Monsieur le directeur, quel est aujourd’hui l’effectif du parc automobile national ?
Nous avons aujourd’hui environ 6700 véhicules administratifs et 3500 motos. Donc, nous avons un parc d’environ 10.000 véhicules, tous genres confondus, répartis dans les différentes structures de l’Etat, et les institutions. Nous ne comptabilisons pas les véhicules qui relèvent des autres sociétés, à savoir les sociétés d’Etat, les sociétés d’économie mixte, les établissements publics à caractère administratif, les établissements publics à caractère industriel. En somme, tous les véhicules qui ne sont pas immatriculés en série administrative. Aujourd’hui, nous pouvons vous dire que nous avons un parc important.
Mais comment vous gérez tous ces véhicules et précisément qui a droit à un véhicule administratif au Niger ?
Tout est cadré. C’est vrai que le texte est vieillissant, mais il y a le décret 86-324 du 11 septembre 1986 relatif à la gestion du parc automobile national qui cadre la nature des véhicules, leur affectation ainsi que les personnes qui sont autorisées à en disposer. D’après toujours ce décret, il y a des véhicules dits de fonction. Là, c’est lié à la fonction. C’est le ministre des finances qui affecte un véhicule de fonction.
En général, ce sont les Directeurs généraux, les membres du gouvernement, les grands chanceliers, les personnalités de rang ministériel, les directeurs de cabinet du Président de la République, du Premier ministre, les secrétaires généraux, le Secrétaire général du gouvernement et son adjoint, les inspecteurs d’Etat, les Secrétaires généraux des Ministères, le recteur, les présidents des différentes cours (cour d’appel, cour des comptes) le Procureur général, le directeur du protocole voilà ceux qui sont cités pour disposer légalement de véhicule de fonction. Donc tout ce que vous voyez au niveau de l’administration en général, c’est des usages non véritablement conformes à la réglementation.
Donc aujourd’hui cette disposition relative au décret précité n’est pas respectée ?
Elle n’est pas respectée malheureusement et il va falloir prendre des mesures soit pour une application stricte de ce décret, ou comme nous l’avons fait à un certain moment essayer de corriger, de proposer un autre texte qui puisse prendre en compte le contexte actuel. Donc compte tenu du développement de certaines structures de l’Etat et de certains démembrements et même des institutions de l’Etat pour pouvoir intégrer les nouveaux postes de rang qui ne sont pas pris en compte par ce décret. Nous avons fait ce travail et même introduit dans le circuit un projet de textes portant révision ou réglementation des véhicules de l’Etat. Malheureusement à cette date, ce décret n’est pas encore pris, mais je pense compte tenu aujourd’hui de l’importance de la question, il est important de réveiller ce dossier et de le mettre dans le circuit.
Mais concrètement quelle est la responsabilité d’un détenteur de véhicule de service ?
Ne regardez pas ce qui se passe dans la pratique courante. Il m’est arrivé de voir des responsables charger les véhicules de service avec des choses qu’ils ne devraient pas prendre et pendant les heures de service. Vous savez, quand on pose certains actes, on est conscient de leurs enjeux. En réalité, on ne parle pas de la légalité ou du respect de la réglementation en l’espèce. Les gens savent pertinemment que ce n’est pas normal, mais ils le font. Il nous arrive d’appeler les gens pour leur rappeler leur devoir civique. Le bien public est sacré donc on le respecte. Quand on vous donne un véhicule de fonction, vous devrez l’entretenir.
Nous avons déjà une structure : le garage administratif qui dispose de tous les cadres nécessaires et de tous les matériels techniques nécessaires pour prendre en charge toutes les questions nécessaires à l’entretien et à la réparation des véhicules de l’Etat. Il s’agit tout simplement en temps opportun de nous saisir pour entretenir ces véhicules. Beaucoup ne le font pas certainement parce que c’est un véhicule administratif. C’est dire que certains responsables ne prennent pas toutes les dispositions pour l’entretien.
Au-delà de l’entretien, que se passera-t-il en cas de perte d’un véhicule administratif ?
En cas de perte d’un véhicule administratif et tout naturellement, il y a les structures de l’Etat qui sont là pour assurer toutes les enquêtes nécessaires et situer la responsabilité. Ça peut aller jusqu’ au remboursement, au paiement intégral à travers l’AFE (l’agence fiduciaire de l’Etat) qui est une structure rattachée au ministère des finances. Si la responsabilité n’est pas bien située, alors l’Etat assure cette responsabilité.
Au Niger, l’usage des véhicules de service fait couler beaucoup d’encre et de salive. Ces véhicules de fonction sont devenus aujourd’hui des véhicules de transport d’enfants pour l’école, de marchandises… Que répondez-vous ?
Je vais d’abord rappeler que, du 20 au 25 novembre 2022, le Niger a accueilli un grand événement international. Il nous est arrivé d’adresser jusqu’à 686 demandes de réquisition. Parce que la présidence de la République nous a demandé de combler un écart assez important d’environ 400 véhicules qui doivent rentrer dans le cadre de l’organisation de ce sommet.
Les réquisitions sont arrivées au niveau des responsables, mais ils ont refusé d’obtempérer, de déposer les véhicules. Nous, on nous a demandé 400, nous sommes allés jusqu’à 686 en espérant tout compte fait, de combler cet écart. Mais, les gens ont refusé. Deux ou trois jours avant le sommet, on m’a notifié un gap assez important. J’ai fait le point, je n’ai à peine qu’une centaine de véhicules. J’ai été obligé de passer à la vitesse supérieure. C’est en ce moment-là que nous avons fait intervenir les forces de l’ordre pour obliger ces responsables à remettre les véhicules de l’Etat. Je crois que votre question appelle au sens du devoir de tout un chacun. L’Etat vous a doté d’un véhicule, ce véhicule-là ne vous appartient pas.
L’Etat prend en charge l’entretien, la réparation et l’Etat prend en charge aussi le carburant. L’Etat vous demande juste, à travers une réquisition qui est régulière, de remettre le véhicule pour juste un petit temps. Deux ou trois jours au maximum cinq jours et après, nous avons même dégagé un budget au cas où il y a des accidents au cours de cette opération. Nous avons pris l’engagement de remettre ces véhicules en état avant de les restituer à leurs propriétaires. Mais les responsables ont refusé. Moi je pense qu’il faut restaurer l’autorité de l’Etat !
Mais dans la réglementation, ces détenteurs de véhicules de fonction sont-ils obligés de les remettre chaque fois qu’il y a de telles opérations ?
Je vais vous citer un cas dont je me rappelle bien pendant le régime d’exception. Un responsable administratif qui avait refusé de remettre le véhicule à la suite d’une réquisition, le Préfet de la région a autorisé immédiatement la gendarmerie nationale de l’arrêter. Ils l’ont arrêté et ils lui ont pris le véhicule. Ça, c’est une disposition exceptionnelle. Mais je pense que lorsque l’Etat réquisitionne, même si c’est des biens privés, la loi fait obligation de remettre la clé.
En cas d’incidents, on ne le souhaite pas, on situe les responsabilités. Si c’est du côté de l’agent, la charge lui incombe et la loi lui fait obligation de réparation. Donc les dispositions réglementaires existent. En réalité, nous n’avons pas voulu aller jusque-là, mais nous avons juste voulu, pour les besoins du sommet, arrêté à travers les forces de police des véhicules dans la circulation que nous avons restitués juste à la fin. Certains ont nécessité quelques réparations, nous allons les réparer et les restituer.
Permettez- moi d’insister, Monsieur le Directeur, est ce que dans la réglementation, l’Etat attribue un véhicule à l’agent pour les besoins de la fonction seulement ou bien même pour l’usage familial ?
En réalité, c’est un véhicule de fonction, donc lié à l’exercice de la fonction. Il y a des véhicules de fonction et des véhicules dits de liaison. Les autres véhicules que vous voyez là en général, c’est des véhicules de liaison qui sont censés restés dans les administrations. Après les heures de service, vous les déposez et vous prenez votre véhicule, vous partez. C’est ce que dit la réglementation. Seuls les véhicules de fonction sont utilisables en dehors de heures de service et je vous ai cité les personnes qui en ont droit et qui peuvent les utiliser même en dehors des heures de service. Egalement, sauf les personnes de rang ministériel peuvent avoir droit à plus d’un véhicule. Mais en règle générale, les véhicules de fonction vous ne l’utilisez que pour la fonction et non pour prendre des marmites, des casseroles, et d’autres ustensiles lors des baptêmes et des mariages.
Mais concrètement Monsieur le Directeur, quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans la gestion du parc automobile au Niger ?
Les difficultés sont de différents ordres. Le premier ordre, c’est en général, les difficultés liées à l’allocation des crédits de fonctionnement. Compte tenu de l’importance de notre intervention, le budget qui nous est affecté ne nous permet pas de prendre en charge véritablement toutes les questions relatives à la réparation et à l’entretien des véhicules, mais néanmoins, nous faisons de notre mieux.
Il y a le problème du comportement de l’agent d’une manière générale. Certains ne respectent pas en effet leurs obligations et je pense qu’au-delà de la restauration de l’autorité de l’Etat, peut être que nous devons mettre l’accent sur la communication et l’information. On a beaucoup parlé de la responsabilité de ces agents de l’Etat qui détiennent les véhicules administratifs. Le dernier problème qui est aussi important, ce sont les structures qui dépassent outre le dispositif régulier de contrôle et commander des véhicules sans que nous, nous soyons impliqués. Quand vous prenez dans le circuit normal des dépenses de commande des véhicules de l’Etat, il y a ce qu’on appelle l’avis de conformité technique que nous donnons conformément au code des marchés publics. Mais il y a des structures qui passent outre. Au lieu que nous soyons saisis, elles arrivent à saisir d’autres structures parallèles.
Finalement, ces véhicules, deux ou trois mois après la réception, tombent en panne, parce qu’ils ne répondent pas aux normes administratives. Nous nous insistons sur les caractéristiques en général en tenant compte des dispositifs actuels de réparation et d’entretien que nous avons. Lorsque vous commandez des marques rares, compte tenu de leurs prix, il est difficile d’avoir des pièces de rechange de ces véhicules. Malheureusement quand ces véhicules tombent en panne, ces structures se réfèrent toujours à nous. Dans ces conditions, elles nous posent énormément de problèmes. Beaucoup de responsables et de présidents d’institutions ne comprennent pas l’enjeu, surtout quand on oppose notre refus de donner l’avis technique nécessaire pour que le dossier puisse suivre son cours normal de paiement.
Monsieur le Directeur quel message particulier avez-vous à lancer aux détenteurs de véhicules des différents démembrements de l’Etat ?
Je leur demanderai d’abord d’y prendre soin, car le bien public est sacré ! Lorsque l’Etat consacre énormément d’argent pour vous acheter un véhicule, vous avez le devoir de l’entretenir. On ne vous demande pas d’investir personnellement, mais lorsque ça nécessite l’entretien, vous avez un tableau de bord qui accompagne ces véhicules-là, revenez vers nous pour que au moins nous assurions l’entretien et la réparation de ces véhicules. L’Etat achète ces véhicules administratifs à grands frais, tous ceux qui les utilisent ont le devoir d’en prendre soin, notamment en suivant le délai d’entretien et de réparation. Le deuxième aspect, c’est le sens de la responsabilité et du devoir : ce que vous ne pouvez pas faire avec votre véhicule, pardon ne le faites pas avec le véhicule de l’Etat.
Par Fatouma Idé(onep)