
Du 12 octobre au 6 novembre 2021, la Haute Autorité du Waqf (HA/Waqf) a organisé à Niamey, en collaboration avec la Banque Islamique de Développement (BID), des séminaires de sensibilisation, de formation et d’information à l’attention de plusieurs couches socioprofessionnelles du Niger, sur la finance sociale islamique et le Waqf. Placée sous le thème unique : «Le Waqf, instrument de la finance sociale islamique au service du développement économique et social du Niger », cette série de séminaires a intéressé les membres du gouvernement, les parlementaires, les notaires et les acteurs du secteur privé. Des allocutions, des panels, des projections de documentaires, des exposés, des fructueux échanges et des signatures de conventions, étaient au menu de ces rencontres. Il s’est agi au cours ces séminaires d’imprégner et d’améliorer la compréhension générale des différents participants sur le concept de la finance sociale et solidaire islamique et le Waqf et de leur utilité comme instrument stratégique pour l’atteinte des objectifs de développement socio-économique du Niger mais aussi de créer un cadre d’échanges permettant d’améliorer l’environnement du Waqf au Niger.
Contrairement à la finance conventionnelle qui est basée sur l’intérêt personnel, la finance sociale et solidaire islamique, dont le Waqf constitue un important outil, tire tous ses fondements du Coran et de la Sunna. Lors de ses interventions, Dr Hamid Algabid, président du Conseil d’Orientation et de Contrôle (COC) de la Haute Autorité du Waqf, ancien Premier ministre de la République du Niger et ancien Secrétaire Général de l’OCI, rappelait, textes institutionnels et versets du Coran à l’appui, le fondement légal et coranique du Waqf. «En ratifiant l’ordonnance N°2019-20 du 20 septembre 2019, fixant les règles relatives au Waqf au Niger, après l’avis N° 23, en date du 18 décembre 2019 de la Cour Constitutionnelle, les autorités nigériennes ont permis à notre pays de se doter d’un instrument efficace de lutte contre la pauvreté et les inégalités sociales», a indiqué M. Algabid.
Selon lui, le Waqf qui veut dire immobilisation, c’est-à-dire le fait de se dessaisir de l’usufruit d’un bien pour le mettre à la disposition d’une œuvre de charité ou de bienfaisance et cela de manière temporaire ou perpétuelle, apparaît dans de nombreux versets de Coran. Au titre des bases islamiques, il a cité le verset 92 de la Sourate 3 du Coran qui dit : «Vous n’atteindriez la vraie pitié que si vous faites largesse de ce que vous chérissez le plus». Dr Hamid Algabid a aussi souligné que la finance islamique, qui a un caractère social, est un instrument de la solidarité Islamique qui comprend entre autres le Waqf et la Zakat». Cependant, selon cet ancien Secrétaire Général de l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI), si la Zakat est bien connue de la population nigérienne, le Waqf, quant à lui, apparaît comme un concept nouveau alors qu’il a toujours existé et été pratiqué par nos compatriotes. « Il convient de se l’approprier et de le développer», a estimé l’ancien Premier Ministre du Niger. «Le Wafq peut intervenir dans tous les secteurs pour combler le déficit budgétaire et technique nécessaire pour le développement de notre pays. Il convient donc de se le réapproprier et de le développer. D’où la nécessité d’organiser ces
séminaires à l’endroit des différentes couches socioprofessionnelles de notre pays», a estimé Dr. Algabid.
Dans son exposé, devant les membres du gouvernement, la Directrice générale de la Haute Autorité du Waqf (HAW), Mme Khadidjah Diallo a expliqué que le Waqf est un outil efficace de la finance sociale islamique pour la lutte contre la pauvreté. «Le Waqf dans le droit Islamique c’est un bien dont la jouissance est mise à la disposition soit d’un bénéficiaire public en ce qui concerne le Waqf public, soit d’un bénéficiaire privé. Traditionnellement, c’est quelqu’un qui met à disposition un bien dont il permet la jouissance aux membres de sa famille, on appelle cela le Waqf de famille. Il peut aussi décider que la jouissance peut revenir aux bénéficiaires publics et aux bénéficiaires privés, ce qu’on appelle Waqf mixte. Il peut aussi décider que le Waqf va bénéficier à la protection de l’environnement par exemple ou tout autre objet licite», a-t-elle expliqué.
«Nous sommes dans un pays majoritairement croyant, a-t-elle- poursuivi, et la plupart des acteurs aujourd’hui, sont dans un système financier qui ne correspond pas à leur éthique. En islam, la thésaurisation, c’est-à-dire le fait de garder l’argent chez soi, est interdite. Il faut aider les musulmans, non pas par des aides comme on a l’habitude de le voir, un prêt avec plein d’intérêts qu’on ne pourra jamais payer, mais par un investissement conjoint, où on travaille ensemble, on crée de la valeur et on partage le bénéfice, dans le contexte de solidarité de l’islam», a-t-elle expliqué. Déclinant les missions de la HAW, Mme Diallo a précisé qu’elles se résument en gros à trois ou quatre points. Le premier c’est la gestion de tout projet de Waqf public. Le deuxième, c’est la supervision et le contrôle des autres types de Waqf. Le troisième, c’est la mobilisation des ressources pour le financement des Waqf public. Et enfin, le quatrième c’est la promotion et la vulgarisation ou la démocratisation du concept de Waqf au Niger qui existait déjà parce que le Niger est un pays de tradition musulmane. «J’aurais appris que par exemple dans l’Aïr on l’appelle le ‘‘Habouss. «C’est à nous de trouver les investissements Waqf les plus profitables qui vont servir les objectifs de développement durable du Niger dans les secteurs sociaux», a indiqué Mme Khadijah Diallo.
Elle a appelé les différents participants à ces séminaires et notamment les autorités, à soutenir davantage la Haute autorité au Waqf, à s’approprier de l’outil du Waqf et à développer de façon générale la finance sociale islamique, parce qu’elle sied comme réponse aux défis de lutte contre la pauvreté dans notre pays. «Si on décide, au Niger, d’être aujourd’hui le centre d’excellence de la finance sociale islamique en Afrique de l’ouest on a tout ce qu’il faut. On a une population à 99% musulmane qui demande cette offre de produits financiers conformes à ses valeurs morales et spirituelles, on a une université islamique qui forme des cadres compétents dans le domaine de la finance islamique et des banques commerciales islamiques sur place. On a aussi des partenaires techniques et financiers qui nous font confiance comme la BID et qui sont prêts à accompagner nos efforts dans ce sens. À la population de s’approprier de l’outil du Waqf et de comprendre que toute personne peut contribuer à faire un Waqf», a lancé Mme Diallo.
Un cadre légal approprié pour une bonne réussite du Waqf
Présentant le cadre juridique et institutionnel mis en place par le Niger pour une bonne mise en œuvre du Waqf, M. Issaka Nouhou Mounkaïla, directeur de la conformité et des affaires juridiques à la HAW, a souligné que pour ce qui est de la base juridique, les premiers textes en droit positif nigérien sur le Waqf est l’ordonnance n° 2019-20 du 20 septembre 2019, fixant les règles relatives au Waqf au Niger, ratifiée par la loi n° 2019-49 du 30 octobre 2019. «Selon la loi nigérienne, a ajouté l’intervenant, le Waqf s’entend comme tout bien dont la nue-propriété est immobilisée à perpétuité ou à temps et dont la jouissance est affectée à une œuvre de charité et de bienfaisance publique ou privée». Il s’est ensuite appesantie sur l’efficacité de cet outil financier pour lutter contre la pauvreté au Niger. «Le Waqf se présente comme un instrument de la finance sociale islamique qui permet d’organiser la solidarité et de mobiliser les ressources publiques et privées afin de lutter contre les inégalités sociales et intervenir dans les secteurs sociaux de base comme l’éducation, la santé, l’agriculture», a-t-il rappelé. Depuis sa création, a indiqué M. Mounkaïla, la Haute Autorité du WAQF travaille à faire du Waqf l’outil principal de promotion de l’inclusion socioéconomique des couches vulnérables au Niger et du financement des secteurs sociaux. Par la suite, Dr Mohamed Salem, Représentant de la BID, s’est adressé aux participants pour rappeler l’accompagnement et l’engagement de sa banque dans le processus de mise en œuvre du Waqf au Niger et ailleurs.
Les participants ont donné des échos favorables au Waqf
A chaque séminaire, les débats avec les différents participants ont été riches et pertinents. Ces derniers ont intervenu, qui pour poser des questions, qui pour avoir des éclaircissements sur certains points, qui pour indiquer attendre impatiemment, depuis des années, la mise en œuvre de cet important outil de la finance islamique qu’est le Waqf.
Dans son allocution d’ouverture, le Premier ministre Ouhoumoudou Mahamadou a d’abord rappelé les efforts consentis par le gouvernement dans le développement du Waqf au Niger et a invité les membres de gouvernement, à saisir l’occasion pour bien comprendre les enjeux de cet important outil de lutte contre la pauvreté et l’inégalité sociale et de s’approprier le concept, afin de proposer, chacun en ce qui concerne, des projets qui cadrent avec son département ministériel. Il s’agit aussi, pour les participants, selon le Chef du gouvernement, d’être le porte-parole de cette initiative en faisant des plaidoyers, pour une meilleure compréhension et appropriation du Waqf par les Nigériens. Dans son discours de clôture du séminaire, la 2ème vice-présidente de l’Assemblée Nationale, l’honorable Adiza Seyni a salué l’initiative combien importante. «En réalité, quand l’Etat a pris la décision, il y a 3 ans, de créer les conditions favorables au développement du Waqf dans notre pays, à travers l’adoption d’une loi spécifique à la gestion du Waqf et en créant une autorité administrative en charge de la gestion des Waqf, il s’agissait d’un acte délibéré pour permettre la renaissance d’un instrument de développement qui a fait ses preuves au Niger et ailleurs, dans le renforcement de la cohésion sociale et l’autonomisation économique des couches les plus défavorisées », a-t-elle dit.
Quant à la présidente de la Chambre Nationale des Notaires du Niger, Me Aïssata Djibo, elle a évoqué le rôle primordial des notaires dans la constitution du Waqf et s’est félicité ‘‘des efforts que fournit la Haute Autorité au Waqf pour former, sensibiliser et informer les différentes couches socioprofessionnelles de notre pays sur cet outil de finance islamique qu’est le Waqf’’.
Pour M. Moussa Sidi Mohamed, président de la Chambre du Commerce et d’Industrie du Niger, le Waqf peut être utile dans le cadre de la lutte contre la pauvreté, pour booster notre économie mais surtout permettre au Niger l’atteinte des objectifs du développement durable. Il a ensuite souligné que cet instrument financier ‘‘peut aussi permettre de lutter contre les inégalités dans le pays.
Selon les prédictions des experts, la finance islamique, notamment le Waqf, sera bientôt au cœur des activités économiques de l’Afrique de l’Ouest.
Mahamadou Diallo(onep)