Les élections en Afrique de façon générale constituent encore un défi pour les pays et la population. L’un des défis demeure les violences électorales ou postélectorales qui sont particulièrement entretenues par les acteurs politiques à travers la diffusion et la publication des propos discourtois et inappropriés et des fosses informations. Depuis le lancement de la campagne électorale pour le 2ème tour de l’élection présidentielle, l’opinion, les réseaux sociaux et certains médias traditionnels sont inondés des propagandes à outrance avec des attaques personnelles, des diffamations, des injures et bien d’autres. Ces attitudes constituent des risques graves pour le bon déroulement du scrutin du 21 février prochain. D’où la nécessité de prendre des garde-fous en vue de prévenir les violences électorales. C’est dans ce sens que certaines personnalités et acteurs des médias et de la société civile s’activent en faveur des élections apaisées au Niger. Des appels sont lancés chaque jour à l’endroit des leaders politiques en premier et des militants mais aussi aux autorités pour que chacun s’implique davantage pour des actions concrètes de prévention des violences électorales.
La campagne électorale pour le second tour de l’élection présidentielle bat son plein. D’ores et déjà, les deux camps à savoir la Coalition Bazoum 2021 et alliés pour le candidat du PNDS Tarrayya M. Bazoum Mohamed et la CAP 20-21 et alliés pour le candidat du RDR-Tchanji M. Mahamane Ousmane ont lancé leur campagne respectivement le Samedi 6 février à Niamey et le Dimanche 7 février 2021 à Tillabéri. Une campagne très électrique au regard des propos véhiculés par certains militants et sympathisants des deux camps sur les réseaux sociaux où les insultes, les fausses informations, les rumeurs, les accusations gratuites sont véhiculées en masse.
Ce 2ème tour intervient aussi dans un contexte marqué par une insécurité permanente dans plusieurs localités du pays. C’est dire que le peuple nigérien a le devoir historique de se dresser comme un seul homme pour des élections apaisées le 21 février 2021 afin de garantir à notre pays la stabilité, la quiétude, la paix et l’unité de son peuple. Des personnalités aux citoyens ordinaires, en passant par les acteurs de la société civile et des médias, tous sont conscients de la délicatesse de la situation. Ils multiplient par conséquent les initiatives et les appels à la tolérance pendant la campagne électorale pour des élections apaisées au Niger.
«Aucun acteur politique ne peut engager le peuple sur une voie autre que celle de la paix et de la fraternité», Pr Khalid Ikhiri, président de la CNDH
«Au Niger nous avons pris un bon départ avec les élections de 13 et 27 décembre 2020. Nous avons montré à la face du monde que le peuple nigérien est mûr, que le peuple nigérien est jaloux de la paix et qu’aucun acteur politique ne peut engager ce peuple sur une voie autre que celle de la paix, de la sérénité, de la fraternité entre les citoyens. Je suis convaincu que les idéaux de la paix, seront les idéaux que défendront les jeunes, les femmes et les enfants de ce pays. Je ne doute pas de leur capacité à faire en sorte que le Niger puisse sortir grandi en maintenant constant leur comportement citoyen, comme ils l’ont démontré aux élections précédentes. Mon souhait est, tout naturellement, de confirmer encore cette attitude citoyenne»
«Les électeurs doivent se comporter de manière citoyenne (…) pour préserver le Niger de tout trouble», soutient Me Ali Sirfi Maïga, Médiateur de la République
Pour sa part, le Médiateur de la République a initié une vaste campagne de sensibilisation pour des élections apaisées dans toutes les régions du pays. Lancée le dimanche 7 février à Zinder, cette campagne conduite par Me Ali SirfiMaïga se poursuit dans les autres régions du Niger. Au cours de cette campagne, le Médiateur de la République est allé à la rencontre des différents acteurs de la vie sociopolitique du pays. Il s’agit notamment des chefs traditionnels, des leaders religieux, des membres des organisations de la société civile, des organisations des jeunes et des femmes, des acteurs politiques. Il s’agit à travers ces échanges interactifs et inclusifs initiés par l’institution Médiateur de la République de «donner plus de souffle de vie à la paix, à la quiétude sociale et à la coexistence pacifique particulièrement dans ce contexte du processus électoral en cour au Niger. C’est aussi pour le Médiateur l’occasion de contribuer à instaurer le dialogue intercommunautaire pour des élections apaisées au Niger». Pour Me Ali Sirfi Maïga, les électeurs doivent se comporter de manière citoyenne, en concentrant tout le sacrifice permettant de préserver le Niger de tout trouble, de tout désordre. Ainsi, dire que tous les acteurs politiques, les citoyens, les autorités et toutes les organisations socioprofessionnelles sont interpelés et appelés à contribuer pour des élections apaisées en prélude de ce second tour.
«Les leaders des partis politiques doivent sensibiliser leurs militants sur l’utilisation abusive et malsaine des réseaux sociaux», Illiassou Algabid, WANEP-Niger.
Présent au Niger depuis le début du processus électoral, le WANEP fait un travail de monitoring en vue d’identifier les risques et les facteurs qui peuvent favoriser la survenue des violences électorales. D’après M. Illiassou Algabid, chargé du système d’alerte précoce des risques de violences électorales au Niger au niveau de WANEP-Niger, cette structure a relevé une forte utilisation des réseaux sociaux pour véhiculer des fausses informations, la désinformation, les diffamations et les rumeurs à travers les contenus audio et visuels, les écrits et les photos. «C’est malheureusement cette attitude qui prend le dessus sur les réseaux sociaux et est relayée par certains médias traditionnels. Les militants, les partisans et les sympathisants des différents candidats et de partis se lancent des messages de nature à déstabiliser la cohésion sociale et la quiétude. Notre responsabilité en tant que société civile, c’est de traquer ces informations, surtout entretenues généralement par les jeunes, pour apporter des réponses qu’il faut. Il s’agit de conduire des campagnes de sensibilisation à travers les mêmes outils par lesquels ces messages se propagent. C’est une responsabilité pour tous de contribuer à des élections apaisées, à la paix, à la stabilité, à la cohésion et à la quiétude sociale. Les leaders des partis politiques doivent à travers leurs meeting de campagne, interpeler leurs militants, les sensibiliser dans ce sens. Ils doivent leur demander de cesser cette utilisation abusive et malsaine des réseaux sociaux.», lance-t-il.
«Il faut savoir quelle est la portée d’une information et son utilité pour la population avant de la diffuser», Souleymane Brah Journaliste, Spécialiste de «fact-checking»
M. Souleymane Brah, journaliste spécialiste du «fact-checking» ou vérification des faits abonde dans le même sens. Il fait remarquer que l’avènement des réseaux a contribué au développement d’un certain activisme des citoyens sur les espaces publics. Malheureusement, souligne-t-il, les messages des haines et les injures sont diffusés à travers ces plateformes. Les gens ont une certaine liberté d’écrire, de filmer et de diffuser tous ce qu’ils veulent. Aujourd’hui avec ces réseaux sociaux, il suffit juste d’avoir son Smartphone pour devenir en quelque sorte un «journaliste» parce chacun a cette possibilité d’enregistrer et de diffuser ce qu’il veut. Selon Souleymane, l’analyse des données par rapport aux différentes publications sur
wathApp et facebook, fait ressortir une monté en puissance du ton, depuis la validation des résultats définitifs du 1er tour par la Cour Constitutionnelle.
«On assiste à une campagne électorale avec une montée en puissance de l’intolérance et de l’incivisme. C’est seulement cette année qu’on a vu des chefs de familles ou des familles toutes entières se faire diffamer, insulter, calomnier sans réserve sur ces plateformes. La difficulté c’est qu’il n’y a aucune possibilité de censurer et les gens qui reçoivent ces informations ne prennent pas le temps de vérifier les faits avant de les partager. Donc, il n’y a pas ce souci de savoir quelle est la portée de cette information et de chercher à savoir si c’est une information utile pour la population. C’est ce qui est dangereux pour la paix, la quiétude et la cohésion sociale parce que nous sommes dans une période électorale», a alerté M. Souleymane Brah, qui a demandé aux autorités de prendre leur responsabilité et d’appeler les jeunes et les usagers des réseaux sociaux à la prudence et à la retenue. M. Souleymane Brah déplore également le comportement de certains journalistes qui s’identifient aux internautes.
«On a besoin des acteurs politiques qui présentent leurs programmes de société (…) pour éclairer le choix des citoyens», Maman Jaharou Président de l’ONIMED
«D’un premier regard, on peut dire que le Niger n’a jamais connu une campagne aussi riche en langage inapproprié en politique du moment où on constate que les acteurs politiques eux mêmes descendent plus bas dans leur majorité, dans les débats, dans le langage utilisé et dans la manière de gérer l’adversité politique. Il est regrettable de constater que des acteurs qui sont sensés présenter aux citoyens leurs programmes de gouvernance et de société ont carrément opté pour des questions de vie privée, pour des questions communautaristes et plus grave ethno-régionalistes», regrette le président de l’Observatoire Nigérien Indépendant des Médias pour l’Ethique et la Déontologie (ONIMED). M. Jaharou salue et encourage les efforts des partenaires aux élections et de la société civile pour les actions qu’ils mènent depuis le début de ce processus en vue de sensibiliser la population surtout les jeunes sur l’utilisation des réseaux sociaux en période électorale dans le souci de prévenir les violences électorales.
«Cette campagne me fait croire qu’il y’a un travail de citoyenneté à faire, un travail républicain à faire après les élections pour que le Niger ne se retrouve plus dans ce genre de débats. On a besoin des acteurs politiques d’un type nouveau, on a besoin des acteurs politiques qui nous présentent plus des programmes de société et particulièrement on a besoin des citoyens qui nous relayent ces programmes-là, qui relayent l’ambition républicaine des différents leaders politiques afin d’éclairer le choix aux populations», estime M. Jaharou. Dans son analyse il a suggéré aux prochaines autorités de prendre en charge la question de la formation citoyenne et républicaine des populations notamment les jeunes. «Il faut que les réseaux sociaux soient profitables à la République et à la société», soutient-il.
Propos recueillis par Ali Maman(onep)