Gaya fait partie des villes du Niger traversées par le fleuve Niger qui est le plus grand cours d’eau du pays. Cette ressource naturelle en eau constitue un atout majeur pour les populations riveraines qui s’adonnent aux activités de pêche, un secteur qui génère des revenus aux populations et leur permet de subvenir à leurs besoins familiaux. Autour de la pêche, se développe toute une chaine de valeur d’activités qui va de la capture des poissons par les pêcheurs, à la vente de ceux-ci à l’état frais aux mareyeuses qui, elles aussi les revendent après sous forme frits ou fumés. Cependant, la période pendant laquelle nous avions été Gaya était au ralenti car la moisson des pêcheurs est quasi-médiocre au bord du fleuve. Les poissons pêchés sont pour l’essentiel des alevins dont la capture, selon la règlementation, est proscrite pour sécuriser les espèces poissonnières et assurer leur sauvegarde.
Au bord du fleuve Niger à Gaya, il est 9 heures du matin ce mercredi 8 septembre 2021. Le chef du village de Gada revient de la pêche à bord de sa frêle pirogue. Au lieu de stationnement des pirogues de fortune, M. Mahamadou Mamoudou s’arrête comme d’habitude. Il se lève doucement pour sortir de la pirogue. Ce pêcheur est visiblement extenué. Il venait de passer plus de quatre (4) heures de temps sur le fleuve à la recherche de poisson. Certains de ses collègues ne sont pas encore de retour. Au finish, on compte au bout des doigts les petits poissons qui tressaillent dans la nasse de ce pêcheur. C’est peut-être ce qui explique qu’il navigue nonchalamment avant d’arriver à l’arrêt des pirogues. La moisson est mauvaise ces temps ci pour cet habitant insulaire. La rareté des captures de gros poissons s’explique par le fait que pendant la période des pluies, le mouvement des eaux issues des affluents du fleuve et bassins versants perturbe les poissons. Ces derniers cherchent les endroits où l’écoulement des eaux est moins intense et généralement en profondeur pour se refugier. Il va falloir attendre la période de chaleur pour voir les pêcheurs se frotter les mains avec des prises importantes. Cependant, le chef du village de Gada pense qu’en dehors du fait que la période n’est pas favorable, le secteur de la pêche connait d’autres problèmes dont le plus inquiétant constitue l’ensablement progressif du fleuve Niger. ‘’La pêche est ma principale activité depuis l’enfance. Nos parents ne pratiquent que la pêche. A l’époque, c’était la période d’abondance où, nous ne vivions que de cette activité. Maintenant, avec les effets du changement climatique, le fleuve Niger s’est rétrécit et sa profondeur connait une réduction sans précédent. On est contraint de faire d’autres activités pour joindre les deux bouts. Cet état de fait a sérieusement impacté les ressources halieutiques’’, explique le chef du village de Gada avec un air moins loquace.
Une période pas du tout
propice à la pêche
M. Farouk elhadj Babouga est un jeune pêcheur du village de Kombo, situé à un jet de pierre du pont qui sépare la ville de Gaya et Malanville au Bénin. La journée de ce pêcheur débute avec la mise en ordre de son matériel de travail. Il démêle minutieusement les filets et les hameçons. A 20 ans, Farouk totalise cinq (5) ans d’expériences. Les prises de poissons sont moins importantes ces derniers temps. Néanmoins, le jeune pêcheur se prépare pour aller à son activité. Cette dernière est devenue la routine ou le quotidien de Farouk. Assise sous un manguier, une femme mareyeuse respire de l’air frais et puraprès une forte précipitation tombée la veille à Gaya. Lorsqu’on s’approche de la femme qui attend impatiemment le retour des pêcheurs, celle-ci change la mine à la seconde près. Dans sa grande bassine de collecte de poissons, on peut en apercevoir une petite quantité dont la majorité est composée d’alevins. A la question de savoir si c’est seulement ces quelquespoissons qu’elle a achetés, la mareyeuse qui a requis l’anonymat répond de façon furtive et sur un ton nerveux. ‘’ Il n’y a pas de grandes prises maintenant toi aussi. Il faut une chance inouïe pour les pêcheurs d’avoir les gros poissons’’, a-t-elle lancé pour se débarrasser de nous. L’attente des pêcheursest visiblement épuisante pour cette mareyeuse qui a les yeux rivés sur le fleuve tout en espérant apercevoir une ou des pirogues regagnant la berge. ‘’ Vous voulez nous montrer à la télévision, n’est-ce pas ? Si tel est le cas vous devriez nous informer d’avance pour qu’on puisse se préparer à cet exercice’’ ? S’interroge une autre femme mareyeuse. Non ! Répondais-je, ce n’est pas la télévision, mais plutôt le journal papier, autrement dit la presse écrite ou encore ‘’ Sahel Dimanche’’.
Sous un autre manguier, Biba Oumarou attend également le retour des pêcheursauprès desquels elle s’approvisionne chaque jour. Agéede 35 ans, elle affirme avoir eu sept (7) maternités.Depuis 8 heures du matin, Biba est au bord du fleuve pour acheter du poisson frais. Sa camarade Nouratou avec laquelle elles font le trajet distant de moins de 3 km est restée aujourd’hui à la maison pour une cérémonie de baptême chez- elle. Pendant sept (7) ans, Biba n’a d’autres activités génératrices de revenus que la vente de poisson frit ; fumé ou bien à l’état frais. Au fond de sa bassine, une petite quantité de poissons qui lui a coûté 7500 F. Soudain, notre conversationallait s’interrompre avec le retour de la pêche de M. Dan-Zouma, un des pêcheurs fournisseurs de Biba Oumarou. Mais, la moisson n’est pas du tout bonne ;elle est même maigre. Dan-Zouma se console avec une monnaie de singe.1200 F, c’est la modique somme qu’il engrange pour quatre heures de temps depêche. Au payement, Dan-Zouma empoche 1000 F, plus une bouteille de jus naturel à 200 F pour qu’il puisse étancher sa soif.
La pêche obéit à des rituels
pour les initiés
Comme plusieurs autres activités, la pêche obéit à un certain nombre de rites qu’il faut observer. Ce n’est pas le président de l’Union des pêcheurs de Gaya qui dira le contraire. Mieux, M. Mahamadou Abdoulaye qui a hérité de cette activité explique que les rites vont des incantations à l’application des produits en passant par la préparation d’un cocktail de produits sous forme de repas pour manger. ‘’ Bref, ce que je viens de te dire n’est que le côté visible de l’iceberg concernant le rituel qui entoure notre activité qu’est la pêche’’, a lâché le septuagénaire Mahamadou Abdoulaye.
A propos de l’activité proprement dite, le président de l’Union des pêcheurs de Gaya M. Mahamadou Abdoulaye peint un tableau peu reluisant du secteur à l’heure actuelle.Certains acteurs utilisent maintenant des moyens et stratégies qui empêchent à la grande partie des pêcheurs de bien jouir de cette activité.Il y a des acteurs parmi les pêcheurs qui se rétractent aux abords du fleuve pour tendre leurs filets avec des appâts de pêche(substance utilisée pour attirer et attraper suffisamment de poissons) qui ne laissent aucune chance à ceux qui pêchent au bon lieu du fleuve.Cette concurrence est jugée déloyale par le président de l’Union qui y voit une fois de plusune manière d’empêcher le grand nombre d’acteurs de tirer leur épingle de cette activité économique. Sans compter que les acteurs qui se livrent à ce genre de pratique compromettent l’avenir de la pêche avec la capture systématique des gros poissons et les alevins. Un autre problème qui paralyse le secteur de la pêche est inéluctablement l’ensablement du fleuve et les digues illégales construites par certains acteurs pour empêcher aux poissons de voyager ou migrer le long du fleuve. Les espècespêchées sont entre autres : les carpes ; les capitaines ; les silures etc. ‘’ Aujourd’hui, il n’y a pas de gros poissons dans le fleuve ; ils se sont retranchés dans les affluents.Les gros poissons sont pêchés dans la zone d’Ayerou et au Mali’’, a précisé le président de l’Union des pêcheurs de Gaya.
Par Hassane Daouda, Envoyé Spécial(onep)