Le Kilichi ou viande boucanée est l’un des produits phares du Niger, connu au-delà des frontières. A Tessaoua, l’un des lieux de productions de cette spécialité nigérienne, certaines personnes essayent de perpétuer la tradition. C’est le cas d’Elhadji Namadi Maï Kilichi 69 ans et Oumarou Bawa, 71 ans.
Un atelier de fortune implanté dans l’enceinte de l’autogare de la ville leur sert de quartier général. Visiblement, les techniques de production n’ont pas évolué, ce qui pourtant n’enlève en rien la qualité et le goût à ce produit de territoire. Une table large, une sorte de plateau en tiges et quelques couteaux constituent le matériel qu’utilisent les deux septuagénaires pour la fabrication de Kilichi.
En cette soirée du mercredi 25 mars, Elhadji Namadi et Oumarou Bawa, sont très affairés dans leur travail. Et c’est avec dextérité et assurance que les deux compères manient le couteau pour transformer les morceaux de viande en des fines feuilles. Normal pour ces deux associés qui ne font perpétuer la tradition familiale. «J’exerce ce métier depuis mon adolescence. Je l’ai appris de mon père qui lui, l’a hérité de son père», confie Oumarou Bawa du haut de ses 71 ans. «J’ai appris ce métier depuis le bas âge. Aujourd’hui je ne connais aucun autre métier si ce n’est la fabrication du Kilichi. Je ne cultive même pas, ce qui est rare à Tessaoua une ville très agricole», renchérit Elhadji Namadi.
Et ce dernier ne blague pas avec la qualité de son Kilichi. «Pour avoir un produit, il faut de la bonne matière première. C’est pourquoi, j’achète des taureaux de 500.000 à 700.000 FCFA», dit avec fierté Elhadji Namadi. Le choix de la viande de bœuf se justifie selon Oumarou Bawa par le fait qu’elle contient moins de graisse. «C’est d’ailleurs pourquoi, nous utilisons pas la viande de mouton», précise-t-il en fin connaisseur.
Ainsi expliquent les deux compères, après l’abattage ils choisissent les bonnes parties essentiellement la chair sans graisse. C’est cette viande qui est entaillée en fines feuilles qu’il faut sécher au soleil pendant une semaine, puis assaisonner. Avec les différentes épices, on peut avoir trois voir plus de variétés de Kilichi. «On n’a pas besoin de passer la viande au feu. Elle a meilleur goût lorsqu’elle est séchée au soleil. C’est pourquoi, il faut prendre le temps qu’il faut pour bien la faire sécher», explique Oumarou Bawa.
Elhadji Namadi expédie généralement sa production vers la capitale Niger. «Nous avons des clients qui commandent en gros pour exporter vers d’autres pays comme le Sénégal, en Europe et même aux Etats Unis», nous a-t-il confié. Cependant, il se plaint de manque d’accompagnement notamment en termes de formation ou d’équipement. «Plusieurs fois des blancs étaient venus ici échanger avec nous sur nos besoins. Malheureusement lorsque du matériel a été envoyé ici, il s’est retrouvé entre les mains des personnes qui n’ont rien à voir avec la fabrication du Kilichi», déplore-t-il.
L’autre préoccupation de Elhadji Namadi, c’est la perpétuation de ce savoir-faire local. «Mes propres enfants ne veulent pas trop s’engager dans ce métier. Je les comprends, ils vont à l’école et je les encourage d’ailleurs à étudier. Je suis persuadé que si à l’avenir, ils veulent exercer ce métier, ils réussiront mieux avec les connaissances qu’ils auront acquises à l’école», explique-t-il.
Siradji Sanda, Envoyé spécial(onep)