le thème de la célébration de la journée était : ‘’Humanisation des maisons d’arrêts et lieux de détention : vers la reconstruction de la vie à travers la lecture en milieu carcéral’’. Quel est le message que vous voulez véhiculer à travers ce thème ?
Le choix de cette thématique n’est pas fortuit. Il est d’une importance capitale car très souvent « au début des longues incarcérations, la lecture est souvent un réconfort dans un nouvel univers, une nouvelle organisation sociale. Elle aide le détenu d’oublier le monde extérieur, à le réconforter et à l’amener à découvrir un autre monde imaginaire. Lire en prison, c’est sortir des 9m2 dans lesquels on est enfermé.
La classification et la gestion des détenus doit prendre en compte les contraintes liées à la capacité d’accueil. Quels sont les efforts que votre réseau en partenariat avec le gouvernement est en train de mener à la Maison d’Arrêt de Niamey, qui d’après son régisseur est surpeuplée ?
Il faut profiter des colonnes de votre journal pour féliciter vivement les autorités du Niger à travers la Commission Nationale des Droits Humains (CNDH Niger) et le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux pour les efforts fournis. En effet, nous sommes permanents sur le plaidoyer qui a porté ses fruits par la volonté manifeste des autorités du Niger à aller vers l’humanisation des maisons d’arrêts et lieux de détention contre le surpeuplement. En témoigne : la promotion de l’hygiène et l’assainissement en milieu carcéral ; le décret de commutation des peines capitales à des peines à vie depuis 2014 ; la révision du code pénal et code de procédure pénal du Niger, disons même la refonte totale de ces deux codes ; le rehaussement significatif des primes alimentaires et les AD dans la gestion des centres pénitentiaires du Niger depuis l’arrivée du nouveau ministre de la Justice Garde des Seaux ayant bien voulu continuer sur les acquis déjà existants ; l’engagement des autorités nigériennes à construire une nouvelle maison d’arrêt répondant aux normes internationales ; la réduction significative des restrictions de la prison de haute sécurité de Koutoukalé et bien d’autres choses etc.
Monsieur le président, qu’est-ce que votre coalition fait dans l’élaboration et la mise en œuvre des programmes de préparation à la réinsertion et l’humanisation des conditions de détention en partenariat avec les autorités du Niger ?
Notre coalition n’invente pas la roue, à travers l’Observatoire des Lieux de Détention du Niger (OLIDE-NIGER) et le mouvement abolitionniste nigérien, nous accompagnons les efforts et politiques sectorielles de l’Etat dans ce domaine à travers des initiatives louables. Il s’agit par exemple de la visite et suivi des conditions de détention des personnes condamnées à mort. Le suivi des 248 recommandations acceptées par le Niger lors de son Examen Périodique Universel en 2021 ; le monitoring des maisons d’arrêts et lieux de détentions
Votre coalition est membre de celle mondiale contre la peine de mort, qui réunit des organisations non gouvernementales, des associations d’avocats, des syndicats et des éducateurs. Est-ce qu’au Niger, la peine de mort est abolie ? Parlez-nous de sa situation ?
Le 18 décembre 2020, dix-neuf personnes ont vu leur peine de mort commuées en peine de prison à perpétuité par décret présidentiel portant remises gracieuses de peines. En 2021, on comptait cinq personnes condamnées à mort qui n’ont pas vu leurs peines commuées, dont une femme depuis mai 2019 (maison d’arrêt de Tillabéri) et quatre hommes (dont un à la maison d’arrêt de Say, un à Ouallam, un à Kollo et un à Tillabéri). Depuis le condamné à mort de la maison d’arrêt de Ouallam a vu sa peine commuée en une peine de prison à vie en mai 2022. Cependant quatre nouvelles condamnations à mort ont également été prononcées en 2022. La première a été prononcée par la Cour d’assises de Dosso le 2 janvier 2022 pour assassinat. Trois autres condamnations ont ensuite été prononcées par la Cour d’assises de Tillabéri pour meurtre, tentative de vol de nuit en réunion avec une arme et viol suivi de vol. Le nombre de condamnés à mort au Niger est actuellement à 8.
Quelle sont en perspectives les actions que vous comptez mener dans le cadre de la lutte contre la peine de mort, la torture et toutes infractions assimilées au Niger ?
L’idée pour nous est d’accompagner les efforts du Niger sur la problématique de l’abolition à travers un plaidoyer efficace pour sensibiliser les parlementaires, les pouvoirs publics et l’opinion publique nationale sur la nécessité d’abolir la peine de mort en se conformant aux dispositions de la constitution de la 7ème République du Niger (articles : 10, 11 et 12). Ainsi, le forum national des abolitionnistes nigériens sur la peine de mort tenu le 10 et 11 octobre 2021 dans la salle des conférences du SNAD Niamey a fait plusieurs recommandions qui nous serviront de levier à actionner et d’axes stratégiques.
Il y a l’abrogation pure et simple des articles 242 et 243, et toutes dispositions du code pénal et code de procédure pénale nigérien entrainant a la sentence capitale et la révision du code pénal pour une prise en compte par le gouvernement nigérien.
Nous encourageons l’Etat nigérien à voter en faveur de la résolution des nations unies sur le moratoire des exécutions en décembre 2022. Le respect des engagements nationaux et internationaux que le Niger a plaidé auprès des Etats parties ayant adhéré à l’OP2. Nous soutenons également davantage les campagnes de plaidoyer pour l’abolition de la peine de mort au Niger et la vulgarisation de la loi sur le Mécanisme National de Prévention de la Torture (MNP) en collaboration avec la CNDH NIGER et le ministère de la Justice.
Par Seini Seydou Zakaria(onep)