La souveraineté alimentaire est un sujet d’un grand intérêt pour l’Honorable Harouna Mahamadou Hambali, chef de canton de Dioundiou qui a fait du développement de l’agriculture son cheval de bataille. Dans cet entretien, le Sarkin Musulmi de Dioundiou appelle les Nigériens à se remettre au travail afin d’accompagner l’élan patriotique pour développer ensemble la patrie, seul gage de notre souveraineté.
Honorable, au cours d’une sortie médiatique, le 11 février 2024, le Président du CNSP, le Général de Brigade Abdourahamane Tiani avait rassuré le peuple de l’engagement du CNSP à faire du Niger, un pays de développement. Comment selon vous cet essor peut-il se réaliser dans un contexte d’insécurité ?
C’est avec intérêt que j’ai suivi la sortie médiatique du Chef de l’Etat qui depuis l’avènement du CNSP au pouvoir ne ménage aucun effort pour être très proche du peuple nigérien à travers les explications de l’évolution de la situation du pays. Le Président Tiani est un visionnaire averti, soucieux de l’avenir du Niger et de son peuple. A chaque fois qu’il s’adresse au peuple, il renouvelle sa promesse de ne pas trahir l’aspiration de ce dernier. Cela doit interpeller l’ensemble des Nigériens à retrousser les manches pour se mettre au travail afin de sauvegarder notre souveraineté, notre dignité et notre honneur. Cet appel à la patrie du Président du CNSP est très important dans ces contextes d’insécurité sociale et alimentaire.
Pour répondre à la question, vous êtes témoins qu’après la campagne d’évaluation agro sylvo pastorale, le Niger était déficitaire dans le domaine de l’agriculture. Cette situation semble catastrophique, et dont les causes sont dues à l’insécurité et à la variabilité climatique. J’ai toujours dit dans mes interventions que, ventre affamé n’a point d’oreilles. Un pays ne peut pas se développer dans la faim. Le CNSP doit d’abord se focaliser à inciter les populations à la pratique de l’agriculture à tous les niveaux dans le pays. Je vais vous dire que le peuple nigérien a un immense défi à relever, un défi qui a un rapport avec sa dignité et son honneur. Il s’agit surtout du défi de l’éradication de la faim. Il est choquant que, de manière récurrente, nous soyons réduits à mendier notre pain auprès des autres peuples.
L’appel à l’aide comme solution aux crises alimentaires par les autorités doit finir avec le CNSP. Partout au monde, l’expérience a démontré que l’aide n’est pas une solution efficace face un problème donné. Le fait d’envoyer dans un pays des vivres ou de l’argent peut réduire l’efficacité de l’intervention de l’Etat. L’aide à elle seule ne peut pas résoudre la crise. L’Etat doit insister, c’est au peuple de se remettre au travail de la terre pour combattre l’insécurité alimentaire et cela est possible comme de l’eau à boire au bord du fleuve. Il suffit de développer et de mettre une politique agricole rapide. Ainsi, le soutien aux agriculteurs et aux agricultrices va surtout améliorer la sécurité alimentaire, stimuler les économies locales et renforcer la résilience des communautés.
Nous observons ces derniers temps un phénomène inquiétant de déplacement des populations vers les centres urbains, notamment à Niamey. Dans une telle situation, est-ce qu’on peut développer une agriculture locale dans notre pays ?
En situation d’insécurité alimentaire, le problème qui se pose est l’indisponibilité de la nourriture, soit elle manque, soit parce que l’accès est difficile. Cette insécurité alimentaire est causée par différents facteurs dont les conflits, la première cause des crises alimentaires aiguës et les dérèglements climatiques qui ont aussi un impact direct sur la sécurité alimentaire. Quand l’insécurité s’installe, les champs agricoles sont abandonnés par les paysans. Or, vous savez bien comment les populations des zones de conflit du Niger souffrent. C’est pourquoi nous observons le développement progressif des migrations rurales-urbaines, plus connues et à juste titre, sous le vocable d’exode rural.
Certes, nous avons connu d’épisodes de famines et de disettes dont certains ont eu des conséquences. Ces phénomènes sont le plus souvent accompagnés de mouvements de populations, mais avec l’insécurité que l’Etat est en train de combattre sans faille, la situation va surement changer. L’Etat doit impliquer toutes les couches sociales pour mener cette lutte sans merci afin de combattre l’insécurité. Sans la paix, rien ne peut se développer. Quand je dis les couches sociales, il s’agit des chefs de ménages, quartiers, villages, les leaders d’opinion et religieux dont les femmes, les Chefs traditionnels et coutumiers etc. Ces derniers sont le plus souvent au courant de tout ce qui se passe dans les villages en termes de complicité. Qui sont les bandits armés ? Ce sont les enfants des mêmes zones où l’insécurité s’est installée. La guerre est asymétrique. L’insécurité doit être combattue à la base. Chacun de son côté doit apporter sa contribution pour arrêter le phénomène.
Dans la perspective de combattre l’insécurité alimentaire, pensez-vous que le secteur rural aura une place centrale pour jouer un rôle moteur dans l’amélioration de la croissance économique ?
Le monde rural doit être au cœur de la stratégie de réduction de la pauvreté. Aujourd’hui, les pays sahéliens disposent de toutes les richesses naturelles notamment l’eau et l’espace cultivable. Le Niger est le noyau central. Il suffit de faire la promotion des cultures de rente appelé contre saison et autres pour combattre la faim et développer la transformation des produits agricoles. L’agriculture céréalière aura aussi une dimension pour sa modernisation.
Je vous assure qu’en se focalisant sur les cultures de rente, l’action publique fait l’impasse sur les exigences du monde paysan, à savoir la sécurisation alimentaire dans un contexte marqué par les incertitudes climatiques et commerciales. Il faut que les populations nigériennes comprennent que l’autosuffisance alimentaire répond davantage à une logique nationaliste pour couvrir de manière autonome les besoins alimentaires nationaux. Nous sommes obligés de revenir sur les concepts de développement à la base en mobilisant la jeunesse à s’investir dans l’agriculture. Ce concept idéologique relève du pur nationalisme.
Nous allons ainsi répondre aux défis alimentaire et environnemental parce que les contraintes, les potentialités du milieu et les priorités ont été dégagées. Pour rappel, en 1974, les autorités militaires qui avaient pris le pouvoir, sur fond de famine, pariaient sur l’engagement de combattre la faim. La souveraineté alimentaire et sécuritaire est avant tout le premier combat à mener pour la stabilité du pays. Enfin, j’appelle les Nigériens à se remettre au travail pour combattre l’insécurité dans toutes ses formes pour notre souveraineté nationale. Les militaires sont là pour le bonheur de notre patrie et nous avons l’obligation de les accompagner pour développer notre pays et un jour laisser la bonne histoire à raconter aux générations futures dans un Niger prospère.
Réalisé par Seini Seydou Zakaria (ONEP)