De sa désignation comme, Ville, capitale du Niger à nos jours, Niamey a connu une croissance démographique et spatiale ‘’spectaculaire’’, termes du Pr Kokou Henri Motcho, géographe, enseignant à l’Université Abdou Moumouni de Niamey. Ce développement se traduit à travers l’apparition des multiples quartiers surtout ces deux dernières décennies, à partir de l’année 2000. Mais, aujourd’hui, vivre dans certains quartiers bien que «conventionnellement lotis» suscite des regrets. Des voies impraticables, stagnation des eaux des ménages et des pluies du fait de l’absence ou de l’insuffisance de dispositif de canalisation et d’évacuation, des rues obscures pendant la nuit qui favorisent le banditisme. Bref les conditions de viabilité sont tout à fait contraires à l’idéal d’une ville moderne, d’avenir et durable. En effet, dans certains de ces quartiers périphériques, tels que Niamey 2000, Sonuci, Tchangarey, Aéroport et Bassora, les habitants se sont constitués en comité de gestion et de développement en vue d’unir leurs forces pour faire face à certains problèmes et/ou plaider d’une seule voix auprès des autorités compétentes.
Outre la mairie centrale, la Ville de Niamey est subdivisée en 5 Arrondissements Communaux (Niamey 1, Niamey 2, Niamey 3, Niamey 4 et Niamey 5), après les dernières réformes de la décentralisation. En 2015, ces cinq Arrondissements comptaient 65 quartiers administratifs, 3 cantons et 27 villages administratifs. Avec une population qui double presque tous les 15 ans, Niamey compte en 2015 une population estimée à 1.026.848 (INS) et une superficie estimée à 255 Km². Aujourd’hui la principale problématique qui se pose dans la capitale nigérienne, c’est cette question de viabilité des différents quartiers, confrontés de plus en plus à des problèmes multiples et divers. Ainsi, selon les habitants de certains quartiers, le mauvais état des routes, le manque des voiries (caniveaux), le manque d’électricité, l’éloignement de certains services, notamment de santé, l’insécurité, l’assainissement, la difficulté d’accès de certaines zones par les taxis et les véhicules de transport urbain, tels sont entre autres les maux qui gangrènent la plupart des quartiers de Niamey. Certains quartiers ont des difficultés particulières notamment en période d’hivernage.
A Niamey, seuls ceux qui vivent au centre-ville profitent des avantages des investissements réalisés pour la ville. Au quartier Bassora, un fonctionnaire, haut cadre de l’administration publique, qui a souhaité garder l’anonymat, a fustigé cette, ‘’mauvaise’’ politique qui, dit-il, concentre les investissements urbains dans le centre-ville oubliant ainsi les milliers de personnes qui vivent dans les différents quartiers. Ce fonctionnaire rencontré dans une fada d’amis a laissé entendre que «c’est un mauvais choix politique d’investir, de construire autant de routes et d’échangeurs en centre-ville, avec des coûts très élevés, sans penser à construire quelques kms de pavés dans des quartiers comme Bassora, Niamey 2000, Koubia, SONUCI, etc. Il suffit de désenclaver ces quartiers qui abritent tous les fonctionnaires, avec des goudrons et pavés, la vie sera moins chère. Si la vie coûte chère aujourd’hui, c’est parce que, pour beaucoup de besoins, il faut se rendre en ville, parcourir des kilomètres, sur des latérites qui datent de plus de 20 ans. Dans certains cas, à certaines heures, il est même difficile de trouver un taxi», s’alarme-t-il. Il recommande à ce que la Ville cherche des partenaires qui vont investir dans les quartiers.
Au quartier Bassora, il y’a en réalité des raisons de s’alarmer et de se mettre en colère quand on parle de cette question de viabilisation des quartiers. Des décennies durant le quartier fait face à un sérieux problème, d’ailleurs récurrent : celui des inondations pendant la saison pluvieuse. C’est une population qui souffre chaque année faute d’une véritable politique en vue de construire des ouvrages de drainage des eaux. «Au lieu d’attendre le retour des pluies pour venir à la rescousse des habitants, à grand frais, les autorités doivent profiter des moments comme celui-ci, pour effectuer des travaux. Sinon, nous sommes partis pour l’éternité dans ce problème récurrent», a souligné une autre personne du quartier. A qui la faute ? En premier lieu, c’est de la responsabilité des autorités administratives communales, ensuite celle des autorités en charge de la Ville, puis viennent la responsabilité du gouvernement et enfin la population elle-même», dit-il.
Comme l’a souligné Professeur Motcho Kokou Henri, cette ville a besoin nécessairement des investissements pour offrir à sa population un meilleur cadre de vie surtout à la population résidant dans ses périphéries. Pour cela, il a invité les autorités et la population, à s’assoir pour réfléchir ensemble, étudier, diagnostiquer et évaluer les problèmes qui minent la ville et définir le type de Niamey qu’il faut pour tous.
Outre ce problème qui est visible dans presque tous les autres quartiers de Niamey, l’insécurité urbaine préoccupe aussi les habitants. Dans tous ces quartiers de Niamey, les vols en tout genre sont enregistrés. De jour comme de nuit, la délinquance, les viols, les vols et agressions sont entre autres situations que vivent les habitants de plusieurs quartiers de Niamey, notamment dans la périphérie.
Aussi, le problème de transport se pose avec acuité vers certains quartiers où réside la plupart des fonctionnaires. Ainsi, pour trouver un moyen de transport, pour ceux qui ne disposent pas de véhicules personnels, il faut parcourir une dizaine de kilomètres. Koira Tégui, Niamey 2000, Cité enseignant à l’aéroport, Talladjé 50 mètres, Koubya, et dans bien d’autres quartiers, il faut marcher, très tôt, avec tous les risques, jusqu’au goudron ou sur l’unique latérite principale qui traverse le quartier pour avoir un véhicule (Taxi ou souvent Kabou-Kabou).
Plusieurs personnes ont souligné que cette situation est due au manque d’infrastructures routières adéquates dans les différents quartiers. Ibrahim Salissou, un étudiant à l’Université Abdou Moumouni de Niamey, a souligné que les étudiants souffrent plus dans cette situation. «Par manque de goudrons ou de pavés, nous sommes obligés de sortir très tôt, marcher plus de 5 km avant d’arriver au niveau du commissariat aéroport pour prendre le bus. Le soir au retour le bus nous dépose au même endroit et il faut marcher pour rentrer à la maison. Cette situation est la même dans beaucoup des quartiers. Nos camarades de Tondibiya, ceux Koubya, de Niamey 2000h, ceux des axes Koira- Tégui et route Oualam, etc, nous vivons quotidiennement cette situation. Le bus ne rentre pas dans les quartiers parce que les routes sont impraticables pour un bus. Je pense que les autorités doivent penser à viabiliser ces quartiers en construisant pour un début des goudrons et des pavés afin de rendre leurs accès un peu facile», a souligné l’étudiant.
Quelques bonnes pratiques dans les quartiers
Face à toutes ces difficultés, notamment celles liées à l’insécurité de manière globale et à l’assainissement, des structures locales de développement naissent dans plusieurs quartiers. Elles ont pour mission pour la plupart, de faire des plaidoyers auprès des autorités compétentes pour la prise en charge de certains problèmes dans les quartiers, de faire des cotisations pour y financer certaines actions, de sensibiliser les habitants sur certaines questions dont la sécurité, de démobiliser les jeunes délinquants, de défendre les intérêts des habitants, etc. Ainsi, à Goudel il y’a le Comité des jeunes de Goudel, à Talladjé on retrouve le Cadre de Concertation et d’Action Sociale de Talladjé (CCAST), au 5ème Arrondissement fonctionne le Cadre de Concertation pour le dialogue, la Sécurité et la Justice (CCJSD) et à Sonuci les habitants du secteur nord ont aussi créé un comité pour faire face aux problèmes qu’ils vivent chaque année. Il s’agit principalement du problème d’évacuation des eaux.
Toutes ces structures ont pour vocation de contribuer au développement de leurs quartiers. Elles initient, organisent et conduisent des activités d’intérêt communautaire. Elles mobilisent à cet effet tous les habitants des quartiers respectifs concernés, les femmes et les jeunes pour l’assainissement, les fonctionnaires pour les cotisations, les partenaires, notamment les entreprises et autres bonnes volontés pour appuyer les initiatives. Par ailleurs, sur des questions de sécurité, notamment la lutte contre les vols et la délinquance, des actions de sensibilisation sont entreprises dans les fadas, avec des jeunes et de fois à l’endroit des parents. En effet, guidés par un esprit citoyen, les animateurs de ces structures ne ménagent aucun effort pour le fonctionnement de leurs structures, mais aussi pour mobiliser toutes les ressources nécessaires à la réalisation des objectifs de différentes structures.
Ali Maman(onep) et Ismaël Chékaré(onep)