Présente à la 27ème édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO), avec son film, » Zinder » en compétition officielle dans la catégorie documentaire long métrage, la réalisatrice Aicha Macky a raflé deux prix spéciaux, plus une mention spéciale du jury prix du Conseil de l’Entente. Dans cet entretien, Aicha Macky, exprime sa joie pour ses récents succès, parle de sa nouvelle mission d’ambassadrice de la paix, l’annonce par le Chef de l’Etat d’un financement pour le cinéma nigérien,…
Quel sentiment vous anime après votre remarquable participation au FESPACO où votre film Zinder a permis au Niger d’être en bonne place avec deux prix spéciaux et une mention spéciale du Jury ?
C’est une immense joie qui m’anime pour cet honneur fait au Niger et ma modeste personne avec le Prix spécial de « la femme ambassadrice de la paix » initié par l’Agence française de développement, d’un montant de 7millions de francs CFA ; le Prix de « la meilleure réalisatrice de l’Afrique de l’Ouest» de la CEDEAO doté de 10 millions de francs CFA, une marque de reconnaissance. A ces deux prix s’ajoute la mention spéciale du Jury du Conseil de l’Entente. J’étais très émue de voir tout l’engouement et la joie que ces distinctions ont mis dans le cœur des Nigériens et même au delà des frontières. C’est aussi une responsabilité énorme que de porter ces titres sur mon épaule.
Désormais, je me dois d’être plus créative et de redoubler d’efforts pour le volet transmission à travers les formations que je donne aux plus jeunes afin d’assurer la relève.
Le Prix femme ambassadrice de la paix est accompagné d’une convention avec l’AFD ; cette distinction vous investit d’une mission spécifique ? Laquelle précisément ?
Ce titre vient me donner raison pour tout ce que j’avais l’habitude de dire à certaines personnes qui trouvaient que j’étais naïve quand je faisais du volontariat avec PDEV et Search For Common Ground. J’étais formatrice des formateurs en CVE (comment contrer l’extrémisme violent) et comment amener les communautés en conflit à être résilienter. Je n’avais pas gagné d’argent mais cette expérience de presque 10 ans m’a ouvert des portes blindées que l’argent ne pouvait ouvrir.
J’ai bénéficié de plusieurs programmes, comme le YALI, le PIPA, Saheli.ne.s 2040,… Être choisie parmi tant d’autres femmes cinéastes pour être ambassadrice de la paix me donne comme mission de perpétuer le message de la Paix dans mes films. C’est aussi de pouvoir rassembler les cinéastes au Niger et partout dans le monde car sans cohésion il n’y a pas de développement.
L’audience avec le Président de la République Mohamed Bazoum était, pourrait-on dire, une belle occasion de plaidoyer pour plus d’appui en faveur du cinéma et de la culture au Niger ; espère-t-on une annonce dans ce sens ?
J’étais émue de lire la joie sur le visage du Président de la République, SE Mohamed Bazoum qui me félicitait avec un large sourire et une chaude poignée de main. Il nous a marqué sa joie pour l’honneur fait à la nation à travers ses trois distinctions. Nous avons plaidé pour un fonds démocratique de cinéma qui permettrait à tout Nigérien du secteur qui le mérite d’avoir accès à un financement. Au nom de l’Etat, le Président de la République a pris l’engagement de mettre un milliard de Francs CFA dans le cinéma et de prendre en charge d’autres difficultés au niveau du Ministère de la culture et du centre national de la cinématographie du Niger. Je crois avoir accompli ma mission ce jour-là…
Avec une dizaine d’années d’expérience en tant que réalisatrice, pensez-vous que le développement du cinéma au Niger est lié seulement à la question de financement ?
Il n’y a pas que l’argent, mais c’est le nerf…Le cinéma c’est un art de prestige qui demande énormément d’argent. On fait appel à tous les techniciens des différents mailons : réalisation, production, scénarisation, prise de vue, prise de son…Il est la sommation de tous les arts dont il met en lumière. Adaptation d’un roman, portrait des artistes (musiciens, peintres…) sa lumière éclaire tout sur son passage.
Un pays où il n’y a pas de fonds pour le cinéma reste toujours à la traîne et n’arrive pas à placer ses techniciens, puisque les États qui financent les projets ont une stratégie pour faire ramener leur argent en demandant à ce que les techniciens de chez eux soient engagés et payés sur les fonds. Cela empêche d’avoir une industrie de cinéma et c’est une économie qui échappe à nos États puisque chaque technicien engagé c’est un emploi de plus qu’on procure et un chômeur de moins…
L’exemple du Sénégal que nous citons toujours est la preuve. De la création du FOPICA à aujourd’hui, les cinéastes du pays ont avancé de façon incroyable et ils sont comptés désormais dans toutes les grandes rencontres.
Avec déjà le chemin parcouru, quel appel avez-vous à l’endroit des cinéastes et acteurs culturels du Niger ?
C’est le moment de s’unir davantage pour la pérennité du fonds que l’Etat décide de mettre à la disposition du cinéma. Et je souhaite que l’État en fasse un fonds permanent pour que notre cinéma rayonne et fasse flotter le drapeau du Niger dans les grandes rencontres du cinéma d’ici et d’ailleurs.
Entretien réalisé par Souley Moutari(onep)