Au Niger, malgré l’existence des dispositions régissant l’adoption, cette dernière se fait de manière informelle, avec des accords verbaux ou consentement des parties. Cette vieille pratique est observée au sein de toutes les ethnies du Niger. Ainsi, les enfants peuvent être adoptés par des membres de la famille élargie, les amis, les proches. Cela, pour des raisons économiques, sociales ou culturelles. Bien que cet acte de générosité ou de bienveillance offre un environnement de vie enrichissant à l’enfant, il peut également l’exposer à des abus et à la négligence.
Fatima est une jeune adolescente de 12 ans qui endure des épreuves au sein de sa famille d’accueil. Elle est adoptée par une famille à Niamey. Son calvaire débute à la suite du décès de son père alors qu’elle était âgée de 5 ans. Sa mère, ne sachant à quel sein se vouer, l’a confiée à l’oncle paternel. Espérant trouver du bonheur ou une éducation de qualité en ville, la jeune demoiselle s’est retrouvée à s’occuper uniquement des tâches ménagères, devenant la domestique de sa nouvelle famille. Son boulot se résume à des courses au marché pour des petits achats. Pire, à la moindre erreur commise, la jeune fille est punie, voire frappée. Au Niger, la famille d’accueil, généralement des parents, a, entre autres rôles, de répondre aux besoins de logement de manière provisoire, assurer la garde de l’enfant et une alimentation saine et suffisante, contribuer à garantir la bonne santé, veiller à l’ hygiène corporelle et vestimentaire, contribuer à une éducation sociale et scolaire, apporter de l’affection, la compréhension et la tendresse, offrir un cadre de jeux et de loisirs adapté, et transmettre des valeurs morales.
Les centres d’accueil des enfants et la règlementation sur l’adoption
En réalité, rien ne justifie ce paradoxe et cette violence gratuite envers l’enfant adopté car, le Niger a ratifié plusieurs textes et traités internationaux relatifs à la protection de l’enfant. Parmi lesquels la Convention relative aux Droits de l’Enfant (CDE) ratifiée en 1990 et la Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l’Enfant (CADBE) en 1996 ainsi que plusieurs instruments juridiques protégeant les enfants. Selon la Convention relative aux Droits de l’Enfant (CDE), en son article 20, tous les enfants ont le droit de grandir dans leur famille d’origine, d’être élevés par leurs parents et de n’être séparés de leur famille que dans les cas où cela soit absolument nécessaire.
Les dispositions légales indiquent que, pour adopter un enfant mineur, l’intéressé se présente devant un notaire pour l’établissement d’acte d’adoption, ensuite il saisit le Tribunal de Grande Instance compétent par une requête pour homologation. Ce tribunal rend sa décision par jugement, après les réquisitions du Procureur de la République, pour soit homologuer ou non l’acte notarié d’adoption en tenant compte de l’intérêt supérieur de l’enfant mineur.
Au Niger, les Institutions d’Accueil et d’hébergement ont pour rôle d’écouter, d’orienter ou d’héberger les enfants âgés de zéro à moins de dix-huit (0 à -18) ans et nécessitant des mesures spéciales de protection. Ces institutions accueillent les enfants en régime résidentiel de type non familial.
En ce qui concerne les critères d’éligibilité, ce sont, entre autres, être chef de ménage et avoir l’accord de son ou sa conjointe pour être le réfèrent, avoir l’adhésion de tous les membres de la famille, se porter volontaire sans s’attendre à une contrepartie financière ou matérielle, être de bonne moralité, jouir d’une bonne santé (physique et mentale), avoir un intérêt particulier à protéger les enfants à besoins spécifiques, disposer d’un espace de vie convenable pour éviter la promiscuité, avoir un casier judiciaire vierge et ne pas faire objet d’une poursuite judiciaire, être capable de subvenir aux besoins fondamentaux de l’enfant, être de nationalité nigérienne et résider au Niger.
Prise en charge psychologique
L’adoption d’enfants au Niger est une initiative louable, offrant aux jeunes la possibilité d’intégrer une famille accueillante empreinte d’affection et d’avoir la chance de s’intégrer harmonieusement dans la société. Cependant, cette démarche n’est pas exempte de risques, car les foyers d’accueil peuvent parfois constituer des environnements perturbateurs pour le développement psychologique de l’enfant. Par exemple, une famille adoptive aux prises avec des problèmes d’alcoolisme, des troubles névrotiques ou en infraction avec les normes sociétales, pourrait inciter l’enfant à reproduire des comportements néfastes. Ainsi, l’adoption requiert une approche empreinte de sérieux et de précaution.
Selon les explications du psychologue Amadou Djibo, les défis liés à l’adoption sont nombreux et complexes. Il a précisé que l’âge auquel l’enfant est adopté revêt une importance capitale, car plus celui-ci est avancé, plus il est à même de saisir sa situation singulière. « Les enfants adoptés portent en eux des récits de vie marqués par l’orphelinat ou l’abandon, et la révélation de leur passé peut entraîner des bouleversements psychologiques considérables, plongeant ces jeunes dans un état émotionnel précaire. La découverte de leur rejet dès les premiers instants de leur existence peut engendrer une baisse de l’estime de soi et des régressions sur divers plans », a-t-il déclaré.
D’après ce professionnel, la prise en charge psychologique et l’adoption constituent un secret familial pesant lourdement sur l’équilibre affectif de l’enfant. D’où l’impératif pour les parents adoptifs de manifester une affection sincère et constante envers leur enfant, lui permettant de se sentir aimé et sécurisé, et d’assurer ainsi une transition sereine lors de la révélation de la vérité, évitant ainsi des souffrances inutiles ou des épisodes dépressifs.
M. Amadou Djibo a estimé nécessaire la présence d’un psychologue pour accompagner un enfant, car un suivi psychologique approfondi peut prévenir l’émergence de sentiments négatifs et favoriser un bien-être émotionnel et psychologique optimal. « L’avenir de ces enfants maltraités au sein des familles d’accueil peut être compromis, les poussant à envisager la fuite dès lors qu’ils prendront conscience de leur adoption et des sévices subis. La maltraitance peut être à l’origine de comportements déviants tels que la consommation de substances psychoactives, engendrant des sentiments de révolte envers leurs parents adoptifs à l’adolescence », a-t-il expliqué.
En termes de recommandations, notre psychologue prône la bonne moralité des familles car l’enfant est le reflet de ses parents. « Ainsi, maltraiter un enfant adopté, qui découvrira un jour sa véritable origine et les mauvais traitements subis, peut conduire à une hostilité envers ses parents adoptifs, alimentée par des questionnements sur son passé et le traitement infligé durant des années », a-t-il ajouté.
L’adoption, une pratique encouragée par l’Islam
Selon les explications du président de l’Association Faouziyya, Oustaz Moustapha Ahoumadou, l’Islam encourage ses adeptes à secourir une vie en détresse surtout une vie fragile comme celle des enfants ou des veuves. L’Islam considère l’adoption comme un devoir.
Expliquant le mérite de la prise en charge d’un orphelin, notre interlocuteur a ajouté que le Prophète Mohamed (PSL) disait dans un hadith authentique « Moi et celui qui adoptent les enfants, surtout les orphelins, sommes comme cela en montrant ces deux doigts ». Dans une autre version, le Prophète Mohamed (SAW) a dit que « Celui qui prend en charge un orphelin issu des siens ou d’autres sera avec moi au paradis comme ça : Malik (le rapporteur) fit un signe de l’Index et du majeur », a-t-il ajouté. Autrement dit, il aura d’énormes récompenses qui lui permettront d’avoir un rang élevé au Paradis, au point où il sera côte-à-côte avec le Prophète. « Le prophète est tellement tendre avec les enfants au point où il permettait à ses petits-enfants de monter sur son dos en étant en prière ou de s’amuser avec sa barbe. ‘‘C’est leur droit de leur permettre tout cela’’, renchérit Mohamed (PSL) », a souligné le leader religieux.
S’appuyant sur les propos du Prophète (PSL) ce leader religieux précise que l’islam encourage ses fidèles à adopter les enfants dont les parents sont vivants ou pas. L’objectif, c’est de les prendre en charge et leur offrir une bonne éducation. « Toutefois, il n’est pas permis que ces enfants adoptés empruntent le nom de leurs parents adoptifs », a-t-il fait remarquer.
Selon Oustaz Moustapha Ahoumadou, l’adoption des enfants nécessite, outre les moyens, certaines qualités morales et de la pédagogie. Il a précisé que l’adoption ne se limite pas seulement à la prise en charge, mais aussi au soutien psychologique.
Il a rappelé que le Prophète lui-même a vécu comme orphelin et il a donné l’exemple en adoptant certains de ses proches comme Ali Ben Talib (RA) et Ibin Massoudou (RA).
Oustaz Moustapha Ahoumadou a souligné la nécessité de renforcer les capacités de ceux qui sont en charge de gérer ces centres, car l’éducation des enfants est très sensible. Selon lui, ces agents ont besoin d’être bien encadré en psychopédagogie.
Le prédicateur a précisé que ces enfants sont une ‘’Amana’’ et qu’on doit y veiller. Citant un passage coranique, il ajoute ‘’Vos biens et vos progénitures ne sont qu’une épreuve et un test pour vous ’’.
Yacine Hassane et Abdoulaye Mamane (ONEP)