« Le correspond de guerre n’est pas un soldat mais, il doit savoir agir en tant que tel pour sa propre survie, une fois déployé » ! Les stagiaires sont prévenus : la connaissance des « be à ba » du métier de soldat est d’une grande utilité pour les correspondants de guerre. Il faut savoir identifier les explosifs et prendre des précautions pour contourner ceux qui n’ont pas explosés. Il faut aussi savoir garder son calme pendant les combats et quand on est pris pour cible car, à bien d’égards une caméra ou un appareil photo peut sembler une menace pour un tireur actif qui voudra neutraliser la menace par conséquent. L’un des derniers éléments est de s’habituer à la vue d’images choquantes.
Pour ce faire, les instructeurs des Forces Spéciales de la Police n’ont pas lésinés sur les moyens avec l’utilisation de balles et d’explosifs réels au plus près des stagiaires pour les habituer aux explosions. Et aussi l’utilisation de fumigènes pour gêner les stagiaires dans leur progression vers les abris, suite aux attaques qu’elles lancent fréquemment contre les futurs correspondants de guerre. Une fois sur les installations d’entrainement, les stagiaires deviennent des soldats pour les forces spéciales qui créent sur eux une pression maximale. «S’il faut rencontrer le pire sur le terrain, il est préférable de le vivre d’abord en situation d’entrainement », soutiennent-ils.
Pour pousser les nerfs à bout, une partie de l’équipe des Forces Spéciales s’est secrètement constituée en groupe djihadiste hostile et à profiter du chaos des tirs et des explosions pour enlever un des stagiaires et le retenir prisonnier dans un tunnel. Prévenus dans le briefing qu’on ne devrait laisser personne derrière, le groupe est forcé d’aller à la rencontre des ravisseurs, dans leur tunnel, pour négocier la libération de leur camarade dans un contexte qui va vite dégénérer avec des explosions et des éclats dans les méandres sombres du tunnel. L’objectif est de mesurer l’aptitude des stagiaires à appliquer en situation réelle de stress, les techniques avancés de négociations en situations d’urgence qu’ils ont appris avec les négociateurs de la Police.
Dans la nuit de la huitième journée, les stagiaires sont partis à l’assaut de la montagne sous une pluie abondante et paquetages au dos, couverts de leurs imperméables. La pente est raide, le brouillard intense et la fatigue a son point culminant quand retentir encore des tirs et des explosions qui prenaient pour cible le détachement en mouvement des stagiaires, les forçant à se jeter dans la boue froide pour se protéger. Et en pleine nuit, la voix d’un stagiaire résonnait dans l’obscurité effrayée comme tous les apprenants et demandant si « on est des journalistes ou bien des soldats des forces spéciales ». Ce qui n’a pas empêché les instructeurs de réveiller le groupe juste deux (2) heures après leur sommeil, en faisant exploser des grenades, et en tirant à l’arme automatique.
La formation a permis de créer un lien fort entre les stagiaires d’une part, et entre les stagiaires, les instructeurs et les superviseurs des cours, d’autre part. A force de souffrir ensemble, de manger ensemble et de se soutenir pendant les exercices difficiles, Ankara à créer une nouvelle famille avec la 21ème session de formation des correspondants de guerre. Et cette famille a l’intention de se constituer en structure panafricaine pour permettre aux journalistes africains de vivre de telles expériences dans leurs domaines de spécialisations.
Les blessures survenues lors des entrainements sont désormais pansées et l’odeur et l’inhalation des gaz lacrymogènes ne sont que des souvenirs. Avec leurs certificats, 14 africains rejoignent le groupe des quelques 400 journalistes à travers le monde qui ont accompli avec succès cette formation lors des sessions précédentes. Malheureusement, certains d’entre eux ne sont plus, tombés dans l’exercice de leurs fonctions en tentant d’informer le public sur la guerre et ses conséquences sur les communautés.
Par Souleymane Yahaya(onep), envoyé spécial