Montesquieu écrivait, en 1748, dans ‘’L’Esprit des lois’’ ces admirables phrases qui inspireront les Révolutionnaires français dans leur volonté d’instituer une morale publique dans la gouvernance politique : « Il ne faut pas beaucoup de probité pour qu’un gouvernement monarchique ou un gouvernement despotique se maintiennent ou se soutiennent. La force des lois dans l’un, le bras du prince toujours levé dans l’autre, règlent ou contiennent tout. Mais, dans un Etat populaire, il faut un ressort de plus, qui est la vertu. ».
Ainsi, la confiance des citoyens à l’endroit des responsables politiques et agents publics est au cœur de la démocratie représentative, car la démocratie comme mode de gouvernement ne peut tenir que si ceux qui en ont la charge mettent l’intérêt public au-dessus des intérêts particuliers. Le dévouement à la chose publique ou la ‘’vertu civique’’ est un principe structurel d’un Etat républicain qui doit s’incarner dans de dirigeants exemplaires, irréprochables. L’exigence d’exemplarité des responsables politiques et agents publics – qui se pose traditionnellement en termes de probité, d’impartialité ou de déontologie – participe à la qualité des rapports entretenus avec les citoyens. Plus les dirigeants politiques et agents publics s’élèvent dans la culture de la vertu civique, plus grande est la confiance des citoyens dans les dépositaires de l’autorité publique et des institutions qu’ils gouvernent.
Cependant, l’impératif d’exemplarité des responsables politiques et agents publics se heurte bien souvent à la réalité de certains phénomènes sociaux néfastes que sont la corruption, les détournements de deniers publics, les trafics d’influence, les passe-droits et autres dévoiements caractéristiques de l’époque contemporaine.
Malheureusement, le Niger contemporain n’échappe guère à ces tendances sociétales nuisibles qui mettent en péril le fonctionnement de l’Etat et hypothèquent gravement l’avenir des générations futures. En effet, on ne sait pas de quand date au Niger exactement le recul de l’observance de la vertu publique chez les responsables politiques et autres agents publics, mais, cela semble avoir coïncidé avec l’avènement du processus démocratique au début des années 90. La mauvaise compréhension des principes démocratiques, conjuguée à l’instrumentalisation qui en avait été faite par certains hommes politiques pour leurs propres ambitions politiques, expliquerait en grande partie le déclin de l’esprit civique au Niger.
Aujourd’hui, le constat est effarant : les deniers publics semblent avoir perdu leur sacralité. Détourner, voler et piller les biens publics n’émeuvent plus ou encore scandalisent moins la société dans son ensemble, mais relèveraient plutôt d’un sport national favori : la course à l’enrichissement illicite est devenue une donnée caractéristique du Niger contemporain.
Comment expliquer que des fonctionnaires trouvent les moyens d’inscrire leurs progénitures dans des établissements scolaires privés à coût de millions alors que leurs revenus officiels leur dénient cette exubérance ? Comment justifier que dans certains ministères, des fonctionnaires roulent dans des véhicules à 60 millions de francs la pièce ? Les exemples font légion. Pendant ce temps, dans les Commissariats de police, les véhicules de poolmanquent de carburant. Idem, dans certainsCentres de Santé oùdes ambulances sont garées par manque de carburant. La liste est longue et très loin d’être exhaustive.
Décidément, les Travaux d’Hercule qui attendent le Président Bazoum sont manifestement titanesques. Le retour à l’orthodoxie financière et budgétaire ne sera possible qu’au prix de l’abandon définitif de certaines pratiques comme les LAP, PSOPP dont on avait pensé qu’elles appartenaient désormais à un passé lointain.Suivez mon regard… Il était donc inconcevable, après toutes les dénonciations faites sur et autour des LAP et PSOPP, que de telles pratiques puissent être encore à l’honneur dans ce Niger d’aujourd’hui, au point qu’un simple chef de service transport à la Présidence ait pu en détourner l’usage à son propre compte ! Et combien de IbouKaradjécontinuent encore de gangréner encore notre administration publique ?
De toute évidence, les inspectionsd’Etat et autres organes de contrôle de gestion de l’argent public ont du boulot qui les attend. Pourtant, le Niger est réputé disposer de textes et instruments originaux de lutte contre la corruption et les infractions assimilées les meilleurs d’Afrique. Mieux, la HALCIA a même inspiré plusieurs pays africains qui l’ont copiée chez eux. Cependant, le constat est que nous savons faire de bons textes, mais bien souvent, nous pêchons dans l’application !
Le Président Bazoum a décidé de nettoyer les écuries d’Augias. En homme austère, n’en doutons point, il tiendra cet engagement solennel, car le syndicaliste convaincu qu’il fut ne dérogera point à sa parole donnée. Déjà son style de présidence, marqué du sceau de la simplicité et de la sobriété, aura déjà convaincu bon nombre de citoyens nigériens quant au changement profond qu’il entend apporter à la gouvernance politique du Niger. Ne dit-on pas souvent que le bon Chef tire toujours par le haut, voire resplendit sur le peuple ? Aujourd’hui, tous ensemble avec le Président Bazoum, consolidons donc, mais améliorons surtout, car il ne faut jamais jeter le bébé avec l’eau du bain !
Par Zakari Alzouma Coulibaly(onep)