Abondante, douloureuse et brutale, l’hémorragie du post-partum est un saignement excessif qui survient chez la femme qui a accouché par voie naturelle ou par césarienne quelques heures après l’accouchement ou des semaines plus tard. Cette pathologie qui touche toutes les femmes est responsable d’une perte capitale de sang, de rupture brutale des membranes et dans les plus graves des cas, un coma, un arrêt cardio-vasculaire, un collapsus cardio-vasculaire, une hémophilie, un état de chocs total et brutal, l’anémie ou la mort. L’hémorragie du post-partum est la première cause directe de mortalité maternelle touchant 30 % des femmes dans le monde et causant 150.000 décès maternels par an dans le monde, soit un décès toutes les quatre minutes selon le site de la Revue Médicale Suisse.
Diagnostiquée grâce au flux du sang 24h après l’accouchement ou quelques semaines plus tard, l’hémorragie du post-partum se caractérise par un saignement excessif de couleur rouge vif supérieur ou égal à 500 ml. Selon Dr Adamou Bozari, Gynécologue Obstétricien, Chef de service Obstétrique de la maternité Issaka Gazobi, le saignement après accouchement varie entre 250 et 300 ml au maximum et n’excède pas quelques jours car, chaque femme est différente. Néanmoins, aucune femme n’est à l’abri de contracter cette maladie selon le spécialiste. Plusieurs facteurs concourent à une exposition ou un risque accru. Il s’agit entre autres d’un travail lent qui dure plusieurs heures, une multi parité, une grossesse multiple, une accumulation du liquide amniotique (hydramnios), une cohabitation avec un fibrome et une infection amniotique due à la rupture des membranes. À cette chaîne infernale s’ajoutent, des hématomes retro placentaires un placenta bas inséré ou mal situé, le placenta accreta ayant subi plusieurs traumatismes, des antécédents d’hémorragie, la drépanocytose, le diabète, une hypertension et l’abus des médicaments utero tonique et anti spasmodique.
Il existe, d’après Dr Adamou Bozari, deux types d’hémorragie du post-partum. Il s’agit de l’hémorragie du post-partum immédiate et celle dite tardive. La première intervient 24h après l’accouchement tandis que l’autre survient quelques jours, voire une à deux semaines après. « La couleur du sang et son flux sont des facteurs déterminants. Une femme peut avoir une hémorragie plusieurs semaines après l’accouchement de manière brutale ou successive », explique le docteur.
Causes et prise en charge
Les causes de cette maladie varient en fonction des femmes et du problème lié à différents organes génitaux. Par ailleurs, il existe selon le spécialiste, quatre grandes causes dénommées les ‘’4T’’. Il s’agit du tonus qui se caractérise par une atonie utérine et qui touche 70% des cas empêchant la rétraction physiologique de l’utérus, du tissu qui concerne 20% des cas avec la présence de débris placentaires ou de membranes dans l’utérus, du trauma qui est responsable des déchirures du col, de la paroi vaginale, du périnée, d’hématome vaginal ou utérin touchant 9% des femmes et du thrombus qui est un trouble de coagulation du sang chez 1% des cas.
La prise en charge d’une femme atteinte d’hémorragie du post-partum est immédiate car, la vie humaine est menacée. « Nous avons 2h pour sauver une femme en pleine hémorragie. Au-delà de ce temps, il est très difficile de sauver cette dernière. Chaque seconde est cruciale et chaque traitement administré doit se faire dans la plus grande précision. Une erreur aussi banale soit-elle, peut être fatale pour la femme », explique Dr Adamou Bozari.
La prise en charge se fait de façon préventive et curative. En effet, le respect des règles de l’accouchement qui se fait en 4 phases doit être strict. « La surveillance des heures de travail, les examens prénataux, la protection des parties molles pendant l’accouchement et la Gestion Active de la Troisième Période de l’Accouchement (GATPA) doivent se faire dans les meilleures conditions afin de prévenir des complications ou des hémorragies après la délivrance », ajoute le spécialiste. Pour la prise en charge curative, elle consiste à faire une réanimation de la femme, une révision utérine et un renforcement de l’utérus. Le Nalador qui est une molécule est injecté à 5mg pour sauver la femme, un tamponnement utérin, le port d’un pantalon anti chocs, l’utilisation du Plasma Frais Congelé (PFC), les techniques de restauration de l’utérus dont le cadre de quo, la ligature des artères utérines et dans les cas les plus graves, une hystérectomie d’hémostase qui consiste au retrait total de l’utérus et qui reste le dernier moyen de sauvetage maternel.
Difficultés et traitements administrés
Toutefois, le spécialiste a tenu à souligner que des avancées remarquables ont été observées au Niger concernant l’hémorragie du post-partum car 50% des décès dus à des hémorragies graves dans le monde surviennent en Afrique. En effet, un projet réalisé en 2011 à Téra (Tillabéri), a permis d’étudier la maladie et trouver des moyens de prévention et de réduction des décès par hémorragie. Il a rappelé que, pendant la mise en place du projet, la garniture du pagne permettait de savoir si une femme fait une hémorragie ou pas. « La quantification du flux sanguin se faisait avec ce pagne. Quand ce dernier est complètement imbibé de sang, la femme fait une hémorragie du post-partum », explique-t-il. Aussi, la GATPA, l’utilisation de la molécule du misoprostol autorisée par l’OMS depuis 2010 et la molécule du Nalador qui est injectée à 5mg pour prévenir de l’hémorragie du post-partum, sont les méthodes adoptées pour sauver la femme.
Pour le traitement des femmes, les maternités rencontrent plusieurs difficultés et 2 sur 43 accouchements peuvent être des cas d’HPP. D’après le gynécologue, la technique d’embolisation utérine qui est très importante est une pratique encore inexistante au Niger. L’insuffisance et la disponibilité de sang augmente le taux de mortalité des femmes victimes d’hémorragie. « Une femme normale a 14g de globules, une femme enceinte présente 12 à 13 g de globules tandis qu’une femme souffrant d’hémorragie possède 2 voire 3g de globules. Pour avoir 2 g, il faut 1 poche de sang donc chaque femme a besoin de 5 à 6 poches de sang pour être sauvée », relève le médecin. Pour le PFC, le besoin en sang est encore plus élevé car 1 sachet de PFC correspond à 4 poches sang et la seule commande du centre peut être consommée par une seule patiente alors qu’on peut avoir plusieurs cas par jour. Quant aux concentrés plaquettaires et aux molécules de remplacement, elles agissent pendant un temps court et sont parfois insuffisantes. « Le manque de sang a un impact important sur les décès maternels. Le stock de sang est insuffisant et les femmes en souffrent car, elles sont les premières victimes et la demande est inférieure à l’offre », déplore le Médecin.
Conseils et recommandations
Le spécialiste a lancé un appel à l’endroit des autorités pour qu’elles puissent mettre en place des moyens pour la pérennisation du projet de Téra afin de permettre aux femmes d’accoucher sans risque accru de contracter une hémorragie. Aussi, il a rappelé l’importance économique, sociale et éducative des femmes au sein de la société. « Les femmes participent activement à l’économie, à l’éducation et à la gestion des activités sociales. Une femme travaille 18 h sur 24h et participe à 35% étant enceinte et à 45% sans grossesse à l’économie du pays », souligne le gynécologue. « Une femme, poursuit-il qui accouche fait 90 jours sans travailler et les pertes sont importantes. Son apport est important sans oublier l’éducation des enfants, les travaux ménagers », confie-t-il. C’est pourquoi, l’État doit mettre à la disposition des centres, les moyens de collecter du sang dans tous les lieux publics (marché, mosquée, écoles, etc.).
À l’égard de la population en général et des femmes en particulier, Dr Adamou Bozari les encourage à consommer des aliments riches en fer car, aucun traitement naturel n’existe à ce jour pour prévenir efficacement cette pathologie. Il les interpelle sur une surveillance accrue concernant le flux, la couleur et la durée du sang après l’accouchement et à éviter la consommation de certaines plantes car elles peuvent causer d’autres complications importantes. Dr Adamou Bozari appelle les agents de santé à plus d’implication dans le travail car une petite erreur peut être fatale. À la population, de cultiver l’humanisme, l’engagement et la solidarité en donnant du sang. « Aidez-nous à sauver des vies. Aidez-nous à réanimer ces femmes en détresse pour qu’aucun cas d’hémorragie ne soit lié à un décès maternel au Niger », a conclu Dr Adamou Bozari.
Massaouda Abdou Ibrahim (ONEP)