La fête du Bianou a pris fin ce mercredi dans la grande cour de sa Majesté le Sultan de l’Air Oumarou Ibrahim Oumarou où des centaines de jeunes, femmes, hommes habillés de leurs meilleurs atours de fête ont rivalisé de danses et de fairplay qui donne au Bianou toute la dimension socioculturel qu’il renferme et ce depuis la nuit des temps. Avant d’arriver au sultanat, les festivaliers ont fait un bref crochet à la résidence de l’autorité politique et administrative locale. Le gouverneur de la région M. Sadou Saloké a salué et remercié les organisateurs qu’il a invités à tout faire pour conserver cette culture de l’abzine.
Le Bianou est une fête à caractère culturel et religieux qui n’existe nulle part au Niger qu’à Agadez. Selon les traditions orales cette fête est organisée pour commémorer le jour de la naissance du Prophète Mohamed (S.A.W). Le Bianou commence le 1er du mois de Moharem.
L’origine de cette fête dont l’histoire remonte à la nuit des temps symboliserait aussi la manifestation de joie après l’arrêt des pluies diluviennes et le jour ou l’arche de Noé s’est posé sur le mont Ararat (5.165 mètres d’altitude) à l’extrême-Est de la Turquie après le déluge. Certaines personnes estiment que le Bianou célèbre l’accueil réservé au prophète Mohamed (S.A.W) par les habitants de Médine, lors de l’hégire en 622 et d’autres pensent qu’il s’agit de la commémoration des victoires guerrières du temps des guerres saintes.
La ville entière célèbre cette manifestation culturelle et religieuse aux allures carnavalesques. Femmes, hommes, jeunes et personnes âgées paradent dans les grandes artères d’Agadez sous les rythmes endiablés des ‘’Akanzam’’ sortes de petits tambourins et du ‘’Tambari’’ grand tambour guerrier. Deux groupes de danseurs, ceux du quartier Est et ceux de l’ouest de la ville chacun à sa tête un ‘’tambari’’ anime la Bianou la grande fête de la musique, de la danse et de la beauté.
Des jeunes habillés de boubous bleu, blanc, arborant le turban auréolé de blanc et de noire vif surmonté d’une bande d’étoffe indigo en forme de crête de coq, portant fièrement le sabre, le poignard, la lance et par-dessus leurs grands boubous, de larges ceintures décorées marchent, dansent au rythme endiablé de leurs instruments de musique : les grands tambours de la guerre, les tambours du Bianou.
La beauté de jeunes filles s’exprime lors du Bianou où celles-ci sont maquillées avec art, parées de bijoux en or et en argent, habillées de pagnes et foulards bleus, noires, de chemises d’un blanc ou noir éclatant ornées de galons au motifs rouges des agdéziennes. Elles marchent en suivant les danseurs la tête protégée de petits et larges parapluies aux couleurs chatoyantes.
Quand la fête atteint son paroxysme ce sont des centaines de personnes qui sautent, dansent et virevoltent dans une sorte de procession guerrières ou malgré la multiplicité des instruments et des tonalités, les sons s’harmonisent pour donner un cachet très particulier à la musique du Bianou. Lors des rencontres qui se tiennent dans des endroits bien déterminés des quartiers de la ville, les deux groupes de l’est et de l’ouest, ne tarissent pas en défis.
Autrefois, la rencontre des deux groupes dégénérait en affrontements assez souvent violents et sanglant. De nos jours avec l’évolution des choses, l’ouverture d’esprit, la promotion de la paix et de la tolérance la fête se passe dans toute la joie et l’allégresse partagées avec tous les résidents et non-résidents d’Agadez, dans un climat de communion, de pardon et d’unité avec toutes et tous les Nigériens sans distinction de race ou de religion.
Le 9 du mois Moharem toute la ville participe au Marétchan-Ado ou la soirée de la beauté. Arborant leurs plus beaux habits, les deux divisions des quartiers précités rivalisent de sons et de danses. La nuit tombée, les danseurs célèbrent la nuit de la consécration et vont festoyer à Alarcès (à 5 km au nord) de la ville. Le lendemain aux environs de 9 heures, les fêtards regagnent la ville en dansant, chantant, agitant des branches de palme prélevés aux bordures du Kori Telwa et des bannières d’étoffe multicolores.
Toute la ville converge pour l’accueil des deux grands cortèges qui parcourent toutes les rues pendant cette journée, dite Daouka Tchizdayen (la prise des palmes de dattier). Mais préalablement une première escale est faite non loin de la garnison d’Agadez en souvenir peut-être de la bataille engagée par les troupes des Sultans Tagama et Kaocen face aux militaires français, une autre sur la place des martyrs de la répression française de 1916 -1917 où furent massacrés à l’époque les habitants d’Agadez.
Un bref crochet à la résidence de l’autorité politique et administrative locale et enfin la grande fête de chants et de danse passera dans l’enceinte de la cour de sa Majesté le Sultan de l’Air Oumarou Ibrahim Oumarou. De jeunes, femmes, hommes rivaliseront de danse et de leurs meilleurs atours de fête.
Quand la fête atteint un certain niveau, les femmes, les hommes d’un certain âge suivent les rythmes du Bianou, balançant la tête, essuyant en certains moment les larmes de joie, de fierté et de réconfort se souvenant des moments si précieux de leur tendre enfance dans cette cité qu’ils ont vu grandir et prospérer sous leurs regards de patriarches.
Aprés le sultanat, la fête se poursuit dans toutes les artères de la ville. Les groupes de danseurs rendent alors des visites a des dignitaires, aux personnes âgées qui ont marqué le Bianou et qui leurs ont relégué ce précieux héritage culturel et religieux qu’ils doivent préserver et pérenniser pour les futures générations.
Dans le commun des agdéziens on dit qu’il est difficile de ne pas être sensible aux rythmes du Bianou, une fête qu’ils ont dans leur sang. La fin du Bianou correspond à l’Achoura, dixième jour de l’an musulman.
Par Abdoulaye Harouna ANP-ONEP/Agadez