Le miel est un produit forestier non ligneux. Au Niger, il est exploité surtout dans les zones sahéliennes et sahélo-soudaniennes du pays. Le département de Gaya a la spécificité d’être dans une zone climatique favorable à la production du miel dans la mesure où il est la zone la plus arrosée du pays. Les forêts sont denses dans cette zone où la végétation est propice à l’éclosion des abeilles qui produisent le miel. C’est un liquide compact de couleur jaune dorée et tantôt légèrement foncée en fonction du type de miel. Le miel est un produit commercialisé en raison de sa forte demande dans les zones urbaines où sa consommation est considérée comme un luxe. Par ailleurs, le miel comporte une forte valeur nutritionnelle. Il est aussi utilisé dans la pharmacopée traditionnelle. Ce qui fait que le prix dépasse le pouvoir d’achat de certaines populations rurales. Et c’est surtout cette demande sans cesse croissante sur le marché qui va attirer l’attention de certains producteurs et commerçants véreux à se verser dans la tricherie. Cependant, au village de Tombo-béri situé à 11 km au Nord de la commune urbaine de Gaya, les producteurs du miel conservent avec jalousie leur notoriété par rapport à la production et à la vente du miel pur, autrement dit le miel naturel. Le mardi 7 septembre 2021, nous avons décidé d’aller à la rencontre des producteurs du miel du village de Tombo-béri après une pluie qui s’est abattue presque toute une demi-journée dans cette zone. Ces précipitations sont pareilles aussi pour la ville de Gaya. Le temps est beau et clément. L’air frais rend naturellement la température basse. Nous empruntons la route aux environs de 16 heures une piste sablonneuse pour joindre le village de Tombo-béri en compagnie du lieutenant des Eaux et Forêts Maman Laouali dit Karanmi et un natif du village en la personne d’Ali Garba pour ne pas s’égarer dans une brousse où les pistes se rejoignent et s’entremêlent parfois, explique le lieutenant qui n’a pas véritablement duré dans la zone de Gaya. Il préfère jouer la carte de la modestie et de l’humilité. ‘’Avouer ne pas connaitre une chose est aussi une forme de connaissance’’, ajoute le Lieutenant dans une envolée lyrique. Il anime tout au long du voyage pour peut-être détourner notre attention par rapport à certains endroits de la piste où les flaques d’eau sont importantes. La végétation est caractérisée par une verdure à perte de vue et des grands arbres touffus et arbustes qui se développent bien car absorbant l’eau qui s’infiltre dans le sol. Ce type de végétation est favorable au développement des abeilles, principal géniteur du liquide compact et sucré. L’humidité est monnaie courante dans cette zone, alors que dans d’autres localités du pays, le ciel semble fermer ses vannes. Autrement dit, une longue période de pause de recherche s’installe dans plusieurs endroits du pays. Après plus d’une demi-heure de route, nous voilà dans le village de Tombo-béri. On s’arrête à côté d’un hangar où les producteurs se regroupent. Ce hangar est considéré comme l’arbre à palabre, un lieu où les vieillards du village se rencontrent pour parler de tout et de rien. En fait, ces producteurs du miel étaient prévenus de notre arrivée depuis la veille. Seulement, les contingences liées aux précipitations ont rendu l’attente longue et difficile au point où certains ont cru à un faux rendez-vous. A côté du hangar où l’arbre à palabre, se dressent huit (8) géants baobabs du village de Tombo-béri. Des cris stridents des oiseaux sauvages sur les baobabs nous accueillent dans la même foulée. L’information relative à notre arrivée est aussitôt répercutée dans tout le village. Les producteurs du miel se regroupent à nouveau au QG (le quartier général). Le chef du village de Tombo-béri Issa Tahirou est le président des producteurs du miel.
L’histoire du miel à Tombo-béri
L’exploitation et la production du miel au village de Tombo-béri sont aussi vieilles que le village lui-même. Tout comme l’agriculture, la production du miel est une activité saisonnière qui occupe quasiment l’ensemble des habitants du village. L’activité est léguée de génération en génération. Faute de dire avec précision à quand remonte le début de la production du miel à Tombo-béri, le chef du village se contente d’ajouter que ‘’ nos arrières arrières grand-parents produisaient du miel ; nos grand-pères l’ont fait jusqu’à nous qui continuons à perpétuer l’activité’’, raconte avec lucidité le septuagénaire. Les moyens de production restent tout de même traditionnels malgré la durée séculaire de la production du miel au village de Tombo-béri. Si à l’époque, ce moyen principal de production qu’est la ruche se trouvait sur place, il n’en est plus le cas aujourd’hui. Les effets du changement climatique ont certainement fait en sorte que la paille servant à la construction de la ruche n’existe plus dans cette zone. Cette paille est importée à partir du Bénin voisin. Mais qu’est-ce que la ruche ? Elle est une paille qu’on confectionne sous la forme d’une basse-cour ou d’une petite case. Avec la quantité de paille qu’on vend à 5000 FCFA, il est possible de confectionner jusqu’à quatre (4) ruches. La ruche est méticuleusement fermée par un couvercle lui-même fabriqué à l’aide d’une tige de rônier. L’instrument étant confectionné, le producteur passe l’étape suivante qui consiste à monter sur un arbre pour accrocher la ruche. Le choix de l’arbre importe peu ici. L’essentiel, est de s’assurer de l’existence des abeilles qui fécondent le miel dans cet endroit. Souvent, la ruche dure deux à trois mois. Pour éloigner la ruche des abeilles après que celle-ci soit suffisamment remplie du miel, il va falloir mettre du feu. C’est ici que le risque est grand, parce que la ruche peut prendre feu. Ce feu est susceptible de dégénérer pour provoquer un feu de brousse. D’où le contrôle régulier des agents des Eaux et Forêts dans les zones de production du miel. Selon le président des producteurs du miel de Tombo-béri, deux périodes de l’année sont propices à la cueillette du miel. Le début de la saison des pluies et après la récolte du mil et du sorgho, correspondant au début de la saison de froid. C’est dire que la production du miel comporte deux saisons. Chaque saison dure environ cinq (5) mois. A l’époque, il y avait un projet qui appuyait les producteurs du village de Tombo-béri. Il avait construit une maison de conservation du miel et la mise à la disposition des producteurs d’équipements. Depuis lors, les matériels sont désuets et hors usage et la maison effondrée faute d’entretien. Les producteurs du village de Tombo-béri souffrent cruellement d’un manque d’organisation sérieuse pour exploiter de façon judicieuse le potentiel dont regorge cette zone en matière de production du miel. Le village compte au total 30 producteurs. Le litre de miel est vendu au village de Tombo-béri à 5000 FCFA. La moitié du litre est cédée à 2500 FCFA. Le résidu du miel qui reste dans le récipient après la soustraction du liquide est aussi vendu à ceux qui fabriquent les bonbons traditionnels.
Cependant, l’exploitation du miel est loin d’être un long fleuve tranquille. Outre le risque lié au feu de brousse, les abeilles se défendent aussi lorsque le producteur tente de les séparer de leur nid qu’est la ruche qui lui est tendue pour fondre. ‘’ Les attaques des abeilles sont violentes parce qu’elles piquent l’adversaire pour qu’il la laisse tranquille. Seuls ceux qui sont habitués aux morsures des abeilles peuvent résister. Par contre, lorsqu’elles piquent un néophyte, celui-ci sera contraint de se rendre à l’hôpital tellement le venin est douloureux. Mais, il faut dire qu’au-delà de l’habitude, se cachent des incantations et des formules que seuls les initiés gardent le secret qui permet de dompter la furie des abeilles en détresse’’, a révélé le président des producteurs du miel avec inadvertance. Il garde tout de même top secret les incantations et les formules transmises de génération en génération.
Lorsque la campagne de production du miel est bonne, un producteur du village de Tombo-béri peut avoir jusqu’à 200 L. Les revenus tirés de cette activité permet aux exploitants de subvenir à leurs besoins familiaux et éventuellement acheter soit des animaux ou encore assurer certaines dépenses circonstancielles telles que les mariages des enfants ou les baptêmes. M. Zakariyaou Modi est aussi un producteur du village de Tombo-béri. Il exploite le miel depuis trois décennies. ‘’ Nous n’avons pas besoin d’amener notre miel au marché parce qu’il est de bonne qualité. Ceux qui connaissent le miel de Tombo-béri viennent acheter. Le marché de Gaya est pollué du miel frelaté venu du Bénin. Le litre de ce miel se vend à 2000 F, alors que notre miel coûte 5000 F le litre. Nous n’avons pas besoin d’amalgame ou de la tricherie de certains pour écouler notre miel. Un produit, s’il est de bonne qualité, il se vend lui-même comme on le dit. Certes, nous sommes dans une ère où le faux, la concurrence avec le vrai, le mensonge tentent de noyer la vérité. Mais, au finish, c’est la vérité qui triomphe. Mieux, le vrai miel se distingue du faux à travers le poids. Le mélange du sucre, de la datte et de la gomme arabique est différent du miel produit à Tombo-béri. Chez nous, le miel est pur et 100% naturel’’, a rassuré M. Zakariyaou Modi avec un air détendu.
Le véritable problème de filière miel dans le département de Gaya de façon générale et particulièrement au village de Tombo-béri repose essentiellement sur le manque de structuration des acteurs ; l’insuffisance de la formation qui puisse permettre aux producteurs d’exploiter le miel en grande quantité ; le manque de financement pour encourager la production ; l’absence des moyens de production modernes ; l’inexistence d’un circuit de commercialisation formel pour valoriser la production du miel.
Outre la valeur nutritionnelle, le miel a aussi des vertus insoupçonnées. Selon le lieutenant Maman Laouali dit Karanmi, le miel soigne beaucoup de maladies telles que les problèmes gastriques ; l’hémorroïde et stimule l’intelligence.
Par Hassane Daouda, Envoyé Spécial(onep)