Titulaire d’un doctorat d’Etat en Médecine obtenu en 2004 à la Faculté des Sciences de la Santé de l’Université Abdou Moumouni de Niamey où elle s’est spécialisée plus tard en gynécologie obstétrique avec l’obtention d’un DES en 2023, Marie Djika exerce depuis 2006 le métier de médecin dans des services sanitaires de l’armée, corps dans lequel elle est officier avec le grade de Colonel. Marie Djika a occupé deux fois la fonction de Médecin et Médecin chef dans divers services de l’armée de 2006 à 2019, de coordinatrice du comité interministériel de lutte contre les IST/VIH Sida/Tuberculose au sein des Forces de Défense et de Sécurité. Aussi, en qualité de médecin gynécologue, elle a des jours de consultation dans une maternité de la place. Au niveau international, outre les formations de renforcement de capacité dont elle a bénéficiées dans des pays africains et aux Etats Unis, le Médecin Colonel Marie Djika a été également médecin-chef au sein de la mission de l’ONUCI en Côte d’Ivoire en 2007, puis observateur militaire pour la MONUSCO en RDC entre 2012 et 2013.
Avec plusieurs distinctions nationales et internationales dont le titre de Chevalier de l’Ordre National, Chevalier de l’Ordre du Mérite, la Médaille d’honneur de la Santé (bronze), la Médaille de théâtre extérieur, la Médaille de la MONUSCO (RDC), la Médaille de l’ONUCI (RCI), Marie Djika officie, depuis le 4 avril 2024, à la Commune Niamey 1 dont elle est administratrice déléguée. Dans cette interview l’administratrice déléguée évoque ses priorités dans la nouvelle mission qu’elle vient de commencer, les défis auxquels il faut faire face. Mais, tient à préciser Colonel Marie Djika, il ne s’agit pas pour elle de mettre une pause dans son travail de médecin. « Administratrice déléguée et médecin gynécologue, je pense que chacun des rôles implique un dévouement envers la communauté. Administratrice déléguée, c’est juste une fonction qui ne devrait pas empiéter sur le métier », affirme le Médecin Colonel Marie Djika.
Mme l’administratrice déléguée, après quelques mois à la tête de la commune 1 de Niamey, quelle est votre priorité au niveau de cette collectivité ?
La priorité, je dirai plutôt les priorités. C’est tout d’abord l’assainissement qui est un problème d’ordre général à la ville de Niamey. Il faut qu’on se dise la vérité ; la ville de Niamey est sale du fait de nos comportements, nous citoyens. On peut citer comme exemple la défécation en plein air. Nous envisageons à court terme des campagnes de sensibilisation pour une prise de conscience globale. Vous n’êtes pas sans savoir que la majorité des maladies développées par l’homme sont liées à l’environnement immédiat. Avec l’installation effective de la saison pluvieuse nous atteignons le pic de paludisme surtout chez les enfants. Pourtant des campagnes de prévention ont été menées bien avant, ainsi que la distribution de moustiquaires. Mais vous pouvez trouver des concessions où des personnes cohabitent avec des eaux stagnantes entretenues par les habitants eux-mêmes. Ensuite, il y a l’occupation anarchique de l’espace public qui constitue pour nous une autre priorité. Car, cette attitude a un impact sur l’assainissement du fait de l’obstruction des caniveaux. C’est ce qu’on constate dans certains quartiers. Et l’exemple patent est le cas du boulevard Tanimoune. Tout au long de cette grande voie se trouvent un amoncellement d’échoppes et même de grandes enseignes ayant construit des terrasses sur les caniveaux. Ce qui les rend inaccessibles en cas de travaux du curage.
La commune dont vous avez la charge est la plus grande de la ville de Niamey et les préoccupations y sont aussi nombreuses ; qu’avez-vous initié depuis votre arrivée pour améliorer le cadre de vie de la population de cette entité confrontée surtout en saison des pluies aux problèmes des voies d’accès, d’insalubrité dans certains quartiers ?
L’arrondissement communal est un permanent chantier. Il y a beaucoup à faire. Mais nous restons optimistes. En à peine 4 mois de fonction, on est en train de faire nos preuves avec le peu de moyens que nous disposons. Dès notre prise de fonction, nous avons initié une campagne de salubrité en l’occurrence le ramassage des ordures au niveau des différents dépotoirs. Et concernant la voirie, l’activité phare a été, je pense bien, la réfection du pavé de la 1ère latérite du quartier Récasement et le traçage de la voie Tondikoarey- Goroubanda. Bien avant le début de la saison pluvieuse nous avions initié le curage des caniveaux pour prévenir les catastrophes liées aux inondations. Nous avons aussi entrepris le colmatage et le bitumage ainsi que le rechargement avec la latérite de certaines rues.
Mme l’Administratrice déléguée, l’incivisme fiscal a souvent été évoqué comme frein pour la réussite de la mission des collectivités ; qu’en est-il actuellement au niveau de la commune 1 de la ville de Niamey ?
L’incivisme fiscal est ancré dans l’habitude du Nigérien. C’est un fléau qui peut sérieusement limiter les capacités de l’Etat à assumer ses missions régaliennes. À qui incombe la faute ? Je pense que nous, agents de la mairie bien sûr, avons une part de responsabilité. Sans rentrer dans les détails nous sommes en train de vouloir changer les choses de ce point de vue. Nous planifions de moderniser le secteur par la digitalisation. Le contribuable, par contre a la plus grande part de responsabilité. L’incivisme fiscal revêt plusieurs formes : corruption, la manipulation des déclarations fiscales, refus de payer les taxes etc…
Malheureusement, c’est un cercle vicieux qui est là : le contribuable cherche des voies et moyens pour ne pas avoir à payer les taxes tout en exigeant d’avoir des routes praticables, un environnement et cadre sains par exemple. Alors que la fraude déstabilise les recettes publiques et entame la capacité des autorités à fournir les services dont les citoyens ont besoin.
Quel message avez-vous pour la population de la Commune 1 au sujet de l’opération de déguerpissement des occupants des espaces publics en cours dans la Ville de Niamey ?
En fait, il faut savoir ou souligner que les places occupées par les revendeurs et commerçants ne deviennent jamais leur propriété. L’autorisation délivrée stipule toujours que la mairie peut récupérer à tout moment et au besoin l’espace octroyé. Ça ne relève d’aucune ambiguïté, mais les occupants font semblant d’oublier cette clause. Beaucoup d’espaces sont occupés frauduleusement. C’est au moment de contrôle inopiné qu’on se rend compte que les boutiques ont été installées sans l’autorisation de la mairie. Un fait déplorable est que les citoyens officient la nuit, surtout quand ils n’ont pas d’autorisation ou quand il s’agit d’un site interdit à toute occupation. Lorsque nous entreprenons une opération de déguerpissement, ce n’est nullement pour nuire à autrui, mais c’est plutôt pour engager des travaux d’intérêt général, donc pour le bien de la communauté. Et nous nous assurons de trouver aux personnes concernées de nouveaux emplacements. Le message que nous transmettons à la communauté c’est de nous accompagner à chaque fois que nous entreprenons ce genre d’activité, d’en comprendre la nécessité et l’intérêt.
Colonel, avant d’être nommée administratrice déléguée de la commune 1 vous exerciez dans le domaine de la santé en qualité de médecin spécialiste ; avez-vous mis une pause dans ce travail pour vous consacrer à votre nouvelle mission ?
Administratrice déléguée et médecin gynécologue, je pense que chacun des rôles implique un dévouement envers la communauté. L’un n’empêche pas l’autre, tout est une question d’organisation. Ça n’est certes pas facile, mais je m’accroche et grâce à Dieu j’arrive à mener de front les activités. Ce qui veut dire que je continue à prendre des jours de consultation dans une maternité de la place. Administratrice déléguée, c’est juste une fonction qui ne devrait pas empiéter sur le métier.
Interview réalisée par Souley Moutari (ONEP)