
Le Colonel Major Abdourahamane Amadou, Porte parole du CNSP
Après la dénonciation des accords de défense qui lient le Niger avec la France, les autorités nigériennes et maliennes ont conjointement dénoncé dans un communiqué rendu public le 5 décembre 2023, les accords fiscaux dont l’esprit prévoit l’élimination de la double imposition et à établir des règles d’assistance mutuelle administrative en matière fiscale. Ces conventions ont été signées sur la base des dispositions pertinentes de la Convention de Vienne sur le Droit des Traités de 1969 notamment celles relatives à la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats. Or l’attitude des autorités françaises à l’égard du Niger et de son peuple rend difficile, sinon impossible l’exécution de ces conventions qui, au demeurant, ne répondent pas aux intérêts de notre pays.
D’après l’ancien directeur général des impôts M. Hamma Hamadou, par ailleurs conseiller économique du Premier ministre, ces conventions ont été actées au lendemain des indépendances. Pour le cas précis de notre pays le Niger, la convention a été signée en 1965. Elle a ses premiers effets depuis 1966, soit un peu près de six décennies. Que vise concrètement la convention ? Pourquoi on signe une convention de non double imposition ?
Le sujet est qu’en matière de fiscalité, chaque contribuable a un domicile fiscal. Ainsi, selon l’expert en finance, M. Hamma Hamadou, le premier principe voudrait que la personne soit imposée à son domicile fiscal. Sauf qu’il se trouve que le commerce ne se limite pas à l’intérieur des frontières. Il y’a bien évidemment le commerce international. A partir de cet instant-là, quelqu’un qui a une entreprise ou un capital donné peut faire des affaires dans une autre juridiction.
Le second principe voudrait que dans cette juridiction-là, les bénéfices qui ont été gagnés soient imposés sur les lois de ce pays-là, étant entendu que chaque juridiction est souveraine, chaque pays est souverain. Chacun impose selon sa loi. Cela veut dire qu’une même personne ou une même entreprise qui a des affaires, de revenus, ou un patrimoine dans deux juridictions différentes doit être imposée dans les deux juridictions. La convention de non double imposition vise à faire en sorte qu’une personne ou une entreprise, sur ses revenus ou son patrimoine, ne puisse être imposée dans les deux juridictions par une convention qui précise clairement voilà comment il va falloir procéder. Un pays A renonce à ces impôts-là au profit du pays B et vis-versa pour pouvoir éliminer la double imposition qui est le principe général sur le plan international.
Les raisons d’une convention de non double imposition
La raison principale pour laquelle on fait une convention de non double imposition est qu’elle vise à protéger l’économie d’un pays. La seconde raison est qu’une convention de non double imposition est attachée à un accord d’assistance administrative mutuelle. Cet accord d’assistance administrative mutuelle vise à faire des échanges d’informations d’ordre fiscal. En effet, un système fiscal ne vaut que par la qualité des informations que les agents de services des impôts ont à leur disposition dans la mesure où l’impôt n’est rien d’autre qu’une ponction sur les revenus ou les bénéfices gagnés. Il faut donc avoir la bonne information pour pouvoir asseoir une bonne fiscalité.
Dans ces circonstances-là, l’expert en finance M. Hamma Hamadou, estime qu’on peut tous comprendre que lorsqu’on signe une convention de non double imposition, cela vise aussi la coopération entre les pays, en l’occurrence l’assistance que les pays apportent entre eux, notamment dans deux domaines particuliers : le renseignement à but fiscal et dans le recouvrement. Mais tout cela doit tenir compte de l’évolution du système fiscal en raison des reformes qui sont introduites par les pays selon leurs besoins. La convention de non double imposition vise aussi à éliminer ou à atténuer l’incertitude fiscale, permettant ainsi aux entreprises de faire une planification fiscale plus juste. Elle vise aussi à attirer l’investissement direct étranger.
Le caractère déséquilibré de ces accords fiscaux
Le but principal recherché par la France en signant ces conventions avec ses anciennes colonies au lendemain des indépendances est d’éliminer un certain nombre de contraintes pour ses entreprises évoluant dans les pays colonisés. Mieux, ce qu’il faut comprendre dans ces accords fiscaux, c’est que la volonté de la France consiste à protéger son économie, voire de l’avantager au détriment des pays colonisés. L’expert en finance estime que nos pays doivent s’assurer que nous sommes véritablement dans une convention équilibrée. « D’abord, il faut se poser la question fondamentale qui est celle de savoir si nous avons une économie qui exporte vers la France. Si nous n’avons pas une économie qui exporte des biens et services vers l’économie française, nous n’avons pas intérêt à nous engager dans des tels accords aux avantages comparatifs quasi nuls » explique M. Hamma Hamadou précisant que les pays de l’UEMOA ont entre eux ce genre de convention de non double imposition depuis 2007 dans la mesure où les économies de ces pays sont convergentes. Mais, cette dernière s’inspire de la convention de l’ONU ; de l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE) qui regroupe les trente-six (36) pays les plus industrialisés au monde. C’est dire qu’une convention de non double imposition ne saurait être établie que lorsque les deux pays examinent chacun l’architecture de son économie. Si les deux pays ont des échanges commerciaux, il faudrait creuser pour voir si ces échanges sont équilibrés.
Est-ce qu’on vend autant qu’on achète à la France par exemple ? Aujourd’hui, tout le monde sait que le volume de nos affaires avec la France est insignifiant. Par contre, le volume des affaires de la France à destination du Niger est significatif jusqu’à une période récente.
Hassane Daouda (ONEP)