
Docteur Hama Boureima
Docteur, comment les substances chimiques contenues dans les plastiques, comme les phtalates et le bisphénol, affectent-elles le système endocrinien humain ?
Avant de commencer à expliquer le mécanisme, permettez-moi de définir un peu ce que sont ces substances. Les phtalates, c’est un groupe de composés qu’on retrouve dans les plastiques, qui sont utilisés pour assouplir le plastique ou bien pour augmenter leur flexibilité. Ces phtalates sont souvent utilisées comme solvants dans les produits domestiques de tous les jours, notamment les produits d’auto-soins, y compris les cosmétiques. Quant au bisphénol, c’est un composé chimique que l’on retrouve essentiellement au niveau des plastiques et avec les résines. Ce bisphénol participe à la fabrication de nombreux produits de la vie quotidienne (alimentaires ou non). La particularité de bisphénol est qu’il a la capacité de migrer rapidement de ce plastique qui le contient vers l’aliment ou encore la boisson qui est à son contact. Ce qui nous permet de dire que c’est facile d’ingérer du bisphénol dans notre organisme. Ces composés chimiques, une fois ingérés dans l’organisme, vont se dégrader et les produits issus de la dégradation vont interagir avec le métabolisme de l’organisme. Le métabolisme de l’organisme qui est en effet, la dégradation des sucres, des protéines qui nous donnent les acides aminés, mais aussi la dégradation des lipides et de cholestérol. Il faut noter que de l’autre côté aussi, la majeure partie des hormones est constituée par ces métabolites-là, c’est-à-dire les acides aminés, les dérivés de cholestérol, mais également le sucre. Une fois ingérés, ces molécules vont avoir des interactions entre elles, ce qui va nous permettre d’avoir des réactions entre les produits dégradés du bisphénol ou des phtalates et l’organisme. Ces réactions vont entraîner soit une diminution de l’efficacité de l’hormone, soit une augmentation de l’effet de l’hormone, ou carrément ceci va aboutir à une annulation complète de l’effet de l’hormone. Pour le bisphénol, il est un mimétique des œstrogènes qui sont des hormones que l’on retrouve chez les femmes et les hommes. Un mimétique est un composé chimique qui peut prendre et jouer pratiquement le même rôle que l’hormone. C’est ce qui explique l’implication ou encore le fait que le bisphénol fait partie des facteurs au niveau du cancer du sein, du cancer de l’utérus par exemple.
Pouvez-vous nous dire les risques liés à l’injection des microparticules, de plastique présentes dans l’eau et les aliments ?
Les risques sont nombreux, mais essentiellement nous pouvons citer les effets néfastes sur le neurodéveloppement. En fait, le neurodéveloppement c’est le développement du système nerveux de façon générale. Nous savons que tout organisme est pratiquement commandé par le système nerveux central ou le système nerveux de façon générale. Le premier problème qu’on peut avoir à ce niveau, c’est qu’il y aura un retard de la croissance psychomotrice de l’organisme. Mais en dehors de ce retard psychomoteur, on peut avoir des troubles d’apprentissage. Les troubles d’apprentissage au niveau de l’enfant, un faible quotient intellectuel, ça veut dire que l’intelligence est diminuée. Mais on peut aussi avoir une diminution de l’attention, c’est-à-dire la concentration de l’enfant va être diminuée, des troubles autistiques, etc. Mais au-delà de l’apprentissage de l’enfant, nous avons l’obésité chez le jeune, l’obésité juvénile, nous avons des pathologies respiratoires comme l’asthme, les bronchopneumopathies obstructives que l’on peut avoir également. Ça, c’est en ce qui concerne l’enfant. En ce qui concerne l’adulte, nous pouvons avoir plusieurs problèmes. Premièrement, on les appelle des perturbateurs endocriniens. Ces perturbateurs endocriniens chez l’homme, par exemple, peuvent entraîner une diminution du sperme, ce qu’on appelle l’oligospermie. Ça peut entraîner une azoospermie, une athénospermie qui sont en réalité des modifications de la qualité du sperme, soit en composition, soit en contenu, qui vont aboutir pratiquement à l’infertilité chez l’homme.
Au niveau de la femme on peut avoir des disovulations, c’est-à-dire des femmes qui n’ont pas des ovulations correctes, des ovulations un peu perturbées. On peut avoir aussi l’endométriose. L’endométriose, c’est quand les cellules de l’utérus quittent la muqueuse utérine et se greffent quelque part dans un organe. Ça peut être aussi source d’infertilité chez la femme. Au-delà de ça, quand nous prenons ces substances, nous avons des pathologies chroniques, parce qu’elles participent aussi à ces pathologies chroniques respiratoires. Nous avons pris le cas de l’asthme, mais aussi des pathologies cardiovasculaires.
Si nous venons dans notre contexte, qui est le contexte oncologique, c’est que ces perturbateurs endocriniens sont responsables de la majorité des cancers hormonaux dépendants, notamment le cancer du sang, le cancer de l’utérus, le cancer de la prostate, les cancers pulmonaires et bien d’autres cancers.
Quel effet des produits chimiques libérés par le plastique peuvent-ils avoir sur la santé des enfants en bas-âge ?
Il est important de souligner que déjà l’enfant en bas âge, c’est un enfant en croissance, ça veut dire que plusieurs de ses systèmes sont en train de se constituer, notamment le système cérébral, c’est-à-dire le cerveau, le système reproducteur, le système digestif, bref, tout son système n’est pas arrivé à maturité et qu’il doit mûrir.
Ce qu’il faut retenir c’est que les enfants sont plus sensibles à ces déchets toxiques par rapport à l’adulte où plusieurs de ses fonctions sont arrivées à maturité et qui ont un système d’élimination approprié. En ce qui concerne ces produits qu’on appelle également perturbateurs endocriniens, ils peuvent directement causer des effets néfastes, surtout chez les enfants, notamment le retard de croissance dont nous avons parlé, le retard de croissance psychomoteur, nous avons les troubles de l’apprentissage, nous avons les troubles de la concentration, nous avons la féminisation du jeune garçon, nous avons l’obésité chez l’enfant, nous avons le diabète chez l’enfant. Pour ne citer que cela, si nous devons donc ajouter, nous avons le système reproducteur qui est en train de mûrir, là aussi ces perturbateurs endocriniens peuvent être la cause d’une infertilité future chez le jeune garçon ou chez la jeune fille. Nous avons les maladies du système, ce qu’on appelle par exemple le lupus, la polyarthritolumatoïde, des maladies liées au système immunitaire et qui sont le plus souvent des dépôts de ces substances qui sont responsables de la survenue de ces maladies.
Docteur, dites-nous comment la géomagnification des plastiques dans la chaîne alimentaire implique-t-elle des maladies chez le consommateur humain ?
Il a été prouvé que les phtalates et le bisphénol sont retrouvés dans les produits laitiers, la viande, notamment celle de porc, la viande de bœuf, les fruits et les légumes et dans les fruits de mer. Donc ces substances sont également retrouvées dans les fast-foods et au niveau de la volaille pour ne citer que ceux-là. En fait, ce qu’on doit retenir est que le bisphénol, les phtalates ou ses composés chimiques durent en moyenne 48 heures dans l’organisme avant d’être éliminés soit par les reins, soit par la respiration. Même si ces substances sont libérées, il faut savoir qu’il reste cependant de petites quantités qui vont se déposer au niveau des tissus et ceci va interagir toujours avec le métabolisme, ce qui augmente le risque de survenue de certains cancers que nous avons dit, de certaines maladies cardio-respiratoires, de certaines maladies pulmonaires, etc.
Le chauffage des plastiques peut-il augmenter les risques de libération des substances ?
Nous utilisons beaucoup le plastique et souvent c’est avec des aliments chauds. Or, la chaleur ou bien cette élévation de température va favoriser la libération rapide de ce bisphénol ou encore de ces phtalates et une fois libérés ils ne peuvent migrer que vers le récipient qui les contient. Par conséquent ça va rentrer dans notre alimentation et ces substances une fois ingérées seront responsables de la survenue de toutes les pathologies que nous avons précitées. C’est-à-dire qu’elles sont ingérées, digérées et vont réagir avec le système endocrinien pour être responsables de la majorité des problèmes que nous avons cités. Souvent même autour de nos concessions il y a le brûlage des plastiques qui peut entraîner la dégradation rapide des plastiques et par conséquent de leur constituant. Et ce qui va entraîner que ces substances se volatilisent dans l’air et c’est ça qui va polluer, qui va nous donner cette pollution aérienne ou atmosphérique.
Nous ne pouvons pas finir cet entretien sans pour autant donner quelques mesures de prévention. Sur ce, je vais dire, si nous voulons réduire la concentration des plastiques dans nos aires, dans nos fleuves et même dans nos plats, il serait important de prendre un certain nombre de mesures, notamment aérer nos maisons au minimum 10 minutes par jour, quelle que soit la saison, préférer l’utilisation du vinaigre blanc, du bicarbonate de soude et du savon noir. Parce que c’est écologiquement responsable et c’est moins nocif pour la santé par rapport aux plastiques ordinaires.
Nous avons l’utilisation des emballages biodégradables, c’est-à-dire, au lieu de prendre des plastiques ordinaires, qui durent près de 400 ans sans pour autant se dégrader alors que pour les plastiques biodégradables, il suffisait juste de quelques années et c’est des déchets qu’on peut réutiliser, qu’on peut recycler. Il faut aussi vérifier sur l’étiquette de nos produits, notamment les parfums, les pommades, parce que ces substances peuvent contenir jusqu’à 20% de phtalates de l’eau en potions et de bisphénol. Donc c’est ce que nous pouvons dire, il y a beaucoup de choses à faire, il faut le dire, et il faut aussi dire à nos femmes, à nos mères, à nos filles, qu’il faut éviter autant que possible de réchauffer les aliments, surtout dans des récipients en plastique, ou bien une fois réchauffés ailleurs, il ne faut pas directement mettre dans un plastique, parce qu’en ce moment, on favorise la libération de ces composés chimiques vers l’alimentation que nous allons manger.
Interview réalisée par Aïchatou Hamma Wakasso (ONEP)