« En réalité, c’est d’abord une histoire de passion héréditaire, car mes parents étaient aussi agriculteurs et m’ont transmis l’amour pour la terre», affirme Mahamadou Halilou Abdoul Aziz, expliquant ainsi pourquoi il a interrompu une carrière qui semblait prometteuse dans une société de télécom pour se reconvertir dans l’agro entrepreneuriat. En fait, dira-t-il, le temps passé à travailler dans les sociétés lui a servi pour faire quelques économies afin de démarrer son activité, dont le projet attendait depuis 2006.
L’aventure qui va conduire à la création de l’entreprise Goroubi ferme a débuté en 2009 avec l’achat dans la zone de Tamou, département de Say, des terres qui seront mises en valeur. De quelques centaines de m2, les terres acquises vont atteindre 5 ha en 2015 ; 13 ha en 2016 ; 32 ha en 2018 sur un ensemble de 7 sites. « Aujourd’hui, avec un huitième site en cours de mise en valeur à Gorou kaïna à la périphérie de Niamey, nous totalisons en 2022 environ 34 hectares», précise Mahamadou Halilou Abdoul Aziz. C’est ce dernier site que nous avons visité.
A l’aise au milieu des arbres et planches de potagers, l’informaticien comptable de formation, décrit et explique comme le ferait un ingénieur agronome, les techniques de greffages des arbres ou les gestes et démarches qu’il faut pour une production dans les normes bio. Quand on le lui fait remarquer, il répond : « Pour ma reconversion, je me suis formé auprès d’autres, lors des ateliers, des voyages ; je me suis également auto-formé. Depuis 2016 je suis devenu agriculteur professionnel », dit avec fierté, le promoteur et Directeur General de l’entreprise Goroubi ferme. Vergers, potagers, cheptel, tout est dans le respect strict et précis des critères de production purement biologique, auxquels l’Entreprise Agricole Goroubi reste fidèle. Pour la main d’œuvre, le promoteur de Goroubi fait recours à des ouvriers issus du milieu où se trouvent les sites de production et les encadre.
Développement d’une chaine de valeur dans les normes Bio
Dans un domaine qui intéresse de plus en plus les agriculteurs professionnels et les investisseurs, Mahamadou Halilou Abdoul Aziz a voulu se démarquer afin de s’affirmer. «L’Entreprise Agricole Goroubi œuvre pour la promotion d’une agriculture durable et soucieuse de l’environnement à travers un modèle intégré agro-pastoral de production purement biologique (sans engrais ni pesticides chimiques), axé sur le développement de la chaine de valeur du moringa biologique, de légumes et fruits biologiques», assure-t-il.
Le choix pour la production et la transformation du moringa se justifie bien. C’est un produit dont les vertus alimentaires et thérapeutiques ont été mises en évidence par des recherches scientifiques effectuées aussi bien en Afrique qu’en Occident, souligne l’agro entrepreneur. Mais, pour que les vertus et bienfaits du moringa servent mieux, la plante doit être produite et transformée dans des conditions idéales. Pour ce faire, Mahamadou Halilou Abdoul Aziz a estimé qu’il n’y a pas meilleure option que de s’investir sur toute la chaine. Car, on n’est jamais mieux servi que par soi-même. Ainsi, à partir de 2014, près de 3,5 ha ont en été emblavés pour le moringa de variété PKM1 améliorée par l’ICRISAT, présentant un plus grand potentiel agro-commercial. La production est faite suivant un processus entièrement biologique, seule la fumure naturelle fournie par le bétail sur pied (ovins-caprins) est utilisée, garantit-il. Le résultat est la production des feuilles de moringa saines garantissant la stabilisation de la molécule pour un usage thérapeutique.
L’étape de transformation à laquelle est passée l’entreprise Goroubi en 2016 est assurément un pas décisif dans le projet porté par Mahamadou Halilou Abdoul Aziz. Ce processus, tel qu’il le décrit, consiste en : « la déshydratation à l’ombre des feuilles fraiches de moringa en feuilles séchées constituant la matière première pour la transformation en produit dérivés de moringa : poudre, thé, aliments pour bétail ; cosmétiques, etc. L’huile de moringa est extraite des graines de cette plante, et les résidus (tourteaux de graines) alimentent la chaine de production des aliments pour bétail, ainsi que celles des floculants biologiques de traitement naturel des eaux ».
Le conditionnement avec des emballages appropriés estampillés «Les saveurs du Goroubi», valorise davantage les produits. Il y a de l’innovation tant dans le concept de packaging adapté au contenu de qualité que sont les produits exempts de tout élément chimique, que dans leur présentation avec des design visant les standards internationaux. Dans le cas du moringa, il s’agit essentiellement d’emballages hermétiques, étanches, auto adhésifs à usages multiples, anti ultra-violet, de type alu plastifiés.
Pour la distribution et la commercialisation de ses produits, l’entreprise a mis en place un réseau basé à plus de 70% autour des Pharmacies et autres officines à Niamey et l’intérieur du pays, et 30% à travers la vente en ligne via une plateforme dédiée INNOVETRADE couplée à son site internet : www.ferme-goroubi.com. D’autres plateformes partenaires de vente en ligne telle Kaomini de Niger poste, et Agritech sont également utilisées avec l’intégration du digital dans la diffusion de l’offre commerciale.
Des perspectives pour la première entreprise nigérienne certifiée Ecocert Bio EOS/NOP
En entrepreneur avisé, Mahamadou Halilou Abdoul Aziz, a tenu d’abord à protéger sa marque. Goroubi qui est une marque commerciale protégée auprès de l’OAPI depuis janvier 2020. L’huile de moringa pure extraite à froid a été certifiée par l’ANMC en 2021. Mieux, depuis 2022, Goroubi est devenue la première Entreprise Nigérienne certifiée Ecocert Bio EOS/NOP pour sa gamme de moringa Bio constituée de neuf(9) produits. Une certification bio internationale ouvre à ses produits l’entrée sur le marché de l’Union Européenne et les USA, le Canada.
En plus du moringa bio qui constitue désormais sa spécialité, Goroubi ferme produit une diversité de fruits, dont des variétés d’agrumes, de mangues, de bananes, de dattes, gingembre…et même du panicum maximus, une plante à forte valeur fourragère. Aussi, fait exceptionnel, la ferme produit sur le site de Lonthia Kaina de l’ananas bio qui est mis sur le marché.
«Je crois en une agriculture bio, même si le processus est coûteux et impacte les prix des produits», dit Mahamadou Halilou Abdoul Aziz, vantant au passage les vertus et bienfaits des produits Goroubi pour la santé, l’environnement. Faut-il faire un lien avec l’allure encore jeune qu’il affiche à 49 ans aujourd’hui ? Ce qui est vrai, son business promet. Il nourrit un grand espoir pour les perspectives. «L’investissement est lourd dans l’agro business et les fruits se récoltent sur le moyen et long terme», ajoute-t-il. A ce jour récapitule-t-il, grâce à un des prêts et de l’auto-financement, c’est un investissement d’environ 300 millions de francs CFA qui a été consenti pour le compte de l’Entreprise Agricole Goroubi.
Si les produits Goroubi sont exportés en Turquie, en France et au Canada, le marché local se constitue aussi au fil du temps. A Niamey les gens s’orientent de plus en plus dans la consommation bio. Ce qu’illustre l’amélioration de l’affluence à la foire vente qu’organise chaque samedi au siège du RECA le Groupement d’Intérêt Economique (GIE3B), présidé par Mahamadou Halilou Abdoul Aziz et qui regroupe les producteurs et acteurs de la chaine de valeur du Bio au Niger. « Au début, les clients étaient presque seulement des expatriés, mais ces derniers temps les nigériens sont les plus nombreux à venir s’approvisionner en produits frais, bio», se réjouit-il.
Cependant, estime le promoteur de Goroubi ferme, l’Etat doit réellement s’impliquer pour faire de la campagne «consommons local» une réalité. Le Niger, est l’un des premiers pays de l’UEMOA à lancer cette campagne, rappelle-t-il. «Mais dans les faits, nous sommes aujourd’hui en arrière», déplore- Mahamadou Halilou Abdoul Aziz, appelant à aller au-delà du slogan. Cela, en commandant auprès des producteurs nigériens certains produits importés pour les besoins des services de l’Etat. Pour les produits Goroubi, dit-il, les compléments alimentaires fabriqués par l’entreprise peuvent bien servir dans la lutte contre la malnutrition et même prévenir certaines maladies.
Plus que jamais convaincu par ce qu’il a choisi de faire, Mahamadou Halilou Abdoul Aziz espère encourager d’autres nigériens à s’engager dans l’agriculture bio. Aussi, dans son projet de réaménagement du site de Gorou kaïna, un centre de formation pratique en agriculture bio y est prévu. « Le besoin existe, car de plus en plus les propriétaires des jardins demandent des formations pour leurs ouvriers ; des Ong me sollicitent aussi pour la mise en valeur de leurs terres», rapporte-t-il.
Confiant pour les perspectives, le Directeur Général de l’Entreprise Goroubi travaille à rehausser son chiffre d’affaires qui, avant la crise sanitaire de Covid19, avoisinait 30 millions de FCFA. Il s’investit entièrement dans le développement des quatre unités de gestion qui composent l’entreprise Goroubi, notamment les activités de la pépinière pour la production des semences et plants ; la gestion des sites et la production agricole ; la transformation alimentaire et la gestion du foncier à travers l’acquisition, la vente et l’aménagement de terres agricoles.
Par Souley Moutari(onep)