Les nigériens se souviennent encore de l’ordonnance signée le 14 octobre 2024 par le Président du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP), le Général de Brigade Abdourahamane Tiani, qui fixe les prix de la tonne du ciment gris CEM II 32.5 applicable dans les huit régions du pays. Ces prix sont de 55 000 FCFA à Niamey, 56 000 F à Dosso, 51 000 F à Tahoua, 57 000 F à Maradi, 58 000 F à Zinder et 59 000 à Diffa, Agadez et Tillabéri. Suite aux inspections, l’on observe le non-respect de ces dispositions par certaines structures de vente de ciment au prix fixé par le gouvernement. Cela a poussé le Ministère du Commerce et de l’Industrie à appliquer la loi en vigueur. La suite, c’est la fermeture et la suspension pour une durée de 15 jours des activités commerciales d’une dizaine d’établissements et une amande d’un million de FCFA.
L’on peut lire sur le communiqué qu’au vu des violations de l’arrêté n°105/MC/I/ME/F en date du 16 octobre 2024 par certains établissements, le Ministère du Commerce et de l’Industrie a procédé à la fermeture et la suspension pour une durée de 15 jours de leurs activités commerciales. Cela est pris conformément aux dispositions des articles 3 aliéna 5 et 16 de la loi n°2019-50 du 30 octobre 2019, déterminant les infractions et les sanctions en matière de protection des consommateurs au Niger.
Ce travail a été rendu possible grâce aux agents du Ministère en charge du Commerce qui se sont déployés partout sur le territoire national. Toutefois, c’est la région de Niamey qui est visée mais d’après des sources au Ministère, certains établissements de l’intérieur peuvent être également la cible dans les prochains jours.
Dans ses explications, l’Inspecteur des prix et de la concurrence, Chef de la division du contrôle des activités économiques, de la lutte contre la vie chère et de la répression des fraudes au Ministère en charge du Commerce a souligné que le gouvernement n’entend pas reculer à propos de cette mesure, surtout qu’elle ne concerne que le ciment gris CEM II 32.5, une variété accessible aux revenus moyens. « Le gouvernement a pris cette mesure pour atténuer l’incidence des conséquences des inondations sur les infrastructures et les habitations. Pour nous, cette catégorie de ciment ne doit pas faire l’objet de spéculations comme nous l’avons observé », a expliqué M. Alhassane Issoufou Chaibou.
Selon ce responsable, un comportement incivique est détecté sur le terrain, il y a un peu plus d’une semaine. « C’est pourquoi, nous avons constitué des équipes de contrôle qui veillent, nuit et jour, sur toutes les portes d’entrée de Niamey pour surveiller le respect de cette mesure. Nous escortons les camions depuis leur entrée jusqu’au niveau des dépôts. Nous consignons le ciment et nous assistons les agents au respect du prix règlementaire. C’est ainsi qu’une dizaine de sociétés ou établissements sont fermés hermétiquement pour une durée de 15 jours avec une amende d’un million chacun », a-t-il précisé.
L’Inspecteur des prix et de la concurrence enfonce le clou en disant que son service ne faillira pas à sa mission de faire respecter cette décision. En plus, cette réduction fait partie du sacrifice fait par l’Etat du Niger qui a renoncé à certains avantages pour aider les couches vulnérables. « Nous sommes en train d’apporter des réponses à beaucoup de préoccupations. Nous avons constaté qu’en faisant confiance à ces opérateurs, certains ne vont pas respecter la règle. Nous restons constamment dans la surveillance des marchés. Certes le défi est grand, mais nous pensons pouvoir apporter des réponses aux préoccupations des consommateurs car, c’est un travail de longue haleine », a-t-il assuré.
Selon le Chef de la division du contrôle des activités économiques, de la lutte contre la vie chère et de la répression des fraudes, les fautifs assuméront les conséquences de ces sanctions. « Nous n’allons pas croiser les bras et les observer. Les brigades de contrôle continueront leur travail. J’espère que les contrevenants ont compris le message », a-t-il martelé.
Une mesure approuvée par certains commerçants
Elhaji Abass Abdoulaye, un vendeur de ciment au quartier Koubia, voit cette mesure d’un bon œil. D’ailleurs, il soutient le gouvernement dans son application. Pour lui, chacun doit faire des sacrifices pour la réussite de ce processus de refondation. Toutefois, il déplore le fait que beaucoup des revendeurs n’ont pas un accès facile aux usines de fabrication du ciment. « J’ai maintes fois essayé en vain d’acheter le ciment à Mango ou Malbaza. Or, tant que nous n’aurons pas cet accès à ce produit, il serait difficile de nous approvisionner et le vendre au prix voulu par l’Etat. Les importateurs nous proposent un prix qui ne nous arrange pas », a-t-il expliqué.
Actuellement, le stock du ciment gris CEM II 32.5 de ce vendeur est fini. Toutefois, il continue de vendre les autres variétés. « Nous sollicitons le soutien de l’Etat pour qu’il nous facilite cet accès aux usines pour accroitre la disponibilité du ciment», dit-il.
Les organisations de défense des droits des consommateurs préconisent un dialogue inclusif
Le Réseau des Associations des Consommateurs du Niger (RASCONI), par la voix de son vice-président, M. Maman Nouri, également président de l’ADDC WADATA, salue cette décision ‘‘courageuse’’ du gouvernement qui consiste à réduire le prix du ciment de près d’un tiers. « Nous avons remarqué au début de la prise de cette décision un certain engouement, puis c’est le ralentissement, voire l’arrêt de l’approvisionnement. Il suffit de faire un tour à Niamey : vous verrez une certaine rareté des points de vente du ciment gris CEM II 32.5. Nous constatons également une certaine prédominance du 42 vendu à 80.000FCFA, par rapport au 32.5. Il semble même que les usines ont réduit la production de cette dernière variété. En plus, ce sont les importateurs qui vendent en détail », a dit le président de l’ADDC Wadata. « Les revendeurs ne s’en sortent pas s’ils revendent au prix fixé. Outre le prix d’achat, il y a les frais de manutention. Tout cela a eu un impact sur leurs activités », a-t-il précisé.
Selon le vice-président de RASCONI, cette décision hautement sociale n’a pas produit l’effet escompté du fait de l’incompréhension qui règne. « Nous exhortons le Ministère en charge du Commerce à créer les conditions d’un dialogue inclusif qui regroupe tous les acteurs de la chaine pour trouver une solution durable fixant un prix accepté par tous. Ces échanges vont décrisper la situation et facilitera la disponibilité du ciment », a-t-il conseillé.
Par ailleurs, le vice-président de RASCONI a rappelé que cette mesure sociale était unanimement saluée par tous, y compris les détaillants. « Nous sommes convaincus que c’est la peur de rouler à perte qui retient les détaillants à s’approvisionner. Beaucoup arrivent avec peine à recouvrer le prix d’achat. Certains disent qu’ils roulent même à perte. Par exemple, pour décharger un camion de 40 tonnes, il te faut dépenser 40 000 FCFA. Or, ce que tu gagnes par tonne ne dépasse guère 1000 FCFA », conclut le président de l’ADDC Wadata.
En somme, il est nécessaire d’apporter des éclairages sur cette mesure afin de dissiper certaines zones d’ombre. Une fois comprise, elle sera appliquée au grand bonheur de la population car, ce ralentissement d’approvisionnement du ciment aura des impacts sur certains projets de constructions.
Abdoulaye Mamane (ONEP)