Mme la présidente, l’ARCOP a organisé récemment une session de formation pour les gouverneurs et les secrétaires généraux sur la commande publique. Pourquoi cette formation maintenant ? Qu’est-ce que la commande publique et qui commande quoi à qui ?
Merci beaucoup. Avant de répondre à votre question, je vais expliquer un peu comment l’Autorité de la Commande Publique est organisée. D’abord, l’ARCOP est créée en Décembre 2022. Elle remplace l’ancienne ARMP, l’Agence de Régulation des Marchés Publics qui est devenue donc Autorité de Régulation de la Commande Publique. Cela pour se conformer aux directives de l’UEMOA parce que nous sommes dans un cadre harmonisé des finances publiques de l’UEMOA. Donc, l’ARCOP va en fait, répondre dans sa globalité à tout ce qui concerne les achats publics. Commande publique, achats publics, tout ce qui concerne des commandes de produits, les grands travaux, les constructions… En matière de commande publique, nous avons celui qui achète et celui qui vend. Tous sont des acteurs. Le secteur privé, c’est-à-dire les entrepreneurs, les commerçants, ce sont eux qui donnent des prestations à l’Etat. L’Etat qui commande à travers notamment les collectivités territoriales et tous les autres démembrements de l’Etat. Ce sont eux qui passent la commande.
A quel niveau intervient alors le rôle de l’ARCOP Mme la présidente ?
L’ARCOP s’intéresse à tous les acteurs. Et c’est l’ARCOP qui élabore les textes, tous les textes relatifs à la commande publique, tous les arrêtés, les seuils des marchés, comment il faut faire les DAO (Dossier d’Appel d’Offres), comment il faut faire les avis à manifestations d’intérêt…et les mettre à la disposition de tous les acteurs de la commande publique. Conformément à ces textes, il y a au niveau de chaque Ministère, avec la réforme, un directeur des marchés publics qui s’occupe de l’élaboration des dossiers pour le lancement des commandes.
Et si un marché ne respecte pas les textes élaborés par l’ARCOP, Mme la présidente?
En cas de non-respect des textes, il y a des sanctions. Je rappelle qu’au niveau de l’ARCOP, nous avons trois organes : la Direction générale qui élabore les textes et les met à la disposition du conseil qui va valider. Concernant l’application, nous avons un comité de règlement des différends qui est aussi un organe. Des fois, si les soumissionnaires ne sont pas contents de l’offre, ils font un recours au niveau de l’ARCOP. Mais avant de faire ce recours au niveau de l’ARCOP, ils font un recours au niveau de la personne responsable des marchés qui a fait la commande. Il écrit pour demander pourquoi son dossier a été rejeté. Il y a d’abord une première réponse que le soumissionnaire reçoit. S’il n’est pas satisfait de cette réponse, il va faire un recours au niveau du comité de règlement des différends qui va siéger pour voir d’abord la recevabilité, ensuite étudier dans le fond pourquoi, le Monsieur a fait un recours. Avant de statuer sur le fond, quand le dossier est recevable, automatiquement, on suspend la procédure de ce marché. Le marché est donc suspendu, quelle que soit sa nature. Il faut qu’on statue. Si le recours est fondé, on reprend la procédure. Si le recours n’est pas fondé, on libère la personne responsable pour continuer la procédure. C’est ainsi que les acteurs, les soumissionnaires déclarent leur non satisfaction, s’il y a un dysfonctionnement.
Justement Mme la présidente, avez-vous eu à gérer au niveau de l’ARCOP des cas de dysfonctionnement ?
Oui, plusieurs cas. Au niveau de l’ARCOP, deux fois par semaine, tous les mardis et tous les jeudis, nous avons des recours. Et il y a toujours des recours quand les gens ne sont pas satisfaits. Il y a aussi des dénonciations qui sont déposées à la Direction générale. Le Directeur général peut répondre ou bien, les gens font des recours. Nous avons même créé une ligne verte que les gens peuvent utiliser s’ils ne sont pas satisfaits. Comme vous voyez, l’ARCOP c’est un peu comme la justice. Mais les gens pensent que c’est elle qui donne les marchés, non, l’ARCOP c’est comme un juge. Quand les gens n’appliquent pas correctement les textes ou bien quand ils ne sont pas satisfaits par rapport à une offre, ils sont libres de faire des recours. C’est le Code des marchés qui le dit. Il décrit toute la procédure et le Code donne latitude à tous les soumissionnaires de déclarer s’ils ne sont pas satisfaits. L’ARCOP doit regarder en fonction de tout cela pour juger si le recours est fondé ou pas.
A la formation des gouverneurs et des secrétaires généraux, on a parlé d’une nouvelle réglementation en la matière. Pourquoi une nouvelle réglementation ? Est-ce que cela signifie que l’ancienne n’a pas du tout donné satisfaction ?
En fait ce n’est pas une nouvelle réglementation en tant que telle. Il y a une nouvelle organisation qui remplace l’ancienne structure, c’est presque le même travail. Seulement à la différence de l’autre, il y a deux organes et cette autorité a trois organes et que le Code qui réglemente le marché public a été revu. Il y a un nouveau code qu’il faut vulgariser parce qu’il y a eu des changements et des nouveaux textes ont été ajoutés à ce code. C’est pourquoi, il est tout à fait normal, dès qu’il y a un petit changement au niveau d’un texte, de le vulgariser pour que les gens puissent s’imprégner du contenu afin de pouvoir bien gérer les marchés publics dans le cadre de la bonne gouvernance.
Mme la présidente quels sont les autres problèmes liés à la commande publique au Niger ?
Il y a beaucoup de points qu’on peut énumérer à ce niveau. Mais pour l’instant, je vous ai parlé des missions de l’ARCOP qui sont de préparer les textes et surtout de former les acteurs de la commande publique qui sont notamment la société civile, le secteur privé sur comment gérer les marchés publics dans la bonne gouvernance. Si ces gens ne sont pas bien formés, on ne peut pas bien gérer la commande publique. Le marché public, c’est toute une procédure. Au tout début, il y a la passation des marchés. Normalement chaque année, au plus tard le 31 décembre, tous les ministères ont déjà la programmation de leurs marchés appelés PPM (Plan de passation des marchés). Et ce sont ces PPM qui sont diffusés en début de chaque année. Dès que la loi des finances est votée, ces plans de passation des marchés sont diffusés. Chaque mois, si vous prenez le journal à la dernière page, vous allez voir des additifs de plans de passation de marché, additif PPM… C’est au vu de cette programmation et en fonction aussi des libérations des crédits que le Ministère des Finances livre au niveau de chaque ministère qu’ils vont faire leur commande. Mais le problème, c’est que vous avez fait votre plan de passation, mais le premier trimestre, vous n’avez pas eu la libération des crédits, le deuxième trimestre aussi, vous n’avez pas eu la totalité. Donc cela veut dire qu’il y aura un problème dans le circuit de la passation des marchés jusqu’à l’attribution, jusqu’à l’exécution, jusqu’à la réception ou la livraison. C’est un circuit composé du plan de passation, de la procédure de passation, de l’attribution des marchés, du début des travaux, de la construction et de la livraison. Normalement, si c’est le cas de la construction, vous construisez et vous livrez. Mais si on ne vous paie pas, vous ne pouvez pas finir et livrer. Et le problème se trouve à ce niveau-là. Vous voyez maintenant avec le budget programme. Pour les investissements, si par exemple, on doit faire tel investissement sur trois ans et que cette année, on vous donne tel crédit, vous devrez tout faire pour consommer ce crédit sinon l’année prochaine ça va tomber à l’eau et il faut encore la deuxième tranche. La troisième année, la troisième tranche. Alors, vous n’avez pas fini la première année, vous partez en deuxième année, déjà l’autre tranche n’est pas achevée, vous partez en troisième année. Est-ce qu’on peut livrer ainsi une construction si c’est le cas.
Quel message avez-vous à adresser aux différents acteurs de la commande publique?
Je demande à toutes les personnes responsables des marchés publics de s’imprégner et de bien se former sur la procédure de passation et les différents textes. Il faut que les gens maitrisent le Code. Surtout que pour chaque code, quand on dit qu’il y a un texte de lois ou un décret, il y a toujours des textes d’application pour faciliter la tâche. S’il y a un problème, l’ARCOP est là. On peut toujours faire appel à elle. Il y a un service technique qui peut toujours aider les différents acteurs dans ce sens.
Par Fatouma Idé (ONEP)