L’accès au service de la Justice est un droit fondamental pour tous les citoyens conformément à la Constitution du 25 novembre 2010. Malheureusement, les populations rurales qui constituent l’écrasante majorité de la population nigérienne font face à des difficultés liées à l’accès aux services judiciaires. Pire cette situation est remarquablement observée chez les femmes. Ces difficultés sont inhérentes à plusieurs facteurs dont les pesanteurs socio-culturelles, l’éloignement des services judiciaires, l’incompréhension et surtout l’analphabétisme de la population et la lenteur des procédures judiciaires.
Selon les explications de la directrice générale de l’Agence Nationale de l’Assistance Juridique et Judiciaire (ANAJJ), de manière générale, ce n’est pas uniquement les femmes mais tous les citoyens qui ont du mal à accéder à la justice. Plusieurs facteurs empêchent les personnes de venir à la Justice. Il s’agit entre autres de l’ignorance de la population car la majeure partie de la population nigérienne est analphabète. Beaucoup de personnes ne savent même pas comment accéder à la justice. Un autre facteur non moins négligeable est la pauvreté. Nombre de personnes pensent que venir à la justice, nécessite des frais à payer. Il y a aussi des personnes qui n’ont pas accès à la Justice du fait de l’éloignement des services judiciaires. Cet état de fait décourage les citoyens à aller vers ces services. Il y a également des pesanteurs socioculturelles qui empêchent les femmes à accéder à la justice. «Dans notre société, si on prend l’aspect patrimonial, la relation d’une femme avec son mari dans le foyer, la société voit mal, une femme porter plainte contre son mari même si elle subit des violences, même si c’est pour d’autres raisons», souligne la DG de l’ANAJJ.
Mme Rabiou Assétou Traoré, a précisé que selon la loi, la mission de l’Agence Nationale de l’Assistance Juridique et Judiciaire (ANAJJ) est de rendre l’assistance juridique à tout demandeur et l’assistance judiciaire à certaines catégories de personnes. L’assistance juridique est accessible à tous, sans distinction de nationalité, de sexe, d’âge ou de toute autre considération. Elle est totalement gratuite et est applicable à tous les domaines du droit. Quant à l’assistance judiciaire, elle est gratuite et est accordée à toute personne reconnue indigente. Toute personne peut aller demander l’assistance juridique et judiciaire au niveau du Bureau d’Assistance Juridique et judiciaire (BAJJ) de sa localité. «Nous avons des BAJJ dans les 10 Tribunaux de Grande Instance à savoir Niamey, Tillaberi, Dosso, Konni, Tahoua, Maradi, Zinder, Arlit, Agadez et Diffa. Il faut entendre par personne indigente, toute personne dont les moyens matériels et financiers sont insuffisants et ne lui permettent pas de faire face aux frais occasionnées par un procès. Cela est matérialisé par un certificat délivré par la mairie de la localité», a-t-il déclaré.
Il y a aussi des personnes pour qui l’assistance judiciaire est d’office. Il s’agit, selon la DG de l’ANAJJ, des mineurs poursuivis pour crime, délit ou contreventions, des mineurs victimes devant une juridiction répressive, des personnes handicapées prévenues ou parties civiles incapables de se défendre du fait de leurs handicaps, des personnes accusées comparaissant devant une Cour d’assise, des femmes victimes de violences et des femmes qui sollicitent le paiement d’une pension alimentaire, la liquidation d’une succession ou la garde d’enfants.
Actions de sensibilisation
L’Agence Nationale de l’Assistance Juridique et Judiciaire mène des activités de sensibilisation et de formation. Elle collabore avec les coordonnateurs des cliniques juridiques de l’ANDDH qui ont eu à faire des séances de sensibilisation dans certaines zones d’intervention avec l’appui du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD). «En ce qui concerne les formations, nous avons formé beaucoup de jeunes et de femmes leaders des régions. Pour ce qui est de l’assistance juridique, il faut noter qu’en 2022, nous avons totalisé 25.059 bénéficiaires. Quant à l’assistance judiciaire, les bénéficiaires sont au nombre de 1487 dont 135 majeures femmes ; 694 majeurs hommes ; 211 mineures filles et 447 mineurs garçons 447», a-t-elle révélé.
La directrice générale de l’Agence Nationale de l’Assistance Juridique et Judiciaire a estimé qu’un changement de mentalité s’impose afin d’amener les gens à comprendre que les services judiciaires sont là pour les aider. «Il y a des problèmes de foyers qui peuvent être résolus lorsque ceux-ci ont été pris en charge par les services compétents sans avoir recours au divorce qui est le stade final», a-t-elle expliqué. Par ailleurs, Mme Rabiou Assétou Traoré a déploré la manière par laquelle les dossiers de divorce sont traités au niveau coutumier. «Des fois chez les chefs de quartiers ou les chefs traditionnels on prononce le divorce sans se soucier de l’avenir des enfants du couple. Or, le divorce est un acte qui, généralement, a des répercussions sur la vie des enfants. Ce facteur est beaucoup plus négligé dans le traitement des problèmes des couples au niveau des autorités coutumières», a conclu Mme Rabiou Assetou Traoré.
Yacine Hassane(onep)