
Une jeune maman en état de malaise au chevet du berceau de son bébé
La psychose puerpérale ou psychose post-partum est un trouble mental rare mais extrêmement grave qui survient le plus souvent dans la semaine qui suit l’accouchement. Ce trouble psychique se manifeste généralement sans aucun signe annonciateur. Paraissant de manière brutale et souvent indéterminée, cette maladie est responsable d’hallucinations visuelles et auditives graves, d’un état délirant centré sur la relation entre la mère et son enfant, des cris et pleurs, une confusion mentale importante, des troubles d’humeur, une grande fatigue, un amaigrissement, des troubles du sommeil et une grande angoisse. Elle peut également provoquer le rejet de la mère vis-à-vis de son bébé, de sa famille et d’elle-même tout en conduisant la patiente dans une profonde dépression pouvant mener au suicide.
La grossesse est un évènement majeur dans la vie d’une femme. De la conception à l’accouchement, plusieurs facteurs sont mis en jeu. Pendant ce processus, la femme requiert un suivi et une attention particulière pour le bon déroulement de sa grossesse et une prise en charge adaptée. Selon l’Institut National de la Statistique (INS), au Niger, l’indice synthétique de fécondité est de 6,2 enfants/femme en 2021 avec une prévalence contraceptive moderne de 10% et un taux de mortalité néonatale de 43%. Aussi, les maladies génitales féminines, la mauvaise qualité des soins, l’insuffisance d’équipements sanitaires, l’insuffisance de consultations prénatales, la maltraitance, la pauvreté pour ne citer que ceux-là sont entre autres les souffrances auxquelles sont confrontées les femmes avant, pendant ou après leur grossesse.
À ce lot infernal s’ajoutent les maladies psychologiques. Sous diagnostiquées ou méconnues, ces maladies font des victimes dans les foyers. C’est le cas de la psychose puerpérale. Cette pathologie asymptomatique qui touche les femmes qui accouchent pour la première fois (primiparité) mais aussi, les femmes avec plusieurs enfants, a une origine inconnue. Néanmoins, plusieurs facteurs concourent à son évolution. Selon M. Amadou Djibo, psychologue, ces facteurs sont les mariages précoces ou forcés, les grossesses non désirées, la solitude ou la maltraitance pendant la grossesse, un accouchement difficile ou une naissance prématurée, des antécédents de césarienne ou de mort périnatale, des psycho-traumatismes dans l’enfance (violences physiques ou sexuelles) et la pauvreté.
Les troubles psychotiques affectent le fonctionnement du cerveau en modifiant les pensées, les croyances ou les perceptions. C’est l’état dans lequel se retrouvent beaucoup de femmes après l’accouchement. Selon le spécialiste, la société compare ces crises aux crises spirituelles rendant ainsi difficile le traitement, le diagnostic et la guérison. Les victimes se retrouvent dans l’incapacité de se faire aider et vivent une torture quotidienne. La négligence, l’ignorance et les préjugés sociaux restent d’après le psychologue, les principales raisons de développement de cette pathologie qui peut conduire la victime dans un état psychologique grave semblable à la folie.
Une jeune femme de 19 ans qui a préféré garder l’anonymat a souffert de cette maladie et continue d’être suivie par son médecin. « Je me suis mariée très jeune et c’était un mariage forcé par mes parents car vivant en campagne. Mon mari était en exode et j’ai vécu durant ce temps avec ma belle-famille. J’ai énormément souffert pendant ma grossesse et j’ai été victime de maltraitance physique, morale et psychologique. J’ai accouché d’une fille mais, je n’avais aucun amour pour cette dernière. Certains disaient que je suis une mère indigne et d’autres, une sorcière. J’ai eu la chance d’avoir pu consulter un psychologue et c’est lui qui a déterminé ma maladie et depuis, je peux en parler et j’ai retrouvé ma santé », confie-t-elle.
« J’étais la 3ème femme de mon mari. Après mon mariage, une série d’évènements chaotiques se sont enchainés et j’ai été automatiquement accusée et les insultes ont fusé de partout. J’ai pleuré tous les jours jusqu’à l’accouchement prématuré, à 7 mois. Mes parents m’ont abandonné, j’ai rejeté mon enfant et j’ai fait une dépression en refusant le lait maternel à mon bébé », déclare une autre victime âgée de 18 ans. Elle a vécu un traumatisme familial causé par un mariage forcé à un membre de sa famille.
« Elle a souffert de cette maladie pendant plusieurs mois. Certains membres de sa famille ont procédé à un exorcisme car pour eux, elle était possédée. On a préféré lui faire prendre des médicaments traditionnels que de faire une consultation car, c’était une honte pour la famille le fait de rejeter son enfant. Elle a sombré dans une folie et ne se nourrissait plus jusqu’à y laisser la vie. J’ai eu plus de notions sur la maladie grâce à internet mais, il était déjà trop tard », confie ce jeune homme âgé de 28 ans qui a préféré taire son nom.
Le psychologue a souligné que les femmes se trouvant en zone rurale sont plus exposées que celles vivant en zone urbaine car ces dernières sont plus édifiées sur le sujet mais le risque reste le même car certaines femmes n’ignorent pas l’existence de cette pathologie. En définitive, il a interpellé les femmes et les familles à plus de vigilance dans l’accompagnement des femmes enceintes. « On peut guérir de ce trouble mais le processus est long et coûteux sans oublier toutes les séquelles graves que la victime peut garder toute sa vie. Nous pouvons épargner à ces femmes cette souffrance en modernisant nos centres de santé et en garantissant un suivi psychique, social et somatique afin d’atténuer le quotidien des femmes déjà pénible », a-t-il expliqué.
Massaouda Abdou Ibrahim (ONEP)