Monsieur le directeur général, l’ANVD va souffler ses dix bougies dans quelques jours. De manière succincte, voudriez-vous bien présenter aux Nigériens cette institution, sa ou ses mission(s) ainsi que les objectifs qui lui sont assignés ?
L’ANVD a effectivement vu le jour le 16 avril 2014. Mais, peut-être qu’il faut parler de la circonstance qui a servi à sa naissance. Il s’agit en effet du décret 2007-281 instituant le volontariat au Niger qui a jeté les jalons de la mise en place d’un programme de volontariat au Niger (PROVONI). Ce programme qui s’est étalé sur trois ans devrait à la fin de l’année 2010 voir l’agence s’installer définitivement mais il a fallu 2014 pour que la création de l’agence soit effective. L’agence a pour mission de contribuer à la mise en œuvre des stratégies et politiques de développement en vue de l’atteinte des ODD. Pour ce faire, l’ANVD est chargée spécifiquement du recrutement, de la formation et du suivi-évaluation des volontaires, des actions basées sur le genre ; de coopération avec les organisations sœurs nationales ou étrangères. Depuis 2022, elle s’occupe aussi de la gestion du Service civique national. La vision de cette agence, c’est de faire que le Niger devienne un pays émergent, paisible avec une économie dynamique.
Quelles sont les catégories de personnes considérées comme volontaires et quelle forme de volontariat a-t-on ?
Pour être considéré comme volontaire, il faut d’abord qu’il y ait un formalisme, il faut un contrat qui caractérise cette mission de volontariat. Un contrat à travers lequel on dit à la personne ce qu’on attend d’elle et la période durant laquelle la mission lui est confiée. Il y a le volontariat de compétence d’une durée de deux ans et le volontariat communautaire qui, lui, peut aller au-delà de cinq, dix ans ou toute la vie. C’est ce qu’on appelle les relais communautaires, des volontaires qui vivent dans leurs villages, quartiers et qui participent à des actions de développement. Pour être volontaire, il faut avoir d’abord l’âge de 18 ans. La qualification est certes mise en exergue mais on ne prend pas que ceux qui ont été à l’école ou des diplômés ou ceux qui savent faire quelque chose. L’ANVD donne la chance à tous les Nigériens principalement les jeunes de donner un peu de leur temps au pays. Il y a plusieurs catégories de volontaires : de ceux qui ont BAC+8 aux ouvriers spécialisés en passant par les diplômés intermédiaires. Par exemple, je suis jardinier et je m’y connais bien, l’ANVD me donne l’occasion de montrer ce que je sais faire. Beaucoup des jeunes ont été mobilisés comme ça et ont servi le Niger et nous continuons à le faire. Les relais communautaires cités plus tôt sont des gens qui n’ont pas forcément été à l’école. C’est juste des nigériens qui vivent dans leurs communautés avec leurs propres activités et qui servent de relais à l’administration pour aider à ce que les services sociaux de base touchent les citoyens, même les plus reculés.
Quels sont les groupes cibles de l’ANVD et quels sont les avantages du volontariat ?
Les groupes cibles de l’ANVD sont des deux ordres. D’une part ceux qui requièrent la venue des volontaires dans leurs zones et d’autre part les candidats au volontariat eux-mêmes. Il s’agit en définitive de ceux qui demandent les volontaires et ceux qui aspirent à être volontaires. Ceux qui veulent avoir des volontaires déposent leurs demandes à l’agence en remplissant un formulaire de demande. L’ANVD déploie un volontaire sur la base d’une trilogie, le besoin, la demande formelle et la réponse de l’agence. C’est ce qui fait que le volontaire est recruté puis déployé auprès de la structure requérante. L’autre partie, ce sont les candidats qui aspirent au volontariat. Ceux-là peuvent attendre qu’il y ait une offre ou dès lors qu’ils ont leurs diplômes venir à l’ANVD faire un dépôt de candidature spontanée. Dès qu’il y a une offre qui cadre avec leur profil, on les appelle pour leur dire la structure qui est intéressée par leur profil et leur demander s’ils sont à leur tour intéressés par les lieux où ils sont censés aller servir.
Le volontariat offre de multiples avantages aux jeunes qui y adhèrent. Pour un volontaire, il y a d’abord cette satisfaction morale d’avoir mis son temps au service de sa communauté, de son pays, d’avoir contribué à booster les choses. Mais le volontariat permet aussi au jeune diplômé volontaire d’acquérir une expérience lui permettant d’être compétitif sur le marché de l’emploi. Il acquiert également un savoir-faire, un savoir-vivre et un savoir-être car, au-delà de la formation théorique de l’école, le volontaire entre en contact avec la réalité du terrain : les communautés, les religions, les diversités, toute chose qui l’enrichit personnellement en découvrant en outre un environnement de travail multiculturel. Il leur permet d’acquérir une expérience avérée leur permettant d’être compétitifs sur le marché de l’emploi, donc accroit leur employabilité. En plus, le volontariat développe, chez la personne, le sentiment d’avoir été utile à son pays
L’ANVD a-t-elle un programme de suivi des anciens volontaires ?
C’est même pour cette raison principale que la gestion du Service civique national a été transférée à l’agence. Parce que nous avons un dispositif de suivi-évaluation des missions des volontaires à l’échelle nationale. Ça veut dire que lorsqu’on déploie les volontaires à l’intérieur du pays, puisque ce n’est pas qu’à Niamey seulement, l’ANVD ne les laisse pas à eux-mêmes. Nous entretenons des liens forts avec leurs structures d’accueil parce que pour que le volontaire reçoive sa prime mensuelle, il lui faut transmettre un rapport d’activités. Nous faisons le suivi de cela, il y a le suivi téléphonique aussi auprès du volontaire lui-même et auprès de la structure de tutorat. Il y a aussi des missions qui veillent sur les conditions de travail du volontaire, sur la satisfaction ou pas de la structure quant au rendement du volontaire, etc…
Quelles sont les perspectives post-volontariat qui s’offrent à ces jeunes gens ?
Nous avons la chance de gérer le volontariat et le Service civique national (SCN) qui sont deux formes d’engagement citoyen. Si un volontaire finit son travail, il peut basculer vers le SCN. Mais avant qu’un volontaire ne finisse sa mission, l’ANVD, en rapport avec d’autres structures de l’Etat dont la direction de l’entrepreneuriat des jeunes, forme ces volontaires à pouvoir se prendre en charge eux-mêmes par la création d’une activité. Quand une structure nous demande des personnes qualifiées, nous la renvoyons à notre base de données des volontaires qui ont cette mission et qui ont donné de bons résultats. Actuellement, il y a des jeunes qui gagnent très bien leur vie grâce au volontariat. Quand vous faites le volontariat, l’ANVD ne vous abandonne pas. Elle continue à être en contact avec vous, elle vous délivre votre certificat de volontariat qui a aussi une valeur juridique pour l’Etat quand vous intégrez la fonction publique. Nous sommes en train de voir dorénavant comment prioriser les Nigériens qui ont ces deux papiers de volontariat et de Service civique national pour que l’Etat soit plus regardant dans une sorte de discrimination positive en faveur de ceux-là qui ont accepté de donner leur temps et leurs compétences au service de leurs communautés, de leur pays.
L’ANVD dispose-t-elle d’antennes à travers le pays ?
Dès sa création, il était prévu que l’ANVD ait huit antennes régionales. Pour le moment, nous avons pu opérationnaliser deux antennes (Agence Régionale de Volontariat pour le Développement ARVD), celles de Tahoua et de Maradi. Dans les régions dans lesquelles l’ANVD n’a pas d’antenne, elle est représentée par les directions régionales de l’aménagement du territoire et du développement communautaire avec lesquelles nous avons le même ministère de tutelle. Ces mêmes représentations sont répertoriées au niveau de chaque département.
En dix ans d’existence, que peut-on retenir en termes de résultats de l’ANVD ?
En dix ans d’activités, nous avons pu mobiliser plus d’un millier de volontaires repartis dans les huit régions du pays, y compris à l’international dans le cadre de la réciprocité. On peut compléter ces chiffres avec celui des appelés du service civique national. Mais là, ce n’est qu’en 2022 que l’ANVD a commencé la gestion des ASCN. Nous avons pu mettre à la disposition des ministères plus de six mille (6000) appelés du service civique national. C’est l’ANVD qui reçoit les dossiers de candidatures de service civique, fait le tri et prépare le projet d’arrêté pour le ministre de tutelle. En plus du transfert de la gestion des ASCN à l’ANVD, qui est une reconnaissance nationale, l’ANVD a adopté le guide d’orientation et de référence sur les relais communautaires de développement dont l’ANVD est responsable de l’ancrage institutionnel. Une journée nationale dédiée à ces relais a été instituée et célébrée les 10 novembre de chaque année. Au plan international notre agence a obtenu le Prix International AWARD in Excellence and Quality (IAIQ) en 2018 à Frankfurt en Allemagne.
L’ANVD travaille-elle avec d’autres structures étatiques et non étatiques ?
Déjà, il faut mettre en tête de liste les collectivités territoriales. Il y a également les services centraux et déconcentrés de l’Etat. De la Présidence de la République au plus bas niveau, ces services peuvent s’adresser à nous pour avoir des volontaires. Entre autres partenaires, nous avons également les ONG et associations de développement, des organisations internationales légalement installées au Niger ainsi que des structures sœurs des autres pays évoluant dans le même domaine dans le cadre de la réciprocité. La particularité avec les ONG et les associations de développement, c’est que pour avoir un volontaire chez elles, il faut un accord de partenariat. Ce qui n’est pas le cas pour les services déconcentrés étatiques et les collectivités territoriales. Concernant les structures étatiques, nous avons un partenariat particulier avec le ministère de la santé car, il absorbe près de 80 % des volontaires que nous déployons sur le terrain à la grande satisfaction des populations.
L’ANVD entretient-elle un partenariat spécifique avec le système de volontariat des Nations Unies ?
En effet, il faut rappeler que le programme de volontariat, l’ancêtre de l’ANVD, a été grandement supporté par le programme des Nations Unies pour le développement PNUD par sa branche Programme de Volontariat des Nations Unies (PVNU) avec lequel nous sommes restés en parfaite symbiose. Chaque année, l’ANVD et le PVNU s’assoient pour voir ce qu’il y a à faire. Dans le cadre de ses actions au niveau international, le PVNU associe toujours l’ANVD, tout comme nous aussi dans le cadre de nos activités.
Le Niger entend lancer des grands projets dans les secteurs vitaux de la nation, notamment le secteur rural pour assurer sa souveraineté, quelle contribution l’ANVD peut-elle apporter pour la réalisation desdits projets ?
C’est pour être véritablement dans cette lancée que nous envisageons de rendre plus opérationnelles nos antennes régionales afin de permettre aux localités éloignées d’avoir une oreille attentive. D’ores et déjà, avec la direction de l’entrepreneuriat des jeunes qui est sur un chantier agricole colossal, l’ANVD participe activement à cette mission. L’Agence projette de donner aux jeunes la chance d’être les principaux acteurs dans la mise en œuvre de plusieurs projets de développement en passant par leur autonomisation et en renforçant leurs capacités d’esprit entrepreneurial. Les secteurs sociaux de base constituent les champs clés des interventions de l’ANVD qui s’activera sans ménager d’effort pour l’affirmation de la souveraineté du Niger dans tous les domaines. L’agriculture a toujours été l’un des secteurs sociaux de base dans lesquels l’ANVD a évolué. Nous allons accentuer cet aspect. A titre illustratif, nous avons mis à la disposition de la commune rurale de Fachi (Bilma) un volontaire spécialiste de l’élevage.
Quels sont les défis et les perspectives actuels de l’ANVD ?
Le défi majeur, c’est l’opérationnalisation des antennes régionales et ce qui s’en suit pour permettre aux jeunes, de tous les quatre coins du pays, de s’en approcher et connaître les opportunités qui s’offrent à eux grâce à l’ANVD et de s’inscrire dans cet agenda, qui est celui de booster le développement à la base. Beaucoup de structures méconnaissent encore l’ANVD. Donc, notre autre défi, c’est de la faire connaître, mettre l’agence à la portée de chaque jeune. Nous voulons donner plus d’alternatives aux jeunes pour qu’ils n’aient plus à être tentés à rejoindre le côté obscur de la vie. Nous avons des jeunes qui ont appris toute sorte d’activités génératrices de revenu, l’ANVD leur donne l’occasion de se mettre en valeur en leur donnant une prime de motivation pouvant les aider à ouvrir leurs ateliers et être autonomes. Celui qu’on met à la disposition de la mairie comme électricien, plombier, menuisier ou autre ne peut jamais participer à une entreprise de saccage de ce qu’il a contribué à réaliser. C’est cet esprit patriotique et de respect du bien public et du sacrifice que nous voulons inculquer aux jeunes. C’est le moment pour moi d’appeler ces jeunes à ne pas se décourager, à venir toujours vers l’ANVD car, même quand il n’y a pas un déploiement de volontaires, l’ANVD en collaboration avec la direction de l’entrepreneuriat des jeunes, forme toujours les jeunes diplômés.
Interview réalisée par Zabeirou Moussa (ONEP)