Suivant de très loin les péripéties de la crise ukrainienne, nous ne pouvions douter un seul instant que ses effets pourraient nous éclabousser d’une façon ou d’une autre. Même quand cette guerre a commencé par créer des perturbations dans l’approvisionnement des produits énergétiques (gaz et pétrole) ainsi que des céréales sur le continent européen, nous étions encore très loin d’imaginer que nous pourrions en être rudement impactés. Avant tout, la ligne de front, c’est à l’autre bout du monde, de l’autre côté de l’immense océan méditerranéen. Mais en dépit de tout cela, en peu de temps qu’il n’en fallait, l’onde de choc s’est répandue jusque dans nos murs, pour finir dans nos stations-services et dans nos réservoirs.
La mondialisation est une réalité, et pour les spéculateurs véreux et aux dents longues, cette crise du marché occidental, sur fond de pénurie d’hydrocarbures et de flambée de prix, se présente comme une opportunité à saisir sans rabais. Au Niger, tout comme dans le reste du monde, les réseaux de spéculateurs en embuscade se sont mis à l’œuvre pour saper le marché des hydrocarbures et, par effet d’entrainement, celui des autres produits de grande consommation.
Dans le cas de notre pays, ils ont surtout jeté leur dévolu sur le gasoil dont le coût reste, de loin, plus compétitif sur le marché sous-régional. En effet, le litre du
gasoil se vendait à la pompe à 538 FCFA, tandis que dans les pays voisins, le prix de ce même produit s’élevait pour le plus bas à 638 FCFA/l, pour frôler les 1.200FCFA/l au Nigeria.
Une aubaine dont ne sauraient se retenir de prospérer les amateurs du ‘’toujours plus de profit’’ ! Usant ainsi de mille et une astuces, ils ont développé des réseaux très actifs de trafic du gasoil nigérien vers les pays voisins. Telle une colonie des fourmis devant un dépôt de grains de mil, ils ont lancé une véritable ruée sur le gasoil dans un climat dominé par la raréfaction dudit produit sur le marché régional. Tant si bien que, à un moment, le Niger s’est trouvé quasiment dépourvu de ce produit qui fait tourner une part appréciable du parc automobile national, notamment les camions, les bus de transport voyageurs et autres engins lourds. Du jour au lendemain, de longues files d’attente ont commencé à s’afficher sous les yeux des Niaméens au niveau de quelques rares stations approvisionnées en gasoil. Un spectacle inédit, en tout cas, rarissime au Niger !
Devant cette situation de pénurie en passe de perdurer, les autorités ont prospecté tous les moyens pouvant permettre d’endiguer le problème. Il y avait un choix difficile à faire entre prendre une mesure qui permettrait d’assurer la disponibilité à plein temps du ‘’précieux jus’’ à la pompe, ou ne rien faire au risque de ne plus répondre à la demande nationale en gasoil. Le dernier scénario serait pire, car il mettrait immanquablement l’Etat du Niger face à son devoir régalien de tout faire pour combler le cap, quitte à se tourner vers les autres pays pour acheter du gasoil à des coûts encore plus élevés. Voilà pourquoi le gouvernement s’est finalement résolu à prendre la mesure, certes douloureuse mais efficace, de revoir à la hausse le prix de ce produit pour sauver les meubles. Une telle option présente non seulement l’avantage d’endiguer les actions spéculatives en cours autour du gasoil, mais elle permettra surtout de garantir la disponibilité de ce produit pour tous les consommateurs. Comme l’a lui-même expliqué le Président de la République, lors de ses rencontres avec les acteurs de la société civile, les commerçants et les responsables des sociétés de transports, cette décision s’est imposée au gouvernement comme étant la seule alternative crédible pour estomper la crise du marché du gasoil qui pointait à l’horizon.
Aujourd’hui, après quelques semaines de mise en œuvre de cette mesure, le résultat est simplement édifiant. Car, hier seulement, le Directeur des Hydrocarbures à la SONIDEP assurait que ‘’à l’heure actuelle, grâce à cette mesure portant sur la revue à la hausse du prix du gasoil, la disponibilité du produit est garantie dans toutes les stations-services et sur toute l’étendue du territoire national’’. Exit donc le calvaire des longues heures d’attente pour les usagers.
C’est là une expérience dont nous devons apprendre à grandir, plutôt que de continuer à nous plaindre. Il est clair que, dans un contexte d’édification de l’intégration régionale à travers les vastes marchés communs de l’UEMOA et de la CEDEAO, l’Etat du Niger ne dispose pas d’une grande marge de manœuvre pour contrecarrer les agissements des spéculateurs de tous poils décidés à tirer le maximum de profit du faible coût appliqué sur le gasoil dans notre pays. Aussi, faute de pouvoir empêcher de façon péremptoire aux citernes et aux camions des pays voisins de venir faire le plein dans nos stations, l’on ne peut que jouer sur le tableau des énormes bénéfices dont jouissaient les spéculateurs en réduisant substantiellement la marge.
En espérant qu’il n’est pas encore tard, l’on ne peut que les exhorter à mettre en sourdine leur boulimie pour laisser s’exprimer leur fibre patriotique. Autrement, il faudra encore trouver d’autres moyens pour annihiler davantage leurs actions sous-jacentes qui sont à la base du dérèglement total du système de stabilisation et régulation des prix des produits de grande consommation, et dans presque tous les secteurs.
Par Assane Soumana(onep)