Le 26 novembre dernier, le Niger a présenté devant le Comité de lutte contre la Torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, son rapport initial sur la mise en œuvre des dispositions de ladite convention. A cette occasion, le Secrétaire Général du Gouvernement, M. Abdou Dan Galadima, qui a conduit la délégation du Niger à Genève, a dans sa déclaration liminaire, tenu à rappeler que le retard accusé par le Niger dans la soumission de ce rapport n’est nullement synonyme de désintérêt à l’égard de la Convention. Il est essentiellement dû, a-t-il ajouté, à certains obstacles, notamment, l’absence jusqu’en 2010 d’un mécanisme national opérationnel de rédaction des rapports aux organes des traités. «Ces obstacles ont aujourd’hui été surmontés et nous sommes fiers d’affirmer solennellement devant vous, que le Niger a soumis tous ses rapports initiaux et périodiques aux organes des traités » a souligné M. Abdou Dan Galadima.
Au Niger, la prohibition de la torture demeure une norme de jus cogens inscrite dans la constitution. En effet, malgré l’absence d’une loi spécifique sur la torture, a dit le Secrétaire Général du Gouvernement, l’arsenal juridique du Niger demeure étoffé pour réprimer tout acte de torture ou assimilé à la torture. Il a cité de nombreux instruments juridiques pris par le pays. Selon M. Abdou Dan Galadima, cette interdiction ferme de la torture a été réaffirmée par le Président de la République dans son adresse aux Forces de Défense et de Sécurité le 9 novembre 2019 à Diffa, ville meurtrie par les attaques du groupe terroriste Boko Haram, où il les exhortait à combattre l’ennemi tout en protégeant les populations civiles, dans le respect des droits de l’Homme et du droit international humanitaire. Depuis son adhésion à la convention, le Niger ne ménage aucun effort pour promouvoir et protéger les droits humains en général et en particulier le droit de ne pas subir la torture ou les traitements cruels, inhumains ou dégradants.
La consécration de cette volonté politique du Niger de respecter, protéger et promouvoir la personne humaine est d’abord traduite par l’article 14 de la Constitution qui dispose que «Nul ne sera soumis à la torture, à l’esclavage ni à des sévices ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Tout individu, tout agent de l’Etat, qui se rendrait coupable d’actes de torture, de sévices ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, soit de sa propre initiative, soit sur instructions, sera puni conformément à la loi ». Le chef de la délégation du Niger a ajouté que l’intérêt et la considération accordés au respect de l’intégrité corporelle et à la dignité de l’être humain, sont en outre confirmés par divers textes de lois et règlements de la République. «L’adhésion et/ou la ratification par le Niger de nombreux instruments juridiques internationaux et régionaux de protection et de promotion des droits de l’homme, témoignent de cette ferme volonté de notre pays à
respecter les droits humains et partant, ses engagements internationaux» a dit M. Abdou Dan Galadima.
Relativement à la peine de mort, le Secrétaire général du gouvernement a indiqué que le Niger reste déterminé à l’abolir malgré quelques oppositions internes. «C’est dans ce cadre qu’une journée parlementaire a été organisée le 13 décembre 2018 à l’hémicycle de l’Assemblée, qui a donné lieu à un débat ouvert sur l’opportunité de cette abolition. En attendant d’y parvenir, le Niger a voté en décembre 2018 en faveur de la résolution sur le moratoire sur l’application de la peine de mort qui, du reste, n’a plus été appliquée depuis le 21 avril 1976 date à laquelle 7 personnes condamnées à mort pour atteinte à la sureté de l’Etat, ont été passées par les armes. Le processus de cette abolition est donc engagé irréversiblement et les consultations se poursuivent » a ajouté le chef de la délégation du Niger.
- Abdou Dan Galadima a souligné que la torture sous toutes ses formes est interdite au Niger. L’absence, dans la législation du Niger d’une définition spécifique de la torture conforme à la convention, n’empêche non plus la poursuite des auteurs d’actes de torture. Ainsi tout cas de torture porté à la connaissance des juridictions fait l’objet de poursuite sous d’autres qualifications, notamment celles relatives à l’atteinte à l’intégrité physique et mentale. « D’ailleurs, le processus de révision du Code pénal est en cours en vue d’intégrer des dispositions spécifiques à la torture en totale conformité avec les dispositions de la Convention » a dit M. Abdou Dan Galadima. Pour pallier la méconnaissance des instruments internationaux interdisant la torture et renforcer les capacités des agents chargés de l’application de la loi, le Secrétaire général du gouvernement a indiqué que plusieurs sessions de formation ont été organisées à leur intention.
Ces formations ont eu pour effet, la réduction des cas de torture dans les lieux de détention et de garde à vue. Les visites des associations de droits de l’Homme dans les lieux de détention, la présence des Volontaires des Nations Unies au niveau des établissements pénitentiaires, des Tribunaux de Grande Instance, de même que la formation en droits humains assurée aux agents de la police, de la gendarmerie et de la garde nationale (assurant la garde des détenus), participent efficacement à la lutte contre la torture et les mauvais traitements. M. Abdou Dan Galadima a rappelé que pour prévenir les cas de mauvais traitements, la loi prévoit que les Officiers de Police Judiciaire ont l’obligation d’accompagner la personne qu’ils défèrent au parquet, d’un certificat médical attestant qu’elle n’a pas subi de sévices à l’occasion de sa garde à vue. L’absence de ce certificat est une cause de nullité de toute la procédure et la présence d’un avocat est autorisée désormais dès l’interpellation plutôt qu’à partir de la vingt-quatrième heure comme par le passé. Plusieurs cas d’actes de torture perpétrés par des agents de la force publique (police nationale, forces armées nigériennes, garde nationale, garde présidentielle, gendarmerie…) ont fait l’objet de poursuites judiciaires avec arrestation des auteurs, coauteurs et complices de 2017 à 2019.
En vue de se conformer aux dispositions du protocole à la convention contre la torture et de prévenir efficacement la torture, le Niger a engagé une modification de la loi n°2012-44 relative à la CNDH en vue de lui conférer désormais les attributions du Mécanisme National de Prévention de la torture. Ce projet de loi vient d’être validé par le Comité Technique de vérification de texte avant son prochain passage au Conseil des Ministres.
Selon M. Abdou Dan Galadima, l’amélioration des conditions de vie carcérale reste et demeure une priorité pour le Gouvernement car le droit à la dignité des détenus doit être absolument préservé. « C’est pourquoi les efforts du gouvernement entre 2016 et 2019 se sont traduits par la construction de 5 nouveaux établissements pénitentiaires, la réhabilitation de 19 autres, la construction de 28 quartiers des mineurs et des infirmeries, en vue de conformer le pays aux normes internationales. Les efforts consentis ont également permis d’humaniser davantage les conditions de détention avec une augmentation substantielle des crédits alloués à l’alimentation, au couchage et aux frais de santé des détenus», a-t-il ajouté.
Malgré ces avancées, le Secrétaire Général du Gouvernement, a indiqué qu’il y a lieu de relever l’existence des nombreux défis susceptibles de réduire l’efficacité de la mise en œuvre de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. «En effet, depuis 2015, mon pays est confronté à un défi sécuritaire, né de sa proximité avec le Mali, la Libye, le Burkina Faso, le Nigéria, qui constituent des foyers de tension. Cette situation en plus des risques permanents d’instabilité et de menaces graves à la paix, à l’intégrité physique des populations, a provoqué un afflux, de plusieurs centaines de milliers de migrants, de réfugiés, des retournés et déplacés internes dans notre pays. En dépit des nombreuses attaques auxquelles nous faisons face régulièrement et la prorogation de l’état d’urgence dans les zones affectées, le Gouvernement s’efforce de respecter et faire respecter le caractère de norme indérogeable de la torture» a souligné le chef de la délégation du Niger.
Oumarou Moussa(onep)