Le secteur minier au Niger est particulièrement important en raison de ses vastes réserves de minéraux, notamment l’Uranium, qui est une source majeure de revenus pour le pays. Cependant, ce secteur fait face à des défis significatifs tels que la gestion durable des ressources et l’amélioration des conditions de travail des miniers. Dans cet entretien, Monsieur Mounkaila Abassa, récemment réélu Secrétaire Général du Syndicat National des travailleurs des mines du Niger (Syntramin) lors du 10ème congrès statutaire, évoque leurs actions pour la souveraineté économique du pays, les défis actuels et les perspectives du secteur minier ainsi que les efforts du syndicat dans le cadre de la refondation. Il revient également sur les sujets abordés lors du congrès ainsi que les initiatives visant à améliorer les conditions de travail et à renforcer la solidarité régionale entre les travailleurs des mines de l’espace AES.
Monsieur le Secrétaire Général, quel rôle joue le Syntramin dans le secteur minier au Niger ?
Le Syntramin, en tant que syndicat, joue un rôle très important dans le développement du secteur minier. En tant que salariés dans les entreprises, nous avons besoin que ces entreprises aient une santé financière. C’est ce qui nous garantit non seulement l’emploi, mais aussi et surtout plus d’avantages sociaux. C’est pourquoi nous sommes obligés de contribuer efficacement pour que ces entreprises-là prospèrent et à tout point de vue. Nous avons des programmes pour aider les entreprises et les autorités, parce que nous qui sommes dans le secteur minier, nous avons certaines perceptions qu’un œil extérieur n’a pas. Donc nous sommes très importants dans l’entreprise surtout qu’aujourd’hui le syndicalisme n’est plus comme celui d’avant où il n’y a que des revendications, aujourd’hui c’est un syndicalisme de développement.
Comment le Syntramin collabore-t-il avec les autorités nationales pour une gestion durable et bénéfique des ressources minières au Niger ?
Le Syntramin élabore des mémorandums, des documents; il fait des propositions, réagit quand il le faut, il apprécie et approche les autorités. Nous avons tout un tas d’actions qui font que nous avons la possibilité d’être écoutés par les autorités et aussi nous avons des actions syndicales telles qu’entreprendre des mouvements pour que nos voix portent. Nous sommes assez nombreux pour nous faire entendre. Nos approches consistent à faire des propositions, des analyses et approcher toutes les autorités. C’est cela qui fait que nous arrivions à contribuer efficacement au développement de ce secteur.
Quelles sont les actions envisagées par le Syntramin pour contribuer davantage à la souveraineté économique du Niger ?
Nous avons fait un tour d’horizon dans nos entreprises pour savoir comment elles sont gérées. Nous avons été dans tous les aspects de l’exploitation, à commencer par la mine. Nous savons que dans une mine, soit il faut des galeries donc une mine souterraine ou bien des carrières, des mines à ciel ouvert. Nous avons besoin de matériels qui sont des engins coûtant très cher ; nous avons le carburant qui va avec les engins, la maintenance, nous avons aussi l’aspect environnemental qu’il faut prendre en charge et le capital humain. Au niveau de l’exploitation, nous avons l’usine. L’extraction de l’uranium est un travail gigantesque. En termes d’exemple à la Somair, nous avons 43000 articles (substances). Cela donne une idée de ce que l’on a comme consommables et autres. Nous avons fait l’analyse de tout cela pour savoir qu’est-ce qui consomme beaucoup et comment faire pour gérer et maîtriser ces consommations-là. Cela nous a amenés à faire le ratio entre ce qu’on doit utiliser à sa juste quantité et comment l’utiliser. Nous avons fait des analyses aussi pour voir là où on peut faire des bénéfices, parce qu’une entreprise qui ne fait pas de bénéfice, qui ne maîtrise pas sa consommation, qui ne maîtrise pas ses ressources, est appelée à mourir. Ces actions d’analyses nous ont permis de déceler branche par branche, secteur par secteur, activité par activité, les sources de dépenses et quels sont les moyens qu’il faut mettre en place pour maîtriser au mieux ces dépenses ?
C’est dans cette analyse qu’on a pu remarquer que les grosses commandes et grosses sources de dépenses vont à la France et autres, au détriment des institutions du Niger et des opérateurs économiques nigériens. Dans la même foulée, nous avons pu déceler qu’en matière de transit, en grande majorité, les contrats sont octroyés à Bolloré qui est une entreprise française. Alors que dans la pratique, Bolloré fait appel à la Nigérienne des transits pour faire les activités. Ce qui fait que c’est la NITRA qui est sous-traitante au niveau de Bolloré et c’est Bolloré qui engrange les bénéfices. Quand on prend le cas de la sécurité, elle est assurée par l’armée française qui en est garante alors que nous avons les Forces Armées Nigériennes (FAN). Mais, quand on part sur le site, le travail est fait réellement par les nationaux mais les bénéfices sont engrangés par les occidentaux, notamment la France. Il faut que ça change. Sur cette base, nous avons fait des propositions à l’Etat. Nous avons soumis ces analyses à l’Etat pour lui montrer ce que nous sommes en train de perdre. Les autorités ont pris conscience et ont fait leur propre analyse et ont décidé que maintenant, il faut le contenu local. Le secteur des mines est très stratégique, surtout quand on a l’uranium et l’or. Cependant, il y a d’autres choses que nous savons qui sont en étude, lorsque cela va sortir les gens seront surpris. Nous avons des minéraux qui sont beaucoup plus prisés que l’or et l’uranium. On les connaît, nous savons qu’ils existent. Mais, il faut des analyses à grande échelle pour savoir s’ils sont économiquement rentables.
Quels sont les défis majeurs rencontrés par le secteur minier dans le contexte actuel et comment votre syndicat les aborde-t-il ?
Le premier défi qui nous concerne en tant que syndicat, c’est comment faire en sorte que les entreprises puissent continuer à fonctionner après le départ de ceux avec qui nous travaillions. Quel qu’en soit ce qu’on aura fait, si on ne met pas assez de ressources ou prend des mesures pour que ces entreprises-là continuent, on aura fait ce qu’il ne fallait pas faire. Un des grands défis, c’est de pouvoir continuer à la Somair sans la France. Il faudra que le Niger arrive à mettre en place des instruments qui puissent garantir la continuité de l’activité. Il faut arriver à acheminer toutes les marchandises sur le site. Ce sont là des défis logistiques très importants. Il faudra garder de la rigueur parce qu’il le faut dans une entreprise stratégique. Ce qui signifie qu’il faut mettre les Nigériens au travail et s’il faut utiliser le bâton, il faudra le faire. Il faut que ça marche. Nous ne devons pas reculer.
Il faudra garantir les moyens pour assurer les commandes parce, pour avoir certaines marchandises qu’on utilise, il faut passer la commande 6 mois avant. Lorsqu’on ne les a pas à temps, le travail s’arrête jusqu’à ce que les produits soient disponibles à nouveau. Pour contrôler tous ces achats, il faut mettre en place une institution qui va accompagner les opérateurs économiques parce qu’au Niger nous avons heureusement des opérateurs économiques qui peuvent garantir certains produits. Mais, pour cela, il faut les cadrer et les aider.
Tous ces instruments doivent être mis en place très tôt car, si Orano arrête sa participation au 31 décembre, qu’est-ce que le Niger a automatiquement pour remplacer ? Si on arrête le travail, ils auront raison sur nous, il ne faut pas que cela arrive. Et tout cela tourne autour des moyens financiers. Il faut qu’on soit conscient des enjeux et prendre des décisions sur des bases solides. Nous avons le potentiel, nous avons les matériaux. Ce qui reste, ce sont les moyens financiers. En 2013, les Nigériens ont produit ; en 2020, pendant le COVID les Nigériens ont produit et cette année, depuis les événements du 26 juillet 2023, ce sont les Nigériens qui produisent. Donc on a le potentiel humain. Ce qui reste ce sont les moyens et les instruments.
Vous avez tenu récemment le 10ème congrès statutaire du syndicat, quels ont été les principaux sujets abordés?
Ce congrès nous a amenés à faire la différence entre ce qui convient aujourd’hui avec notre ère de refondation. La première des choses, c’est la contribution des mines au plan national et comment faire en sorte que les entreprises minières prospèrent. Pour nous, il faudra d’abord améliorer l’existant pour entreprendre de nouvelles sociétés minières. Du coup, nous avons mis l’accent sur la prospérité de ces entreprises minières, la promotion et l’exploitation des nouveaux minéraux et l’amélioration des conditions de vie et de travail des travailleurs des mines. Mieux, nous avons pensé aux retraités et avons préconisé une meilleure prise en charge des anciens miniers retraités; une prise en charge à vie. Pour le moment, ce sont les jalons que nous avons jetés, nous avons posé quelques actions mais le travail reste à faire et enfin nous avons jeté les jalons de la confédération.
Ce congrès a donné lieu à la création de la confédération des Syndicats des mines de l’AES, qu’est-ce qu’on peut attendre de cette structure ?
Aujourd’hui nous sommes dans une nouvelle configuration, où nous sommes décidés et déterminés à avoir les bénéfices de nos richesses. Il y a 50 à 60 ans, ce sont les occidentaux et notamment la France qui exploitent nos minéraux et qui connaissent plus que nous sa valeur. Pour exemple, à la Somair, l’année passée, le Niger a vendu le kilo de l’uranium brut à 75000 FCFA et, parallèlement, pour le besoin d’analyse au laboratoire, la Somair utilise une substance uranifère que la France nous revend. Et les 25 grammes tournent autour de 400.000 F CFA. Remarquez bien : nous vendons à 75000 F le kg d’uranium et nous rachetons à la même France 25 grammes d’une substance pour nos besoins d’analyse à 400.000F ! Ce qui nous amène à dire qu’ils connaissent plus que nous la valeur de nos richesses.
Aujourd’hui, nous voulons reprendre nos richesses et on doit s’organiser. Car, seul on est fragile, mais ensemble on est fort, d’où l’idée pour le Sytramin de s’allier avec ses pairs burkinabè et maliens dans le cadre de l’Alliance des Etats du Sahel pour mettre en place des actions communes de lutte et de développement en matière de mines. A Arlit où on exploite l’uranium depuis 53 ans, on n’a même pas de l’eau potable dans la ville, on n’a pas une couverture suffisante en matière de fourniture d’électricité. Le travail reste à faire. Et, pour nous, c’est l’occasion pour que toutes les autres structures se mettent ensemble pour travailler. Ce n’est pas encore la confédération, mais nous avons mis en place une commission qui va aboutir à la confédération. Les pairs ont bien voulu donner la présidence au Niger qui est initiateur de l’idée et nous espérons être en mesure de la mettre en place dans les trois mois qui suivent.
Réalisée par Aminatou Seydou Harouna (ONEP)