Monsieur le Préfet, pouvez-vous brièvement nous présenter le département de Gothèye ?
Merci de m’avoir donné l’opportunité de m’exprimer dans les colonnes de votre journal. Le département de Gothèye, c’est la zone du fleuve, de la Sirba et du Folko (la rivière du Dargol). Il est composé de deux communes et un canton de 111 villages administratifs sans compter les hameaux qui viennent d’être érigés où les chefs des villages ne sont pas encore installés. Récemment, nous avons eu à présider des élections des chefs de six nouveaux villages et d’autres sont dans le circuit. Le département est une large entité riche en potentialités avec ces cours d’eau. Il a une superficie de 7 680 km2. L’ancien poste administratif de Gothèye a été érigé en département en août 2011, rattaché à la région de Tillabéry. La situation géographique du département montre qu’il est limité au nord et à l’ouest par le département de Téra et le Burkina Faso, à l’Est par le département de Tillabéry, au sud par les départements de Kollo et de Torodi. La population du département très cosmopolite notamment au niveau du chef-lieu (ville de Gothèye) est estimée en avril 2019 313,772 habitants. La majorité de la population est composée de zarma-sonrai et de peulhs. Mais en ce qui concerne la population, il faut dire que le département constitue le Niger en miniature où plusieurs communautés étrangères y vivent.
D’après les services de l’Agriculture, le bilan de la campagne agricole 2019 est très déficitaire. Qu’est-ce qui est fait et quelles sont les dispositions prises pour minimiser les effets de la crise qui se pointe à l’horizon ?
Comme partout au Niger, la campagne agricole a bien démarré dans le département de Gothèye. Les paysans pensaient avoir une bonne année agricole. Malheureusement, leurs espoirs s’étaient assourdis avec l’arrêt brusque des pluies en début du mois de septembre. Les cultures en ont beaucoup souffert. Cette année, la situation de production agricole fluviale est déficitaire en raison de la mauvaise répartition des pluies dans le temps et dans l’espace. Au cours de l’année 2019, l’Etat et ses partenaires ont investi 28. 268. 817FCFA pour accompagner les producteurs du département dans les réalisations physiques. Avec ce soutien dont les ventes à prix modéré des céréales, les populations ont pu surmonter le calvaire. La saison est terminée à partir du début septembre 2019. En effet, 68% des villages sont déficitaires avec près de 66.38% de la population touchée. Mais avec l’appui de l’Etat par la vente à prix modéré des produits céréaliers et la pratique du maraîchage, les populations vont surmonter le calvaire avec l’exploitation de plus de 106 sites maraîchers.
Le département de Gothèye regorge aussi d’importantes potentialités en eau et en or avec l’exploitation de quelques sites aurifères. Comment se fait l’exploitation ?
Notre département exploite les ressources naturelles à savoir l’eau de surface comme le fleuve Niger qui le traverse sur une distance de 80 km, l’affluent Dargol sur 60 km et l’affluent Sirba sur 96 km. Nous avons également de nombreuses mares permanentes et semi permanentes. Le sous-sol est riche en or qui fait non seulement l’objet d’exploitation industrielle mais aussi traditionnelle sur de nombreux sites d’orpaillage. Nous avons par exemple le site de Samira. Il faut repréciser que le département est assis sur de l’or. La preuve, nous disposons de 42 sites d’orpaillage. Ces différents sites attirent les bras valides. C’est pourquoi je pense que pour bien développer ce travail, il faut un rudiment. Nous sommes en train de vouloir organiser le secteur, parce qu’à tout moment, on apprend qu’un tel a gagné de l’or dont la valeur dépasse 40 à 50 millions. Nous voulons organiser ce domaine parce qu’il est productif en allant vers les partenaires pour éviter non seulement les accidents mortels sur les sites d’orpaillage, mais aussi encadrer les jeunes exploitants.
Monsieur le préfet, le département de Gothèye dispose de services techniques décentralisés de l’Etat. Est-ce que ces services sont fonctionnels avec des résultats concrets ?
Nous faisons partie des derniers départements nés en 2011. Nous avons un manque des services techniques. Dans beaucoup de domaines, nous sommes encore rattachés à Téra qui se trouve à 100 km de Gothèye. A mon arrivée, je me suis battu pour trouver quelques services. Nous n’avons pas de directeur de la renaissance culturelle que d’ailleurs je recherche à la loupe. Nous avons besoin de la justice. Par contre, en ce qui concerne les services existants, ils ont des problèmes de local. Mais je pense que d’ici peu, la situation va évoluer.
En matière de santé, le département de Gothèye n’a aucun problème. On peut dire que nous sommes les plus gâtés au Niger. Avec le concours de l’Etat et ses partenaires notamment ENABEL, nous disposons d’un hôpital, si je peux le dire de référence. Il dispose de matériels de dernière génération. Malgré que l’hôpital ne soit officiellement pas ouvert, les prestations sont en cours. Nous avons encore le problème de personnel pour la manipulation des machines que d’ici son inauguration, nous souhaitons en disposer.
Malgré la mauvaise répartition des pluies dans le temps et dans l’espace, le cheptel croit ; concernant l’élevage, le cheptel du département a connu ces dernières années un accroissement remarquable, avec près de 626. 689 têtes de toutes espèces confondues. Les modes d’exploitation des animaux restent l’élevage villageois, la transhumance intercommunale et l’embouche.
Monsieur le préfet, comment se présente la situation sécuritaire dans votre département, vu que c’est une préoccupation ?
La situation sécuritaire est une question qui préoccupe tout le monde. Notre département est sous l’état d’urgence. Les localités frontalières du Burkina se retrouvent dans la zone rouge. Pendant la saison pluvieuse, les zones de la Sirba sont tendues. Dans cette bande rouge, nous avons 30 écoles fermées, 16 dans la commune de Dargol et 14 à Gothèye. Les terroristes qui se disent des djihadistes ont attaqué les écoles de Bouloundiounga, Niafarou, Nabanbori, Mandaw, Ibiri, Waraw et Tingou. Ils ont dérangé les populations pendant la saison pluvieuse ; mais après l’armée les a repoussés. Aujourd’hui, dans tous ces villages cités, nous avons des réfugiés ; près de 400 personnes du Burkina Faso qui ont fui les attaques d’un village voisin. Ils font tout pour enrôler nos populations, mais grâce aux multiples sensibilisations des autorités administratives et coutumières elles refusent. Nous avons mis des comités de vigilance pour que la remontée de l’information soit fiable. Maintenant, ça va mieux avec l’appui de l’Etat ; sous peu ce problème va finir. En ce qui concerne les écoles, fermées, nous avons redéployé les enseignants tout en sensibilisant les parents à inscrire les élèves dans les écoles des villages voisins. Nous avons pris des dispositions. Nous avons repris 17 hangars avec les partenaires, il reste juste à assainir l’endroit pour ramener le personnel et les élèves dans leurs écoles d’origine.
Il faut préciser que l’Etat a fourni des efforts inlassables. Mais pour que cela puisse être transformé en acte, il nous faut des cadres valables et compétents à la base. Si dans tout le département, toutes les directions existent avec des cadres capables, tout va marcher. Ce changement est possible. Les populations vont s’intéresser à l’agriculture et l’élevage ainsi qu’à la pêche. Nous ne devons pas oublier que les temps ont changé avec la variabilité climatique. Il nous faut un revirement d’esprit pour conscientiser les populations et leur faire adopter un nouveau comportement. Aujourd’hui, la pratique du maraîchage peut nourrir toute la zone avec une diversité de cultures.
Seini Seydou Zakaria, envoyé spécial(onep)