
La carrière de ‘‘Bounti Siminti’’
Les scolaires nigériens, surtout les plus jeunes, attendent tous les ans avec impatience les grandes vacances pour s’adonner à de quoi arrondir leur fin de mois. Si d’ordinaire, vacances rimes avec repos et voyages, pour les jeunes scolaires issus des familles démunies, c’est l’occasion tant attendue pour entreprendre des activités lucratives et soutenir leurs familles respectives. C’est aussi le moment espéré de mettre de l’argent de côté pour acheter habits et fournitures scolaires et préparer la rentrée académique. Dans plusieurs quartiers du 5ème arrondissement communal de Niamey, les jeunes vacanciers se sont tournés vers la vente de sable et graviers pour atteindre leurs objectifs.
On les croise sur les routes bitumées de ce vaste arrondissement communal, se faufilant avec leurs charrettes remplies, entre les véhicules et autres engins à moteur, où dans les quartiers tentant de vendre leurs cargaisons. Ces jeunes des quartiers périphériques empruntent les charrettes familiales tractées par des ânes pour s’adonner à cette activité particulièrement rentable en saison pluvieuse. Ils bénéficient ainsi du soutien de leurs ainés dans le métier qui les protègent et leur promulguent de précieux conseils en matière d’épargne et de sécurité sur les routes.
Les jeunes qui s’adonnent à la vente de sable et de graviers sont âgés en général de douze à quinze ans. Ils exercent en petits groupes de 2 à 4 membres pour une charrette. Cette organisation qui s’est imposée naturellement au fil des années d’expériences, rend la tâche plus facile et la transforme presque en un passe-temps qui rapporte. Aujourd’hui, la plupart d’entre eux possèdent au moins une charrette et un âne dans leurs familles. Ceux-ci sont les chefs de groupes et ils sont les plus expérimentés. Ceux qui n’en possèdent pas dans leurs familles font appel à la bonne compréhension de leurs voisins pour leur prêter.
Sidikou Boubacar et Abdoul Kader Abdoulaye sont âgés de treize ans chacun. Ils sont tous les deux chef de groupe. Trouvés en plein travail sur le site de la carrière de Bounti Simenti, dans le 5ème arrondissement communal de Niamey, ils disent exercer cette activité uniquement pendant les grandes vacances et quelques fois les congés scolaires. Le premier travail en duo avec son frère, tandis que le second dirige un groupe composé de trois autres membres. A cause surtout des besoins en remblais dans les quartiers, la saison pluvieuse est propice à la vente de sable au détail.
Abdoul Kader Abdoulaye donne des précisions sur les prix de vente de leurs cargaisons. La Charrette remplie de sable se vend entre 1.000f et 1.500f en fonction du volume et du client. C’est le produit le plus vendu. Le mélange de sable et gravier, localement appelé « toubena », se vend au double de ce prix. En fonction de la demande, chaque groupe peut vendre jusqu’à 10 charrettes par jour. Mais le gain moyen journalier se situe entre 2.500f et 4.000f, comme le précise le jeune scolaire. « A la descente, on achète du foin et quelques céréales pour nourrir l’âne. Et s’il nous reste encore de l’argent, on donne à notre mère pour nous garder. C’est avec cet argent que nous achetons nos habits et fournitures scolaires », renchérit Sidikou Boubacar, avant de repartir avec sa charrette remplie de sable.
« Les enfants viennent travailler de temps en temps. La plupart sont des écoliers et viennent seulement pendant les vacances et les congés scolaires », fait savoir M. Mahamadou Abdourhamane, un des plus anciens dans le métier de la vente de sable et gravier. Il souligne avec émerveillement la bonne organisation de ces jeunes scolaires « agréables à travailler en leur compagnie ». « Le principal problème que nous constatons ici, poursuit cet habitué des lieux, c’est les déchets ménagers que les gens versent dans la carrière. Le sable n’aime pas les impuretés… On a parlé aux riverains mais ils ne nous écoutent pas », regrette-t-il.
En attendant cette disparition programmée de la petite carrière de sable de Bounti Siminti, les tricycles ont fait leur apparition sur le site afin de proposer les mêmes services que les charrettes tractées par des ânes. Les propriétaires de ces engins à trois roues ont commencé à exercer vers la fin de l’année 2020 et permettent à plusieurs jeunes, chefs de famille, de trouver de nouvelles sources financières pour subvenir à leurs besoins familiaux. « Un chargement du tricycle peut faire 2 chargements de charrettes. Le toubena se vend à 8.000f CFA parce que nous partons l’acheter nous-mêmes. Le chargement de sable est lui vendu entre 2.000f et 2.500f CFA », indique M. Illiassou Ousmane, un exploitant de carrière rencontré surplace.
Souleymane Yahaya (ONEP)