
Colonel Hamsatou Amadou Harouna
L’économie verte vise à concilier le développement économique et les préoccupations de l’environnement. Ce concept inclut la volonté de minimiser notre impact écologique tout en stimulant l’innovation et en générant des emplois dans tous les secteurs qui respectent l’écologie. Dans cette interview, la Directrice de la Promotion de l’Economie Verte et de Développement des Chaînes de Valeur (DPEV/ DCV) aborde les différents aspects liés à cette démarche ; la stratégie développée dans ce sens au Niger; les défis de la préservation de la biodiversité, etc.
Mme la Directrice, quelles sont les bases sur lesquelles repose l’économie verte ?
L’économie verte est une économie qui engendre une amélioration du bien-être humain et de la justice sociale, tout en réduisant sensiblement les risques environnementaux et les pénuries écologiques, de ressources (PNUE).
Sur le plan pratique, on peut considérer que, dans une économie verte, la croissance des recettes et la création d’emplois proviennent des investissements publics et privés qui conduisent à une meilleure utilisation des ressources, à une réduction des émissions de carbone, des déchets et de la pollution. Mais aussi à la prévention de la perte de la biodiversité et de la dégradation des écosystèmes. Ces investissements sont à leur tour soutenus par la hausse de la demande en faveur de produits et services respectueux de l’environnement, par l’innovation technologique et, très souvent, par les mesures fiscales et sectorielles correctives adoptées pour garantir que les prix reflètent correctement les coûts environnementaux.
De ce fait, l’économie verte est fondée sur trois bases qui sont : l’amélioration du bien-être humain, la garantie de l’équité sociale et la réduction de manière significative des risques environnementaux.
Colonel Hamsatou Amadou Harouna, les domaines d’intervention de l’économie verte sont à la fois vastes et variés. Quels sont ceux qui sont beaucoup plus pris en compte au Niger ?
Comme vous le savez, l’économie verte implique un changement significatif dans les investissements, les infrastructures, la recherche et dans le développement.
Au Niger, les domaines prioritaires dans lesquels la transition vers l’économie verte est prise en compte sont : le Recyclage des déchets, l’énergie (renouvelable, efficacité énergétique), le transport (transport en commun). Il y a aussi, l’agriculture (agriculture bio, agriculture intelligente, agro écologie, agroforesterie, irrigation solaire), la foresterie (plantations, pépinières privées, régénération naturelle assistée, promotion des filières et chaines des produits forestiers non ligneux, pisciculture, aquaponie, etc.), les infrastructures (construction sans bois) et le tourisme durable (écotourisme).
En somme, dans ces secteurs, l’économie verte contribue à créer des emplois verts à travers des travaux à haute intensité de main d’œuvre.
La transition vers une économie verte représente une réelle opportunité pour évoluer vers des sociétés plus durables et justes. Selon vous, quels sont les enjeux de l’économie verte pour un pays comme le Niger ?
La transition vers une économie verte nécessite plus que des investissements, mais un changement majeur dans la conception et la mise en œuvre des politiques, stratégies et des changements de mentalité. Elle nécessitera des actions politiques très fortes, le renforcement des capacités des travailleurs dans les secteurs verts et des bonnes incitations aux acteurs économiques afin que ces derniers aillent dans le sens de l’économie verte.
En termes d’enjeux pour le Niger, l’économie verte repose sur 2 éléments essentiels. Comme enjeux positifs, elle va favoriser, entre autres, le gain d’emploi (création des nouveaux emplois dans les secteurs de recyclage des déchets, le bâtiment, l’écotourisme, foresterie (récupération des terres), les chaines de valeurs des produits forestiers non ligneux et halieutiques (développement de l’aquaculture), l’amélioration des productivités agro-sylvo-pastorales. La promotion de l’économie verte va aussi engendrer une amélioration de l’économie locale (amélioration des revenus des communautés), et conséquemment des conditions de vie des communautés, le renforcement de la résilience contre les effets néfastes des changements climatiques (résilience des communautés et de leurs moyens d’existence). L’amélioration du cadre de vie des communautés (qualité de l’air, aménagement paysager, microclimat, lutte contre la pollution, etc.). Et enfin, elle (l’économie verte) va favoriser un accès à des sources d’énergie propres et au développement de villes résilientes et inclusives.
Cependant, il faut retenir qu’outre l’enjeu positif, il y a aussi un enjeu négatif qui se caractérise par : une perte d’emploi (due à la fermeture et la reconversion de certaines usines). Exemple des usines de fabrication des sachets non-biodégradables. Il y a aussi le coût élevé pour faire la transition vers l’économie verte, notamment dans les secteurs des énergies renouvelables, le secteur des déchets, la formation des cadres et les infrastructures et l’insuffisance des compétences nécessaires pour réussir la transition.
En matière de conservation de la biodiversité, quel est le rôle de l’économie verte ?
L’économie verte est bénéfique à plus d’un titre. Dans le cadre de la conservation de la biodiversité, l’économie verte favorise la réduction de la pression des populations riveraines sur les parcs et réserves, l’amélioration des conditions de vie des communautés suite aux alternatives de développement comme l’écotourisme et la promotion des filières et chaines de valeur des produits forestiers non ligneux, etc., la conservation des gènes, habitats, écosystèmes, la protection de la faune qui crée des emplois dans le domaine de l’écotourisme.
Quelle est la stratégie économique verte développée par le Niger pour la préservation de la biodiversité ?
L’économie verte est prise en compte dans la plupart des documents stratégiques en matière d’environnement et de développement durable. Elle occupe une place importante dans le Cadre Stratégique de Gestion Durable des Terres, la Politique Nationale en matière d’Environnement et Développement Durable.
Les différentes stratégies développées par le Niger pour la préservation de la biodiversité dans le cadre de l’économie verte sont, entre autres, le développement de l’écotourisme, le développement des filières et chaines de valeurs des produits forestiers non ligneux, la gestion durable des terres et des forêts. Le développement de l’agroforesterie, l’agro écologie, le développement des productions des plans et des plantations (bois villageois, jardins botaniques, etc.), la vulgarisation des foyers améliorés, l’aménagement et la gestion des aires protégées sont d’autres stratégies développées par le Niger.
Quels sont les défis liés à l’intégration de l’économie verte dans les efforts de conservation de la biodiversité au Niger ?
Les défis liés à l’intégration de l’économie verte par le Niger dans les efforts pour la préservation de la biodiversité sont, entre autres, la restauration des parcs et réserves à travers les travaux de conservation des eaux du sous-sol et la défense et restauration des terres, le développement de l’écotourisme dans un contexte d’insécurité, la mise à profit des filières et des chaines de valeur des produits forestiers non ligneux pour le renforcement de la résilience des communautés, la mobilisation des financements en faveur de l’Economie Verte et le renforcement du cadre réglementaire en faveur de l’Economie Verte, etc.
Mme la Directrice, quelles initiatives peuvent être prises pour promouvoir l’économie verte dans les autres domaines au Niger ?
La promotion de l’économie verte au Niger doit passer nécessairement par des plaidoyers et sensibilisations à tous les niveaux y compris la vulgarisation du concept de l’économie verte pour son appropriation. L’identification des opportunités pour les acteurs, le développement d’un plan de transition vers l’économie s’avèrent nécessaires. Il faut également prendre des initiatives en vue de renforcer les capacités dans le domaine de l’économie verte, d’inciter à l’utilisation des énergies renouvelables à travers une subvention pour l’acquisition des équipements. Il faut aussi soutenir l’utilisation et la promotion des énergies alternatives (foyers améliorés, biogaz), la création d’un environnement favorable pour la promotion de l’économie verte à travers l’élaboration des textes législatifs, juridiques et règlementaires favorables à l’économie verte y compris des mesures incitatives, etc.
Rahila Tagou (ONEP)