Le VIH pédiatrique en Afrique de l’ouest et du centre est aujourd’hui une préoccupation importante. En effet, beaucoup d’enfants naissent avec le VIH dans ces régions du monde. Une situation inquiétante que Mireille Tribie de l’Unicef Sénégal a fait ressortir, mercredi 9 novembre au forum des médias à Dakar, dans sa présentation sur l’état des lieux et les enjeux du VIH pédiatrique en Afrique de l’Ouest et du centre. Selon elle, 60% de couverture pour la PTME reste stagnante dans la région depuis 2017. Pire, la région totalise 35% de couverture du traitement anti rétroviral (TARV) pédiatrique (0 à 14 ans) le plus bas du monde ; une féminisation des nouvelles infections 3 fois plus élevées chez les filles que chez les garçons.
Très émouvante, l’histoire de ce jeune adolescent qui apprend qu’il est séropositif, qu’il est issu de parents séropositifs qu’il finit par perdre et se retrouver seul avec une maladie dont il est convaincu qu’il ne guérira pas mais qu’il a la chance d’avoir des médicaments qui peuvent beaucoup améliorer sa situation. Cet adolescent qui n’a malheureusement pas pu supporter tous ces problèmes associés à la stigmatisation et à la solitude ainsi que d’autres vicissitudes de la vie a fini par rendre l’âme.
Malgré l’inquiétude, tous les intervenant s’accordent à reconnaitre l’importance du dépistage et du traitement. C’est cette pratique que le Niger a mise en œuvre à travers l’accompagnement communautaire des femmes enceintes et allaitantes séropositives et des enfants exposés au VIH.
Lors de son intervention virtuelle au forum des médias, le représentant de l’ONUSIDA dans notre pays, Elhadj Fah, a relevé que la prévalence du VIH dans la population en générale est de 0,2% avec des disparités entre les régions et les groupes des populations ; la faible performance des programmes PTME (Prévention de la Transmission Mère et Enfant) au Niger dans le cadre de l’accélération (en 2016, Seulement 28% de couverture PTME)…
Ce qui a favorisé en 2017, l’initiation d’un projet original dénommé
« Accompagnement Communautaire des femmes enceintes et allaitantes séropositives et des enfants exposés au VIH » dans le cadre de l’e-TME;
Le représentant de l’ONUSIDA a rappelé qu’auparavant, le Niger s’est inscrit dans plusieurs approches de mobilisation des communautés pour pallier les insuffisances de la réponse nationale du pays: (médiatrices, relais communautaires, agents psychosociaux …)
Pour le cas précis de l’accompagnement des femmes enceintes et allaitantes, Elhadj Fah a expliqué que le dispositif a été mis en place dans 20 CSI de la région de Niamey (sur les 64 CSI) basé sur l’utilisation de 20 médiatrices communautaires (Une par CSI) sur 8 mois, de novembre 2017 à Juin 2018. Ces médiatrices n’ont pas été choisies selon des critères pertinents. « Elles sont des personnes infectées ou affectées, engagées et très motivées ; elles ont été formées et supervisées régulièrement ». Leur rôle est « d’inciter les femmes fréquentant les CSI à faire le test de dépistage, rechercher les PDV, témoigner à visage découvert pour inciter les personnes dépistées séropositives à accepter leur statut et à s’engager dans les programmes de PEC par les ARV.
Cette bonne pratique avait pour objectifs de contribuer à la réduction de la TME du VIH dans la communauté urbaine de Niamey ; accroître le taux de dépistage du VIH chez les femmes admises dans les CSI pour la PTME (Prévention de la transmission Mère et Enfant), la CPN (Consultation Prénatale), la PF (planification familiale), la Consultation Nourrissons. Il s’agit aussi d’accroître le taux de dépistage du VIH chez les conjoints des femmes admises dans les CSI pour la PTME ; encourager les femmes enceintes et/ou allaitantes séropositives dépistées dans les 20 CSI ciblés de Niamey à prendre régulièrement leur traitement antirétroviral ; assurer le suivi de tous les enfants exposés au VIH identifiés dans les 20 CSI ciblés.
Le représentant pays de l’Onusida a expliqué que « les médiatrices ont pour tâches et missions d’appuyer la mise à jour de la cartographie sociale autour du centre de santé dont elle relève en identifiant au sein de la communauté, les changements récents susceptibles d’influencer les résultats en lien avec la PTME ; d’accompagner chaque femme enceinte répertoriée en vue de bénéficier d’au moins 4 consultations prénatales ; d’accompagner chaque femme enceinte répertoriée en vue de se faire dépister avec son conjoint ; chaque femme enceinte répertoriée en vue de lui permettre d’accoucher dans un établissement sanitaire ; d’accompagner chaque femme ayant accouché en vue d’assurer les consultations post natales et un suivi approprié du nourrisson en établissement sanitaire ; d’encourager les femmes enceintes positives au VIH à suivre la prophylaxie par les ARV, pendant la grossesse, le travail et l’accouchement, et après l’accouchement, notamment pendant l’allaitement.
Résultats de la meilleure pratique
Cette pratique a permis d’enregistrer des résultats concluants. Ainsi selon Elhadj Fah, “les résultats obtenus après une documentation approfondie ont montré qu’avec des ressources modestes, ce projet avait réussi à mettre en place une approche innovante basée sur le recours pertinent à 20 médiatrices organisées autour de 20 Centres de santé intégrés de la région sanitaire de Niamey”.
Plus précisément, « grâce au travail de ces médiatrices, les 20 CSI ont permis, en 8 mois de dépister 116 femmes enceintes séropositives représentant 10% des femmes enceintes séropositives du pays. 92% de ces femmes ont pu bénéficier des services offerts dans le cadre de la PTME, contre une moyenne de 78% au plan national ; 59% des enfants exposés au VIH issus de la PTME ont bénéficié d’une prise en charge appropriée, y compris la PCR, contre une moyenne de 22% au niveau national. Ce projet a également constitué le premier modèle réussi de décentralisation et de délégation de tâches dans le cadre de la prise en charge médicale des PVVIH dans le pays ».
Elhadj Fah a expliqué que de manière générale, l’innovation dans cette expérience au Niger se situe dans la pertinence du choix des médiatrices communautaires, qui sont essentiellement des Personnes Vivant avec le VIH capables de convaincre par leur expérience. Elle se situe également au niveau de « la pertinence de l’approche basée sur la motivation de la demande de soins prénataux en allant chercher les femmes enceintes ou les nouvelles parturientes à toutes les portes d’entrée du CSI, voire au sein de la communauté, afin de les intégrer dans le programme PTME.”.
Le projet « Accompagnement Communautaire des femmes enceintes et allaitantes séropositives et des enfants exposés au VIH » a bénéficié d’une appropriation, d’un suivi régulier et d’une documentation bien fournie.
Il a développé plusieurs approches (médiatrices communautaires, décentralisation et délégation de tâches) en produisant des résultats rapides et significatifs, qui méritent d’être portés à l’échelle du pays, voire d’être répliqués dans d’autres pays. Mais selon lui, cela nécessite d’associer systématiquement le dépistage et la prise en charge sur chaque site où se déroule le dépistage, ce qui implique une décentralisation effective des soins et une délégation de tâches pour la prescription des ARV ; renforcer la chaine d’approvisionnement en intrants et médicaments ; renforcer et suivre l’évaluation à l’échelle du district et de la région et enfin associer étroitement les acteurs communautaires à la démarche et à sa mise en œuvre sur le terrain.
Par Fatouma Idé(onep), Envoyée spéciale