Monsieur le Directeur, qu’est-ce qui justifie la création du Centre Incubateur de l’Université Abdou Moumouni (CIUAM) ?
L’idée de création d’un centre incubateur est venue d’une sollicitation de la chambre de commerce, d’agriculture et d’industrie du Niger. Faisant le constat que le pays fait du surplace en matière d’initiative privée, les conseillers ont, au cours d’une réunion, interpellé l’université sur sa contribution à la promotion de l’entrepreneuriat au Niger. Ils expriment ainsi clairement le besoin de rénover la configuration du tissu économique, pour favoriser l’émergence d’une nouvelle race d’opérateurs, capables de créer de la richesse et/ou de l’emploi et de promouvoir la croissance économique et le développement du pays. Ils attendent clairement de l’université une impulsion de l’entrepreneuriat au Niger.
C’est à la fin de cette étude que le Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l›Innovation et les autorités rectorales ont décidé de créer un nouveau centre incubateur à l’université par l’arrêté n°000238/Rectorat du 1er Avril 2016. Il a été inauguré le 22 septembre 2017. Le centre est logé dans l’enceinte de l’université, juste en face de l’EMIG.
Ce centre se veut un centre de référence, fédérant les interventions du secteur public et celles du secteur privé pour créer et former des entrepreneurs de haut niveau afin de relever les défis socio-économiques du Niger. Les missions assignées au Centre Incubateur de l’UAM (CIUAM) sont la promotion de l’insertion des diplômés de l’enseignement supérieur; la promotion de l’entreprenariat en général et celle de l’entreprenariat estudiantin en particulier au Niger; la contribution à la valorisation des résultats de la recherche; la contribution à la professionnalisation des offres de formation. Cela vise donc à favoriser la création d’entreprises innovantes et valoriser les recherches; susciter l’esprit entrepreneurial et contribuer à la structuration de l’écosystème entrepreneurial. Le Centre Incubateur de l’UAM offre donc ses prestations aux porteurs d’idées ou projets d’entreprises à créer et/ou à développer.
Le centre incubateur universitaire parait le moins présent dans la dynamique de promotion de l’entreprenariat au Niger. N’est-il pas impliqué dans les programmes et politiques des acteurs comme le Ministère de l’Entreprenariat des Jeunes ou la Maison de l’Entreprise ?
Oui, a priori, le CIUAM, en tant que service public, et surtout relevant d’une université publique, peut paraitre absent dans l’écosystème entrepreneurial au Niger du fait que l’opinion publique, fidèle à sa conception classique des Universités Publiques, les voit plus dans la formation et la recherche fondamentale plutôt que dans la promotion de l’auto-emploi et de la création de richesses. La réalité est toute autre !
Le CIUAM en tant qu’outil public de promotion de l’entrepreneuriat a réussi à faire adhérer à sa logique insufflée par l’UAM tous les acteurs majeurs des dispositifs de promotion de l’entrepreneuriat. Ceux-ci participent déjà au Comité de Pilotage du CIUAM. Il s’agit, entre autres, du Ministère de l’Entrepreneuriat des Jeunes, du Ministère de la Formation Professionnelle et Technique, du Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, du Ministère du Commerce et de la Promotion du Secteur Privé, du Ministère des finances, du Ministère de l’Industrie, de la Maison de l’entreprise, de l’Association Professionnelles des Banques et Etablissements Financiers (APBEF), de l’Association Professionnelle des Systèmes Financiers Décentralisés (APSFD), du PNUD, de l’ANPE, de la Chambre des Métiers de l’Artisanat au Niger (CMANI), du Réseau des Chambres d’Agriculture du Niger, etc.
Le CIUAM a été et est un acteur majeur de la dynamique entrepreneuriale au Niger. Il est partie prenante dans l’élaboration de tous les documents sectoriels de base, à savoir la Stratégie Nationale de Promotion de l’Entrepreneuriat des Jeunes au Niger, le Programme d’Inclusion socio-économique des Jeunes et des Femmes, etc. Il participe aussi bien aux activités programmées par le Ministère de l’Entrepreneuriat des Jeunes que celles programmées par la Maison de l’Entreprise (à travers la Compétition Nationale des Plans d’Affaires dont le CIUAM est partie prenante dans l’accompagnement : coaching des lauréats).
En termes de performances, de sa création à aujourd’hui, quels sont les succès enregistrés au niveau de ce centre ?
Pour bien mener ses activités, le Centre Incubateur de l’UAM a mis en place trois (3) programmes dont l’Eveil Entrepreneurial, la Pré-incubation et l’Incubation.
Le Programme Eveil Entrepreneurial permet de faire découvrir le milieu de l’entrepreneuriat et ses valeurs fondamentales afin de lever les freins et démystifier l’entrepreneuriat, éveiller l’esprit d’initiative, développer des compétences entrepreneuriales et découvrir le parcours de l’entrepreneur.
Dans ce programme « Eveil Entrepreneurial », le Centre Incubateur de l’Université Abdou Moumouni (CIUAM), en collaboration avec l’Ambassade de France au Niger, a organisé des activités intitulées « Journées de rencontres et de sensibilisations sur l’entreprenariat et la création d’entreprises » à l’endroit de la jeunesse. Cette activité a été réalisée à Niamey et s’est poursuivie dans les régions suivantes: Tillabéri; Dosso; Maradi. A l’issue de ces activités, plus de cinq cent (500) jeunes ont été sensibilisés sur l’entrepreneuriat et la création d’entreprises à Niamey et aussi dans les chefs- lieux de régions.
Avec ce même partenaire, l’équipe du Centre Incubateur a bénéficié d’un renforcement de capacité auprès des Incubateurs du Burkina Faso. Cette activité a permis à l’équipe de connaitre les bonnes pratiques en entreprenariat des jeunes.
Le deuxième partenaire, qui est l’ARES (un Projet de la Coopération Belge), nous a apporté un appui technique en matière d’équipements et de communication pour assurer une plus grande visibilité à l’Incubateur.
L’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF), à travers le Campus du Nouvel Espace Universitaire Francophone (C-NEUF), nous accompagne également à travers le «Projet de renforcement des capacités pour l’employabilité des diplômés et l’ouverture de l’Université Abdou Moumouni au monde productif».
Ici, le Centre Incubateur a organisé des activités intitulées « Séminaires de sensibilisation et de mise en situation entrepreneuriale », des « formations en techniques de recherche d’emploi ». Ces séminaires sont relayés par un concours de présentation de modèles d’affaires. Les meilleurs ont reçu un appui financier et un accompagnement (dix diplômés sont pour l’instant bénéficiaires) pour la maturation de leurs projets de création d’entreprises.
Dans le même cadre du projet, plusieurs autres activités ont été planifiées, dont la création et animation d’une plateforme permanente de concertation université-milieux professionnels; l’organisation de forums université-entreprises; la formation des femmes transformatrices en techniques de transformation. Ces activités visent à atteindre les résultats suivants: un réseau des alumni et des diplômés de l’UAM est créé; 4 conventions de partenariat signées par an entre l’UAM et des entreprises; des rencontres trimestrielles sont organisées; 50 femmes transformatrices par an sont formées aux techniques de transformation; 50 diplômés par an ont leurs projets de création d’entreprises; et tous les résultats annuels de recherche sur l’entrepreneuriat sont diffusés et accessibles.
Dans le cadre du Programme Pré-incubation, les porteurs d’idées ou de projets admis sont soutenus pour développer leurs idées, produire un modèle d’affaires et un plan d’affaires bancables. Ils sont aussi appuyés dans la recherche de financement. Dans ce programme, le CIUAM aide également les porteurs de projets à tisser des relations de coopération et s’intégrer dans des réseaux d’affaires. Ceci a permis à des promoteurs de bénéficier des subventions et des prêts auprès des partenaires tels que: OXFAM, OIM, AUF. Les porteurs de projets participent ainsi à plusieurs évènements entrepreneuriaux tels que la journée mondiale de l’entreprenariat, des journées de réseautage, le Forum International Jeunesse et Emplois Verts (FIJEV), SAHEL INNOV, etc.
Le programme Incubation est en cours de démarrage. Un appel a déjà été lancé et une vingtaine d’entreprises ont postulé à l’entrée en incubation au CIUAM. Par ce programme, les entreprises recevront des services pour assurer et sécuriser leur lancement; fortifier leurs dispositifs techniques et commerciaux; réussir une croissance saine; se diversifier; se développer à moyen et long terme.
La compétition e-Takara est à sa 3ème édition : avez-vous des potentiels candidats porteurs des projets à caractère numérique ?
Nous sommes partie prenante de la compétition e-Takara et d’ailleurs, en tant qu’Administrateur du CIUAM, je suis membre du Jury. En outre, le CIUAM étant un Incubateur généraliste, donc qui ne fait abstraction d’aucun domaine d’activité pour recevoir les porteurs de projets, nous incubons des jeunes étudiants exerçant dans le numérique et qui participent déjà à certaines activités de l’ANSI.
Quelles sont les difficultés auxquelles votre centre incubateur fait face aujourd’hui et quelles sont les perspectives ?
Les difficultés auxquelles l’Incubateur fait face aujourd’hui ne sont autres que celles rencontrées par tout autre service public au Niger. Il s’agit, entre autres, de l’insuffisance de ressources financières de fonctionnement ; de l’insuffisance de ressources matérielles pour l’accueil et l’hébergement des Porteurs de projets et entrepreneurs ; la discordance des principes de fonctionnement de l’entreprise privée et du service public : difficultés d’assurer la convergence des intérêts ; la très faible possibilité d’adapter les ressources d’accompagnement à l’évolution de la demande ; la faible flexibilité des services administratifs aux exigences et souhaits des porteurs de projets et entrepreneurs ; la faible connectivité au réseau internet.
Propos recueillis par Mahamane Chékaré Ismaël