Cela fait plusieurs jours, voire 2 à 3 semaines à certains endroits, que les habitants observent la montée inexorable des eaux du fleuve Niger. Pour la première fois selon certains témoignages, les eaux ont franchi la digue de protection par endroit pour inonder des zones jusque-là jamais inquiétées par ce genre de catastrophe. Les initiatives locales, couplées à la réaction rapide des services techniques de la région et de l’ONAHA, n’ont rien pu. Les eaux, après avoir englouti les rizières, se sont déversées dans les zones d’habitation, créant la désolation et l’amertume.
Au quartier Kirkissoye de la rive droite du fleuve, plusieurs centaines de personnes sont rassemblées sur le bord de la double-voie qui va du rond-point Gnalga au rond-point Saguia. C’est ici, au pied d’un barrage d’infortunes d’une cinquantaine de centimètres, que les agents de le Direction générale de la protection civile (DGPC) procèdent au recensement des sinistrés. Apres 8 heures de recensement, M. Ibrahim Garba, agent de la DGPC envoyé sur place pour récolter des données, nous dresse le bilan de plusieurs maisons effondrées et de lourdes pertes en matériels subies par les sinistrés.
« La situation est très grave ici avec des milliers de personnes en détresse. Heureusement que nous n’avons pas enregistré des pertes en vies humaines », nous confie cet agent de la DGPC. Il souligne que lui et son équipe sont seulement chargés de récolter les données. « Une fois de retour au bureau, nos supérieurs et les techniciens vont s’atteler à la tâche pour déterminer les types de réponses à apporter rapidement à moyen et long termes », a-t-il poursuivi.
A la rive gauche, c’est le canton de Saga qui est le plus durement éprouvé. Après trois semaines où les riverains observaient la digue disparaitre lentement dans la montée des eaux du fleuve, la situation est devenue critique les 24 et 25 août derniers avec des maisons qui continuaient à s’effondrer jusqu’à tard dans la nuit du mardi 25 août. Tout comme à Kirkissoye, les 5 quartiers de Saga enregistrent plus de 100 maisons effondrées, sans aucune perte en vies humaines.
Contrairement aux quartiers inondés de la rive droite du fleuve, à Saga, les 5 chefs de quartiers ont mis en place un cadre de concertation pour gérer au mieux la crise. « Nous travaillons de jour comme de nuit, jusqu’à 3h du matin, pour sensibiliser les habitants à quitter les maisons qui présentent un risque d’effondrement. La situation que nous vivons nous met certes à rude épreuve, mais elle est passagère », explique M. Djibrilla Alfari, chef de quartier de Saga Goungou, qui continuait à pointer son index vers la maison effondrée du chef de quartier de Saga Fondo Bon .
Djibrilla Alfari, debout sur la digue, relate le passage dans le quartier du président de la Délégation spéciale de la ville de Niamey qui est venu dans la journée du mardi 25 août pour constater les dégâts et demander aux sinistrés de se reloger dans les écoles identifiées en attendant l’acheminement de l’aide que les autorités ont promise. Sa visite est suivie, le lendemain, de celle d’une équipe de la Croix Rouge qui est aussi venue demander de commencer le recensement des sinistrés et de leurs pertes pour pouvoir leur venir en aide.
« Pour l’instant, nous ne rencontrons pas de problèmes dans le recensement car nous le faisons nous-mêmes (ndlr : les chefs de quartiers) et nous connaissons parfaitement les sinistrés de nos quartiers. Nous avons refusé d’enregistrer plusieurs personnes non-sinistrées qui ont voulu s’inscrire sur les listes », confie le chef de quartier de Saga Goungou. Il se félicite de l’esprit de volontariat de la population qui se mobilise chaque nuit jusqu’à 3h du matin pour surveiller la montée des eaux et colmater les brèches avec des sacs remplis de sable et demande au Gouvernement, après le retrait des eaux, de renforcer la digue de protection.
Des rues et ruelles transformées en piscines
Les quartiers de la rive droite du fleuve sont les plus affectées par la montée des eaux. En descendant du pont Kennedy, impossible de se rendre aux usines de la RINI qui transforme le riz local, du moins en voiture. Seuls les pirogues et autres radeaux de fortune assurent le va-et-vient entre les camions de déménagement et les nombreux services inondés. Comme pour se moquer de la SIM qui a déployé de gros moyens pour renforcer ce côté-ci de la digue de protection, les eaux ont « rendu visite » à l’Autorité du Bassin du Niger, organisation intergouvernementale qui vise à favoriser la coopération dans la gestion et le développement des ressources du bassin du fleuve Niger.
Plus loin, en profondeur dans les terres, les habitants ont mis des piquets pour retrouver les passerelles qui permettaient de traverser les grands caniveaux, aujourd’hui complètement submergés par les eaux. A certains endroits, l’eau atteint le niveau des genoux sur ces passerelles devenus invisibles et sur lesquelles des enfants jouent aux guides. La grande voie qui part de la gare routière de Torodi au CSP Masnet est transformée en piscine par les enfants du quartier qui s’y baignent, en dépit des risques liés à la santé. C’est ici qu’une maison située à 200 mètres du nouveau rivage imposé par les eaux, s’est effondrée à quelques mètres seulement de notre photographe du jour.
Malgré l’importance du sinistre, les habitants se sentent en sécurité grâce au déploiement massif des gendarmes et des sapeurs-pompiers qui se sont déployés dans les quartiers inondés pour assurer la sécurité des personnes et de leurs biens. Les vedettes rapides de la gendarmerie sillonnent aussi le fleuve à longueur de journée. Cette sortie de la gendarmerie fluviale, bien que dédiée en priorité aux interventions de secours, égaye la curiosité des enfants du bord du fleuve et rassure davantage les adultes. A leur vue, on en vient presque à oublier les quelques constructions à étages englouties par les eaux en furie.
Par Souleymane Yahaya(onep)