
Des hommes bororos en tenue traditionnelle lors de la fête du Guéréwol à Ingall en 2022
Sous-groupe du peuple Peuhl, les bororos sont réputés pour leur attachement à leur mode de vie traditionnel, leur beauté, qu’il s’agisse aussi bien des hommes que des femmes. Symbole de charme et d’attirance, l’apparence physique est un atout indispensable en milieu peuhl. Chez les bororos particulièrement, l’habillement et le maquillage sont des éléments essentiels participant dans la mise en valeur de la beauté. La tenue traditionnelle est teintée et brodée à la main. Les femmes surtout, portent ces tenues avec comme ornement des perles et boucles d’oreilles multicolores, un maquillage aux couleurs vives. Pour les hommes, la tête est coiffée d’un turban blanc qui sort d’un chapeau en paille de palmier. Tout est agencé harmonieusement et exprime une identité authentique et un mode de vie qui traversent les temps. Les fêtes telles que le « Guéréwol » sont des occasions d’expression, de démonstration de la beauté, de la culture, dans la communauté bororo.
Le visage ovale, les traits fins, le nez aquilin, les dents blanches, le regard envoûtant, les lèvres hydratées, tels sont les critères de base pour un maquillage attractif et beau chez les bororos. Pour ce faire, il faut disposer de certains produits naturels d’usage quotidien comme le charbon, les perles, les coquillages, les plumes d’oiseaux rares ou le ‘’khôl’’, et se donner le temps nécessaire, jusqu’à quatre à six heures d’horloge. Dans cette communauté où le charme est un art, le maquillage n’est pas qu’une affaire de femme. Les hommes sont maîtres de jeu quand il s’agit de peindre le visage en jaune-rouge-orange, avec des motifs de différentes formes, marquer des sourcils, peigner et onduler des cheveux soigneusement, souligner les yeux et teinter la bouche en noir mat brillant.

Les femmes, avec un peu plus d’esthétique, mais le plus simplement, se tatouent les lèvres, les gencives, les paumes des mains et des pieds en indigo. Elles percent également leurs oreilles et y insèrent des boucles en or imposantes et torsadées, un petit anneau en or ou en argent au niveau du nez, et plusieurs anneaux en argent ou en cuivre symbolisant leurs richesses aux poignets et aux chevilles.
Pour les coiffures, les femmes ramènent une partie de leurs cheveux en chignon à l’avant tandis que l’autre partie est sectionnée en plusieurs tresses tombant sur les côtés ou à l’arrière de la tête. Les coiffures prennent souvent des formes de losange ou de triangle.
Ce que les admirateurs des merveilles touristiques du Niger, d’ici et d’ailleurs, retiennent aussi du Guéréwol, cérémonial qui se déroule chaque année à la fin de la saison des pluies, ce sont ces chants et danses, avec des claquements des mains, des pieds qui battent le sol, des grimaces avec ces yeux qui semblent sortir de leurs orbites, des sourires laissant admirer la blancheur des dents. C’est un moment où les hommes rivalisent pour séduire les femmes qui sont aussi en compétition de charme et de beauté. Pour la femme bororo, le vrai homme n’est pas celui qui est musclé et qui fait montre de force physique, mais plutôt qui est attentionné, qui sait faire rire une femme.
Une tradition, une identité
Lors des fêtes, selon Adamou Bazo, président de l’association des jeunes bororos, DA’ARL, vivant à Niamey et fabricant d’articles artisanaux, de broderie des tenues peuhles, dans le milieu bororo, les hommes, après avoir fait la démonstration de leur élégance et leur charisme, à travers l’accoutrement traditionnel, défilent à tour de rôle en espérant attirer l’attention de la plus belle femme de la tribu. Et l’apparence est pleine de message. Rien qu’à travers la coiffure, fait savoir Adamou Bazo, on sait de quelle tribu vient l’homme, précisant aussi que les hommes laissent leurs cheveux pousser et ne se rasent le crâne qu’à l’âge de 50 ans.

Aussi, explique le président de l’association des jeunes bororos, DA’ARL, au cours des danses et chants, les mimiques, les grimaces sont particulièrement appréciées par la gente féminine permettant aux hommes de mettre en avant leurs atouts et faire la fierté de leurs familles lorsqu’ils sont choisis. Ainsi, pendant des heures, les hommes s’adonnent à la danse et au chant pendant que les femmes observent avec attention le plus beau dans ses roulades des yeux, les traits du visage, les tenues, etc.
Concernant les tenues, a-t-il notifié, elles sont entièrement fabriquées à la main par eux-mêmes pendant presque une année entière afin d’obtenir un magnifique vêtement confectionné avec les plus belles matières. Pour les accessoires utilisés, la fabrication se fait également à la main afin d’obtenir les formes voulues et d’utiliser les couleurs les plus vives pour attirer le regard.
Les tatouages sont également parlants. « Ces tatouages faciaux nous permettent de nous reconnaître et de savoir à quelle tribu nous appartenons et chaque tatouage à une caractéristique donnée qui permet d’identifier l’autre », a indiqué le président de l’association des jeunes bororos, DA’ARL. Par ailleurs, souligne-t-il, plusieurs clans existent au sein du sous-groupe des peulhs bororos, mais ils partagent pratiquement les mêmes valeurs familiales, telles que le respect des aînés et des personnes âgées.
« (…) On les confectionnait uniquement pour nous-mêmes »
Artisan, confectionneur de tenues bororos, Adamou Bazo, explique que les couleurs utilisées pour sont intelligemment choisies car, dit-il, les plus vives ressortent le mieux sur les tenues et vont à merveille avec le ton des maquillages. « Ce vêtement nous permet de danser, de faire voir notre dignité, notre identité et notre histoire. C’est maintenant que ces tenues sont vendues car, avant, on les confectionnait uniquement pour nous-mêmes », confie Adamou Bazo.
Malgré toute cette diversification culturelle, les coutumes et traditions peuhles se trouvent menacées par la modernité qui impacte ainsi la transmission des valeurs d’une génération à une autre. C’est d’ailleurs les préoccupations révélées par Adamou Bazo. Il déplore l’insuffisance des activités de valorisation des traditions nigériennes et le manque d’intérêt de la jeunesse. « Nos traditions sont abandonnées par ces jeunes et la population accorde de moins en moins d’importance à ces pratiques qui sont pourtant la fierté et l’identité de notre pays », affirme-t-il.
Le président de l’association des jeunes bororos DA’ARL relève également plusieurs difficultés liées surtout à la vie nomade car, dit-il, certains ne trouvant pas de conditions idoines, sont poussés à migrer vers les villes à la recherche de meilleures conditions de vie.
« La migration vers les villes impacte négativement la transmission des valeurs aux jeunes car, les plus âgés sont laissés en brousse. Je lance un appel à tous afin de mieux sauvegarder notre patrimoine culturel car, chaque nigérien représente une valeur qui est indispensable au développement du pays », déclare Adamou Bazo.
Massaouda Abdou Ibrahim (ONEP)