Le Réseau des villes créatives de l’UNESCO (RVCU) a été créé en 2004 pour promouvoir la diversité culturelle et surtout la coopération avec et entre les villes ayant identifié la créativité comme un facteur stratégique du développement urbain durable. À ce jour, le réseau compte plus de 246 villes membres, reparties dans sept catégories thématiques : littérature, cinéma, musique, artisanat et arts populaires, design, arts numériques et gastronomie. En raison des potentialités dont regorge le Niger dans certaines de ces catégories, n’est-il pas temps pour des villes du pays de s’inscrire dans cette initiative ?
La diversité renforce la créativité et améliore la productivité ; qui plus est quand il est question de culture et de valorisation du potentiel créatif, social et économique des collectivités locales, but visé à travers le réseau des Villes Créatives de l’UNESCO. Il s’agit en effet à travers cette initiative de faire travailler ensemble des villes de diverses régions, ayant des niveaux de ressources, de capacités et de populations différentes dans le domaine des industries créatives. Cela, conformément à la mission des villes créatives, de développer la coopération internationale parmi les entités pour lesquelles «la créativité est un facteur stratégique de développement durable, dans le cadre de partenariats associant les secteurs public et privé, les organisations professionnelles, les communautés, la société civile et les institutions culturelles dans toutes les régions du monde». Ce qui, évidemment, peut être bénéfique pour les villes concernées et leurs habitants.
Mais pour intégrer le Réseau des Villes Créatives de l’UNESCO (RVCU), la ville doit présenter une candidature qui démontre sa volonté et sa capacité à contribuer aux objectifs du réseau qui sont entre autres renforcer la création, la production, la distribution et la jouissance des biens et des services culturels au niveau local ; promouvoir la créativité et les expressions créatives en particulier chez les groupes vulnérables, notamment les femmes et les jeunes ; améliorer l’accès et la participation à la vie culturelle ainsi que la jouissance des biens culturels ; intégrer les industries culturelles et créatives dans les plans de développement local. La question est de savoir si le Niger à travers ses villes peut s’inscrire dans cette coopération ?
En Afrique subsaharienne plusieurs villes sont devenues ces dernières années membres du réseau. Au niveau de l’Afrique centrale, il y a Brazzaville qui, depuis octobre 2013, fait partie du réseau dans la catégorie musique, rejointe en décembre 2015 par sa voisine Kinshasa en République démocratique du Congo, pays dans lequel la même année Lubumbashi est devenue ville créative dans la catégorie artisanat et arts populaires. Parmi, justement, la quarantaine de villes créatives de l’UNESCO dans la catégorie artisanat et arts populaires il y en a qui sont dans des pays proches du Niger, dont Porto-Novo au Bénin ; Ouagadougou au Burkina Faso ; Sokodé au Togo, admises au sein du RVCU en octobre 2017.
Du potentiel à valoriser pour les villes du Niger dans l’artisanat et les arts populaires
L’inscription dans la catégorie villes créatives artisanat et arts populaires des villes avec lesquelles celles du Niger ont des potentialités plus ou moins identiques a de quoi susciter l’émulation chez les autorités locales et nationales pour qu’elles s’engagent dans l’initiative. Cela d’autant plus que l’artisanat est un domaine où beaucoup de Nigériens excellent et en font leurs métiers. Il y a des atouts indéniables pour la candidature par exemple Agadez, ville célèbre pour son artisanat divers et ses artisans avec leur savoir-faire ancestral, les villes de Zinder, Tahoua qui ne sont pas moins connues dans les différents corps de métiers de l’artisanat, ou encore Niamey qui abrite le Village artisanal Ibrahim Moussa, véritable temple d’artisanat et d’arts populaires, qui est en la matière une référence internationale.
Qui plus est, comme Ouagadougou avec son SIAO, Niamey a également son Salon International de l’Artisanat pour la Femme (SAFEM), cet espace commercial d’échanges, de partage d’expériences et de découvertes, des produits artisanaux africains. Cet événement biennal dont la 11ème édition a eu lieu avant l’arrivée de la pandémie de covid 19 revêt des dimensions culturelles, commerciales et constitue un facteur d’intégration régionale. En effet il avait été annoncé lors de la 11ème édition 22 pays participants, 1500 exposants et 130.000 visiteurs. Un autre argument, le 29 mai 2021, à l’occasion de la 28ème édition de la fête nationale de l’artisanat, le Premier ministre a inauguré au Village artisanal Ibrahim Moussa de Niamey le 1er Salon des entreprises artisanales du domaine de la menuiserie.
La catégorie artisanat va avec ce qu’on appelle les arts populaires, que l’on peut illustrer par-delà les considérations idéologiques et scientifiques, à travers certaines productions comme la broderie, l’orfèvrerie, la vannerie, le tissage, et pourquoi pas l’art de confectionner certains vêtements, ou les bonnets Zanna confectionnés à Zinder, Diffa, Maradi, etc. En devenant villes créatives dans la catégorie artisanat et arts populaires les villes nigériennes contribueront à valoriser par exemple l’activité ou l’art de la broderie, de tissage des bonnets Zanna, faits à la main ou hand made comme disent les anglophones. Ces arts sont en effet menacés de disparition du fait de leur délaissement par les jeunes et de la concurrence des modèles, disons falsifiés et fabriqués industriellement.
Il est évident qu’il y a au Niger une forte production, mais aussi un important potentiel dans l’Artisanat et les Arts populaires, des atouts qui militent pour une inscription d’au moins une ou deux villes du pays dans le Réseau des Villes Créatives de l’Unesco. 3ème pourvoyeur d’emplois après l’agriculture et l’élevage avec plus de 900.000 travailleurs, 291 métiers, 20% au PIB national, l’artisanat demeure au Niger un facteur de lutte contre la pauvreté, le chômage et le désœuvrement des jeunes et contribue à la résilience des femmes, des jeunes et des personnes en situation de handicap. Autant d’arguments pour un dossier solide de candidature pour intégrer le Réseau des Villes Créatives de l’Unesco dans la catégorie Artisanat et arts populaires et valoriser ainsi le potentiel de ce secteur dont les acteurs sont confrontés à des difficultés économiques et techniques. Pour cette année, les villes intéressées peuvent soumettre leur candidature jusqu’au 30 juin 2021.
Souley Moutari(onep)