Ces dernières années, suite à la pression démographique, les actions anthropiques qui en découlent et le changement climatique plusieurs espèces végétales ont déjà disparu, d’autres sont en voie de disparition. Selon les données de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), plus de 40 % des plantes sont aujourd’hui menacées d’extinction à plus ou moins longue échéance parmi lesquelles 8% sont en danger. Pourtant, les plantes ou les espèces végétales remplissent des fonctions écologiques essentielles sans lesquelles on ne survivrait pas. En effet, elles tirent parti de la lumière, de l’eau et du dioxyde de carbone présents autour d’elles pour maintenir de manière constante le taux d’oxygène dans l’atmosphère terrestre et fournir une bonne partie de la matière organique nécessaire à la vie sur terre. Au Niger, le développement durable repose incontestablement sur une bonne exploitation de la biodiversité et une amélioration adéquate des ressources naturelles Cependant, l’on constate de plus en plus une dégradation et même une disparition de la biodiversité végétale.
Selon l’écologue et agroforestier Pr. Larwanou Mahamane, enseignant chercheur à la Faculté d’agronomie de l’Université Abdou Moumouni de Niamey, plusieurs facteurs concourent à la disparition des espèces végétales en particulier les espèces forestières. La majorité des espèces étant, soit alimentaires ou médicinales, elles sont les plus menacées de disparition.
Ainsi, le premier facteur serait les actions anthropiques c’est-à-dire les actions de l’homme pour satisfaire ces besoins alimentaires, sanitaires, esthétiques…
En 1998, a fait savoir Pr Lawarnou, une enquête conduite par ses soins, qui a couvert presque tout le Niger pour identifier les espèces ligneuses, les espèces d’arbres disparues ou menacées de disparitions, a permis de découvrir que beaucoup d’espèces ont disparu et d’autres sont en voie de disparition. « Parmi ces espèces il y a la plante appelée « securida longipedunculata », connue en Haoussa sous le nom de ‘’Sagna ou Ouwar magougouna’’ une espèce ligneuse sérieusement exploité et qui a complétement disparu de nos savanes. Même au Parc W, il faut parcourir des distances pour trouver un peu de cette espèce. Donc, c’est une espèce qui a complétement disparu par l’action de l’homme », a-t-il indiqué, ajoutant que c’est une plante qui était très exploitée pour ses vertus médicinales parce que toutes les parties de cette plante sont utilisées pour traiter telle ou telle maladie.
A cette espèce qui a disparu, s’ajoutent également d’autres en voie de disparition comme le Néré et le karité, des plantes aux vertus multiples et très importantes dont les feuilles, les écorces, les racines, les fruits sont utilisés pour traiter certaines maladies.
Outre les causes anthropiques, le Professeur titulaire des Universités a relevé comme autre cause de la disparition des espèces végétales, les facteurs climatiques fluctuants où certaines espèces sont en train de changer d’aires de répartition parce que les conditions environnementales n’y sont pas.
Au titre de l’action humaine les plus préjudiciables aux espèces végétales, ce chercheur cite entre autres le défrichement. En effet, avec les anciennes pratiques notamment l’agriculture sur brûlis ; les plantes sont coupées afin d’installer des cultures. « Et dès qu’on remarque que la fertilité des sols due à la présence des forêts est en train de décliner, on coupe encore et réinstalle d’autres cultures. C’est le phénomène de l’agriculture itinérante ou sur brûlis qui a beaucoup impacté l’environnement pour le cas du Niger », explique Pr. Larwanou.
La disparition de la biodiversité végétale n’est pas sans conséquences. Elle constitue un véritable danger aussi bien pour l’homme que pour les animaux.
« Les dangers liés à la disparition des espèces végétales sont évidents parce que, non seulement on va être confronté à la rareté de ces espèces qui jadis sont utilisées pour soigner les maladies ou contribuent dans l’alimentation humaine mais, cela va aussi contribuer à accentuer la désertification du pays. Donc, c’est un phénomène sur lequel on doit mettre les efforts nécessaires pour le contrecarrer » a indiqué l’écologue-agroforestier
Des solutions d’envergure s’imposent pour préserver la biodiversité végétale
Ainsi, pour la préservation des espèces végétales, il y a plusieurs actions à mener. D’après Pr. Larwanou Mahamane, il faut d’abord changer notre politique environnementale par la création des arboreta ou jardins botaniques un peu partout parce que c’est ce qui manque ici au Niger. Il faut non seulement des arboreta mais aussi des espaces verts de protection et de conservation des espèces comme ce qui se passe dans certaines villes comme c’est le cas à Ouagadougou. A Nairobi (Kenya) et plus globalement en Afrique de l’Est, au niveau de chaque ville, il y a des forêts urbaines qui sont là, elles sont conservées et protégées. C’est dans ces villes qu’il y a beaucoup d’espaces verts utilisés pour la préservation, la conservation et la protection de la biodiversité. Malheureusement, a-t-il déploré, au Niger nous n’avons pas cela.
Pr. Larwanou d’évoquer le cas de la ceinture verte quand elle a été instaurée. « C’était pour jouer ce rôle, servir de sanctuaire pour la préservation de la biodiversité végétale mais malheureusement », regrette-t-il. Pour Pr. Larwanou Mahamane, cette initiative de créer des arboreta au niveau des villes, des communes et même des villages doit être réintroduite. « On doit revoir la politique forestière du Niger car, toutes nos forêts classées ont presque disparu et d’autres n’existent que de nom. La forêt classée, c’est des endroits où les espèces sont protégées. Pour avoir le droit de l’exploitation, il faut avoir un permis. Malheureusement soit certaines forêts ont été transformées en champs comme dans la région de Maradi où il y’a la forêt classée de Dan Kada Dodo qui n’existe que de nom », relève-t-il. Dans la même lancée, ajoute-t-il, « ici à Guesselbodi, juste à côté du péage actuel de Niamey, c’est une forêt qu’il y avait mais qui n’existe aujourd’hui que de nom. Tout est détruit. Ce qui est une très mauvaise chose. Si ce n’est pour un intérêt national de grande envergure, on ne devrait pas déclasser une forêt. Il faut la laisser jouer pleinement son rôle. Il est donc impératif de revoir notre politique environnementale », prévient-il.
Pr. Larwanou mise également sur le changement de mentalité pour arriver à mieux gérer la question de la disparition d’espèces végétales. « Je pense qu’il faut surtout que la nouvelle génération intègre dans son esprit la préservation de l’environnement, c’est très important. Avoir à l’idée que l’arbre doit être protégé car, non seulement, il embellît notre paysage mais aussi la diversité de l’espèce permet à l’homme de l’utiliser pour divers usages » a-t-il dit avant de recommander l’application stricte de la loi dans toute sa rigueur pour qu’il y ait une protection vraiment raisonnée des ressources végétales.
L’aspect culturel n’est pas à négliger dans cette action de conservation de la biodiversité. « Certains arbres sont considérés sur le plan ethnique comme des totems. Et d’autres espèces sont aussi considérées comme abritant des génies à l’exemple du tamarinier, du prosopis africana, ‘’Zam touri’’, ‘’kiria’’. C’est pourquoi, il n’est conseillé à personne de couper ces espèces sinon un malheur va s’abattre sur lui. Je considère que ce sont des stratégies de conservation des espèces », a-t-il affirmé.
Les espèces végétales sont indispensables à la survie des êtres humains
Les plantes sont essentielles à la fertilité des sols. Elles aident à l’infiltration des eaux qu’elles retiennent à l’aide de leurs feuilles et leurs branches. Cela permet de diminuer le ruissellement et de retarder l’érosion qui a tendance à réduire chaque année la superficie des sols cultivables. En d’autres termes, les plantes nous rendent au quotidien une quantité de services incroyables, la plupart étant irremplaçable.
Sur le plan alimentaire, la biodiversité contribue pour le maintien de la sécurité alimentaire et nutritionnelle des populations humaines. Sur le plan sanitaire, l’apport de la biodiversité n’est pas à sous-estimer parce que par le passé quand il n’y avait pas de pharmacies et des centres de soins, ce sont les écorces, les feuilles ou les racines de certaines espèces qu’on macérait pour préparer des décoctions afin de se soigner. A travers le monde, près de quatre (4) milliards de personnes ont recours aux plantes médicinales pour des soins de santé primaire.
C’est pourquoi, il faut valoriser la gestion durable des forêts à travers plusieurs labels, encourager les projets de reboisement et favoriser les modes de production agricole autrement dit une agriculture qui n’implique pas la technique du brûlis. Il est également nécessaire de développer des actions de sauvegarde de la biodiversité et du couvert végétal. On se rappelle qu’en application de la convention sur la diversité biologique (CDB) qu’il a signée et ratifiée respectivement le 11 juin 1992 et le 25 juillet 1995, le Niger a mis en œuvre depuis 1998 une stratégie nationale et son plan d’actions sur la diversité biologique (SNPA/DB). Cette stratégie élaborée sur la base d’un état des lieux sur la diversité biologique au Niger visait trois objectifs spécifiques déclinés à travers 118 actions et couvrant les principaux domaines de la diversité biologique.
La réalisation des actions devait permettre d’atteindre l’objectif global de
« préserver les multiples fonctions de la diversité biologique et ses éléments pour leur utilisation durable en vue d’améliorer les conditions de vie des ménages». Après plus de dix années de mise en œuvre ; l’évaluation de la SNPA/ DB à travers les rapports de mise en œuvre a laissé apparaitre, en dépit des avancées, que les objectifs assignés à la stratégie n’ont pas été atteints. La restauration des espèces végétales nécessite donc l’implication de tous les acteurs dans des programmes ambitieux de gestion concertée des ressources naturelles et des aires protégées.
Rahila Tagou (ONEP)