Avec une superficie estimée à 52 000 km2, le département d’Ingall est l’un des plus vastes de la région d’Agadez. Plus de 99% de cette superficie est utilisée pour le pastoralisme et le reste pour des activités agricoles, surtout le maraîchage. Cependant, comme dans les autres zones du Niger, la réussite de la campagne pastorale et agricole est largement tributaire de la pluviométrie qui variable quant à sa quantité et sa répartition dans le temps et l’espace. Une situation qui cause parfois des déficits fourragers et alimentaires avec des crises pastorales et alimentaires. Ce qui nécessite une mobilisation de l’Etat et ses partenaires pour apporter secours à la population et aux éleveurs pasteurs. Mais, contrairement à la dernière saison, cette année la campagne agro-pastorale est prometteuse au regard de l’importante pluviométrie enregistrée et qui est bien repartie dans l’espace et dans le temps. Les responsables départementaux de l’agriculture et de l’Elevage ainsi que les populations elles-mêmes, dont les organisations paysannes sont très confiants que cette année sera meilleure et même excellente, dans leur département. Malgré les inondations enregistrées et qui n’ont pas épargné les champs des cultures et les jardins, les perspectives restent bonnes. Cet espoir est fondé par les évaluations faites sur les perspectives pastorales et agricoles. Mais, la prudence et la vigilance sont de mise afin d’éviter la mauvaise surprise des crises sanitaires animales et les ennemis des cultures. Optimistes, les acteurs pastoraux souhaitent l’organisation de la Cure Salée cette année. Une fête dont l’annonce de la date est attendue avec impatience par la population d’Ingall. Rencontre annuelle des éleveurs nomades du Niger et des pays voisins à travers la transhumance, la Cure Salée est aussi un événement socioculturel et économique de portée nationale et internationale.
L’espoir est permis sur le plan pastoral
Comme plusieurs autres localités du Niger, le département d’Ingall a connu une campagne pastorale 2023-2024 très critique caractérisée par un déficit fourrager sans précédent. Les parcours pastoraux se sont très vite dégradés avec pour conséquence une longue saison de soudure qui a commencé depuis le mois de mars. « Cette précarité de pâturage a eu un impact négatif sur l’état nutritionnel des animaux. Ce qui en début de la saison pluvieuse 2024-2025, avec les premières pluies enregistrées, a engendré des mortalités sur les animaux affaiblis par le déficit fourrager», a rappelé le directeur départemental de élevage, M. Abdou Salam Zakaye. Très vite alertés, l’Etat et ses partenaires se sont mobilisés pour apporter un soutien en aliment bétail. Ainsi, le département d’Ingal a reçu 700 tonnes d’aliments pour bétail essentiellement du son de blé dont 300 tonnes d’aliments pour bétail à travers le PRAPS qui est un projet sous régional et 400 tonnes à travers la CCA (cellule crise alimentaire). Ces aliments ont été repartis sur les différents points ou centres secondaires pour les opérations de vente à prix modéré au profit des éleveurs les plus vulnérables ou pour la distribution gratuite ciblée. « Ces aliments pour bétail ont été subventionnés et mis en place à temps au niveau du département et destinés aussi à la vente à prix modéré. Le sac du son de blé de 50 kg se vend à 4 000 FCFA au niveau du service de l’élevage. Cela a constitué un ouf de soulagement car, au moment où la direction départementale a commencé la vente, le sac de son de blé coûtait 12000 FCFA sur les marchés à Ingal et dans les environs. La vente de ces aliments pour bétail a entraîné directement une baisse notoire des prix sur les différents marchés », a souligné M. Abdou Salam Zakaye.
Cet acte salutaire des autorités a non seulement démontré aux populations en général et les éleveurs pasteurs en particulier leur attachement au Niger et à son peuple, mais aussi pour le bien-être de nos éleveurs et leurs biens de manière spécifique.
Au marché Bovins et camelins d’Ingall
Pour ce qui est de la campagne pastorale 2024-2025, le directeur départemental de l’élevage a indiqué que les perspectives sont bonnes. En effet, le cumul pluviométrique enregistré cette année à la date du 05 septembre 2024 est de 437,6 mm en 26 jours. Selon les prévisions de la météo les précipitations se poursuivront dans la région en général et sur le département d’Ingall en particulier pendant le mois de septembre. Ce qui renforce l’espoir pour une bonne campagne pastorale. « La campagne pastorale 2024, est vraiment exceptionnelle car, les pluies sont importantes et bien réparties sur presque l’ensemble du département. Le pâturage naturel est présent sur l’ensemble du département, le cycle des herbacés est normal. Il n’y aucune poche de sécheresse depuis l’installation de la saison, malgré un début lent vers le mois de juin et juillet. Ainsi, vu son déroulement, cette campagne pastorale répondra aux attentes de nos éleveurs car, le pâturage herbacé est globalement au stade de maturité. Quant au pâturage aérien on constate un bon développement également », a expliqué M. Abdou Salam Zakaye.
M Algabid Assalim, le représentant des éleveurs à Ingall abonde dans le même sens affirmant que « cette année la saison est très bonne et favorable pour les éleveurs». En ce qui concerne les marchés à bétail, les perspectives s’annoncent également bonnes avec des indices des termes de l’échange en faveur des éleveurs.
Il faut noter que pour le potentiel animal dans le département d’Ingall, l’effectif du cheptel en 2023 est de : 13 481 têtes de bovins ; 205 351 têtes d’ovins ; 205 524 têtes de caprins ; 55 786 têtes de camelins ; 65 d’équins ; 31 887 têtes d’asins. Au regard de l’importance de ce potentiel, il faut souligner que d’importants défis sont à relever. Il s’agit de garantir l’état sanitaire de ce cheptel et de lui assurer une bonne alimentation. Dans ce sens, des actions supplémentaires sont envisageables afin de garantir la santé de ce cheptel. Entre autres actions le responsable note la conduite de la grande campagne de vaccination annelle organisée par l’Etat à travers un mandataire contre certaines épizooties comme la PPCB, la PPR et la pasteurellose cameline, l’organisation de la caravane de ratissage de vaccination de deux mois exécutée par la direction départementale de l’élevage contre certaines épizooties comme la PPCB, la PPR et la pasteurellose cameline ; l’organisation de la campagne de vaccination dans le cadre de la cure salée contre certaines épizooties comme la PPCB, la PPR et la pasteurellose cameline, l’appui des éleveurs en produits de traitement, des vitamines et des déparasitant, etc. De plus, dans le cadre de l’alimentation du cheptel, l’Etat doit envisager un appui des éleveurs en aliments pour bétail et faire la promotion et la vulgarisation des cultures fourragères.
Une campagne agricole prometteuse
Une mission de suivi de la campagne agricole, le directeur
départemental de l’agriculture
Selon les explications du directeur départemental de l’agriculture M Chaibou Moussa, la campagne agricole s’est annoncée précocement en comparaison avec celle de l’année précédente, avec les premières hauteurs pluviométriques de 9 mm à la Mairie d’Ingall et 9,5 mm au poste de la Gendarmerie d’Ingall enregistrées le 02 juin 2024. « Par la suite, des très faibles hauteurs pluviométriques ont été enregistrées jusqu’à la 2ème décade du mois de juillet avec 47% des villages agricoles qui ont effectué le semis en tenant compte du tout premier écoulement annuel des koris. Les hauteurs pluviométriques enregistrées à cette période étaient respectivement 18 mm en 2 jours à la Mairie et 19,8 mm en 2 jours à la gendarmerie, à Ingall. Ce qui donne un cumul pluviométrique annuel de 42,3 mm en 6 jours reparties au niveau des deux postes pluviométriques de la Mairie et de la gendarmerie. A cette 2ème décade, 47% des villages agricoles ont effectué le semi, soit 9 villages (Tiguindé, Injitan, Tiguidan Tagueit, Amantadante, Inwazab, Tchiwikirwi, Dabla, Akadandan, Tendé) sur les 19 agricoles que compte le département. Les cultures installées étaient principalement le maïs, le sorgho, le niébé, la corète, cucurbitacées (pastèque, melon, courge, courgette, concombre, etc.) », a souligné M Chaibou Moussa.
A la 3ème décade du mois de juillet, avec un cumul pluviométrique de 37,7 mm en 2 jours à la Mairie et 30 mm en 2 jours à la gendarmerie, les 10 villages restants, représentant 53 % des 19 villages agricoles du département ont effectué le semi. M Chaibou Moussa a précisé qu’à l’époque, le cumul pluviométrique de l’année 2024 était à 80 mm à la mairie et 69,3 mm à la gendarmerie. Selon le rapport décadaire à cette période, toutes les cultures ont été installées, à savoir l’ail, l’oignon, la luzerne, le gombo, la tomate, les piments et les stades des cultures étaient la levée 53 % et levée avancée 47%.
Ainsi, il est constaté avec satisfaction que les cultures végétaient normalement et les pluies sont progressivement enregistrées. « La situation générale de la campagne reflète une tendance très favorable avec régulièrement les écoulements des koris qui occasionnent le rechargement des nappes alimentant les sources d’eau d’irrigation d’appoints », a déclaré M Chaibou Moussa.
Les plus importantes hauteurs des pluies ont commencé à être enregistrées au début du mois d’août2024, avec une 1ère décade caractérisée par une pluie extraordinaire dans la zone d’Ingall, où 76,5 mm et 74,5 mm sont tombées respectivement au poste de la mairie et à la gendarmerie, le 02 Août 2024. Cette pluie a même entraîné un débordement du Koris. Ce qui a occasionné hélas l’inondation avec comme conséquences l’effondrement des maisons, l’ensevelissement des infrastructures d’irrigation (puits, contres puits, motopompes, etc.), destruction des cultures le long des koris, etc. Au total, 165 jardins sur 19 sites irrigués totalisant 1 716 personnes sont touchés par cette inondation. Des pertes des cultures sur 313 ha de superficie en pastèque, melon, oignon, ail, piment, gombo, piment, maïs, sorgho. L’inondation a endommagé des équipements d’irrigation. Au 31 août 2024, selon le directeur départemental de l’agriculture d’Ingall, il a été dénombré 11 villages à risque d’insécurité alimentaire sur les 19 villages agricoles que compte le département d’Ingall, soit 57,89%, ayant pour causes le retard de semis et les inondations. La population concernée est estimée à 21 002 habitants. A cette même date, les données pluviométriques ont connu une évolution très importante en comparaison à la compagne agricole 2023. Ainsi, les hauteurs pluviométriques sont respectivement de 382 mm en 23 jours à la mairie et 391 mm et à la gendarmerie contre 193,8 mm en 21 jours à la mairie et 180,37 mm et à la gendarmerie, en 2023. Soit un écart de plus de 188,2 mm au poste de la mairie et de 210,63 mm au poste de la gendarmerie.
Concernant la situation phytosanitaire, le directeur départemental de l’agriculture d’Ingall a souligné qu’elle est calme, relevant toutefois qu’elle est provisoire et l’évaluation de la production agricole de la campagne 2024 est en cours de réalisation.
L’élevage et l’agriculture constituent les principales activités économiques des populations du département d’Ingall. Ces deux piliers de l’économie locale occupent plus de 80% de la population active et génèrent des ressources et des revenus pour de nombreux ménages. Cependant, ces activités primaires du secteur rural sont largement tributaires des effets conjugués du changement et de la variabilité climatique et des défis environnementaux. Pour ce faire, il va falloir renforcer les capacités d’adaptation des acteurs de ces secteurs, en vue de promouvoir leur contribution significative au développement local.
M. Abdou Salam Zakaye, Directeur Départemental de l’Elevage
Dans l’attente de la Cure Salée
Les populations du Département d’Ingall espèrent de bons résultats avec la campagne agro-pastorale réussie. « Nous prions Dieu pour qu’il nous préserve des autres calamités. Notre plus grande satisfaction, c’est la poussée et le développement de toutes sortes de pâturage nécessaire pour l’alimentation des animaux. Cette année, nous pensons que nous allons vivre des moments importants pour la Cure salée. Tous les indicateurs sont réunis pour la tenue de cette fête, sauf d’autres paramètres dont nous n’avons pas connaissance et que seules autorités savent. Mais elles ont le pouvoir de décider de l’opportunité de la tenue de tout événement », a affirmé Algabid Assalim.
Déjà, le département d’Ingall commence à enregistrer un nombre important d’éleveurs. En cette période de transhumance, les acteurs pastoraux invitent les éleveurs au respect des lois et règlements ainsi que toutes les consignes des autorités administratives nationales et locales. Les transhumants sont donc invités à respecter les couloirs de passage. Cet appel est aussi adressé aux autorités pour veiller au respect de toutes les réglementations en la matière par les éleveurs et les agriculteurs. « Nous invitons les éleveurs et les agriculteurs à la patience pour la réussite d’une transhumance dans la paix et la quiétude », a dit Algabid Assalim qui a saisi l’opportunité pour remercier le Président du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie, Chef de l’Etat, le Général de Brigade Abdourahamane Tiani, pour la décision très sage qui consiste à réduire les frais des prestations sanitaires dans les services publics de santé. « Pour ce qui est de la réduction des frais de consultations médicales et la gratuité des soins chez les femmes, les enfants et les personnes âgées, c’est une très bonne chose. Nous rendons grâce à Dieu de nous avoir permis d’être témoin de cette décision très salutaire du CNSP. Le Président Tiani a bien vu et identifié là où la population souffre au quotidien. Nous souhaitons le maintien de cette décision aussi longtemps que possible, voire son amélioration si possible. Nous profitons de cette opportunité pour demander au Président du CNSP de penser aussi à la santé animale. Beaucoup d’efforts ont été faits, mais nous sollicitons un peu plus, notamment en ce qui concerne les aliments pour bétail et les médicaments », a ajouté Algabid Assalim.
Pour sa part Elhadji Ibrahim Maha, Sarkin Kassoua d’Ingall, estime que cette année tous les indicateurs sont réunis pour le retour dans un proche avenir de l’engouement autour du marché de bétail d’Ingall. Les revendeurs commencent déjà à envoyer leurs animaux et on constate une amélioration au niveau des prix à la grande satisfaction de tout le monde, fait-il savoir. L’année dernière, a rappelé Elhadji Ibrahim Maha, la saison a été particulièrement difficile pour les éleveurs avec le déficit fourrager qui n’a pas favorisé un bon rendement au niveau des animaux, par manque de pâturage en quantité et en qualité suffisantes. Mais cette année, se réjouit-il, la campagne hivernale s’est bien installée et tous les indicateurs permettent de présager une excellente campagne agro-pastorale.
Un jardin dans la commune d’Ingall
« La vitalité d’une économie au niveau local dépend considérablement de celle de ses marchés locaux. Le début d’engouement que nous constatons sur ce marché et les informations nous venant des autres marchés de la zone nous laissent croire que l’année sera meilleure. Notre vœu le plus cher, c’est que la paix, la sécurité et la quiétude sociale s’installent dans notre pays afin que les gens vaquent à leurs préoccupations. C’est l’occasion pour la population de s’unir derrière les autorités pour la prospérité de notre pays», a indiqué Elhadji Ibrahim Maha. Aussi, il a appelé les nigériens à collaborer avec les forces de défense et de sécurité pour lutter ensemble contre l’insécurité. «Chaque nigérien doit se considérer comme un soldat de la République. C’est notre cas en qualité du responsable de ce marché, où nous veillons rigoureusement à tous ceux qui rentrent et sortent. C’est comme ça que nous jouons notre partition à la gestion de la sécurité et au développement du pays. Chacun doit faire la même chose dans son domaine d’activité », a déclaré Elhadji Ibrahim Maha. Lui aussi souhaite l’organisation de la Cure Salée cette année. « Il y a peut-être d’autres paramètres que nous ignorons. Mais notre plus grand souhait, c’est l’organisation de cet événement. C’est un événement national certes, mais il profite beaucoup en premier à la population d’Ingall. C’est un cadre du donner et du recevoir, de commerce, d’échanges et de brassage entre plusieurs communautés. Nous souhaitons que le ministre de l’agriculture et de l’élevage plaide auprès du Président du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie, chef de l’Etat, le Général de Brigade Abdourahamane Tiani pour qu’il accepte de nous organiser la Cure Salée cette année. Chaque jour depuis le début de ce mois, les gens nous appellent de partout, du Niger et de l’extérieur pour s’informer sur la tenue de cet événement. Nous attendons impatiemment la date », a-dit Elhadji Ibrahim Maha, saluant la disponibilité des autorités locales avec qui la population entretient des bons rapports de collaboration.
Ali Maman ONEP-Agadez