Comme dans plusieurs zones de la région de Tillabéri, le contexte sécuritaire du département de Kollo reste tout aussi préoccupant. Ce qui exige des nouvelles autorités de redoubler d’efforts pour venir à bout de ce fléau. Pour ce faire, elles comptent et placent la jeunesse au cœur des actions pour le renforcement de la résilience et de la proactivité des communautés. A Kollo, dans la région de Tillabéri, localité située à quelques 29 km de Niamey, l’annonce récente du recrutement de 10.000 jeunes a d’ores et déjà suscité de l’engouement et attisé la flamme du patriotisme qui s’est réveillé chez les nigériens de manière générale depuis le 26 juillet 2023. Dans cet entretien, le président du Conseil Départemental de la Jeunesse de Kollo, M. Youssoufa Garba Alhassane nous explique leurs appréhensions et leur rôle par rapport à la lutte contre l’insécurité dans toutes ses formes au niveau du département.
Monsieur Youssoufa, aujourd’hui la jeunesse de Kollo est au centre des préoccupations des autorités locales, au regard de la menace sécuritaire qui sévit dans toute la région de Tillabéri. Comment voyez-vous aujourd’hui la situation dans le département ?
Comme vous le savez, le département de Kollo regorge en son sein 11 communes qui sont aux alentours de Niamey. Nous sommes la porte ou les portes de Niamey. Et certaines de nos communes font frontière avec des localités comme celles du département de Say ou de Ouallam où, la situation sécuritaire reste quand-même un peu difficile. Nous sommes aussi au bord du fleuve. Vers Kirtachi, l’insécurité reste véritablement préoccupante. Que ce soit le terrorisme, le trafic illicite (carburant, médicament, drogue etc.). L’événement intervenu il ya quelques années dans la réserve de Kouré, une commune de Kollo, témoigne aussi de l’ampleur de la menace.
Côté jeunes, nous faisons de la sensibilisation, nous menons des activités sociales, des activités environnementales. Il faut comprendre qu’à ce stade de la menace sécuritaire, la jeunesse doit jouer un rôle capital. Ceux qui ont pris les armes sont des jeunes. C’est pourquoi, l’Etat doit créer les conditions pour occuper les jeunes afin d’éviter la contagion à travers la tentation et le gain facile. Ce qui se passe dans nos contrées est extrêmement grave dans la mesure où ce sont nos parents qui en souffrent, ce sont eux qu’on tue. C’est pourquoi nous menons des sensibilisations, parce ce que c’est de cela qu’il s’agit. Nous organisons aussi des thé-débats pour discuter sur les perspectives d’avenir. Voyez-vous ces camarades qui m’attendent, nous allons parler de nouveaux phénomènes d’insécurité tels que les coupeurs de route, les vols, la fraude de carburant, auxquels on assiste ces derniers temps dans le département.
L’insécurité est surtout favorisée par la vulnérabilité des jeunes. Vous avez parlé vous-mêmes de désœuvrement et de frustration des jeunes. Est-ce que la jeunesse de Kollo est aujourd’hui à l’abri des tentations ?
Je ne dirais pas que la jeunesse de Kollo n’est pas vulnérable. Mais c’est une jeunesse qui a pris conscience. Nous sommes sur ce que nous appelons ‘’un jeune, un champ‘’. Nous essayons de négocier les autorités coutumières et les autorités administratives pour nous occuper. La jeunesse de Kollo a aussi compris l’intérêt d’entreprendre. Nous avons de jeunes commerçants, des jeunes qui réussissent dans le maraîchage. Les jeunes se trouvent dans beaucoup d’autres activités licites et génératrices de revenus. Dieu merci, nous avons des autorités qui nous écoutent et des ONG qui nous appuient. Actuellement, il y a des jeunes qui sont en formation en plomberie. Certains ont fait couture, d’autres ont été formés pour entreprendre dans la menuiserie, la pisciculture, la riziculture. Tout cela va permettre d’occuper cette jeunesse avec aussi, parallèlement la sensibilisation que menons.
Selon les autorités locales, ce qui inquiète le plus aujourd’hui à Kollo, c’est la fraude de carburant, un trafic qui contribuerait à l’approvisionnement des terroristes. Et là aussi, la jeunesse est appelée à collaborer avec les Forces de Défense et de Sécurité pour lutter contre le fléau. Qu’en dites-vous ?
Les conditions sont, quelque part, réunies pour que nous puissions aider les autorités à lutter efficacement contre cette menace. C’est sur cette question particulièrement que nous sommes partis à la rencontre des jeunes un peu partout. Nous avons constitué des groupes, en comités de vigilances, pour servir de relais de sensibilisation. Chaque membre est ambassadeur de la paix, de la cohésion sociale et du civisme. Nous le faisons sans rémunération, c’est du bénévolat. Nous maitrisons la situation de notre jeunesse. Je dirais à 80%, nous n’allons pas nous laisser faire. Nous sommes en train de nous chercher de façon légale. Loin de nous l’idée de rejoindre qui que ce soit contre notre patrie. Depuis le 26 juillet 2023, c’est un Niger nouveau, avec désormais une jeunesse consciente et responsable. Nous avons manifesté notre soutien au Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) et nous nous battons à le prouver à travers nos comportements patriotiques. La sécurité, c’est aussi une affaire de la jeunesse et nous en sommes conscients.
Depuis le 1er juillet, le CNSP a lancé un programme d’enrôlement de 10.000 jeunes dans l’armée. Quel est l’engouement ici à Kollo ?
Nous attendons justement de telles occasions pour nous prononcer sur cette question. Nous pensons qu’il y a des aspects que l’Etat doit prendre en compte. Nous ne disons pas de prendre tous ceux qui le veulent y compris les inaptes. Mais quand vous avez des jeunes enthousiastes et très motivés à servir la Nation, la patrie, on doit prévoir quelque chose pour contenir les regrets de ceux qui n’auront pas cette chance d’être enrôlés dans l’armée. Les jeunes attendent impatiemment le recrutement depuis longtemps. Les jeunes nigériens ont la volonté, et dans ce contexte, le pays en a besoin. Même si on ne peut pas prendre tout le monde, qu’on prenne le maximum, qu’on évite de faire des frustrés. Vous savez, l’être humain digère difficilement son échec. Qu’il s’agisse encore d’une question d’aptitude, les gens ne diront pas qu’ils ont échoué mais plutôt qu’ils ont été empêchés.
A votre niveau que prévoit le Conseil Départemental de la Jeunesse au profit de ceux qui ne seront pas retenus ?
Nous comptons bien les réorienter dans des activités génératrices de revenus et les responsabiliser à travers nos comités de vigilance. Il nous faut les occuper, même si c’est pour un bout de temps. Mais notre grand souhait, ce qu’on enrôle le maximum de jeunes dans l’armée.
Réalisé par Ismaël Chékaré et Hamissou Yahaya, (ONEP) envoyés spéciaux